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Avant-propos

Créé le

14.11.2012

-

Mis à jour le

28.11.2012

Le rapport Gallois vient de placer la compétitivité de la France (et de son territoire) au centre des préoccupations politiques et économiques. Ce rapport peut être discuté à de nombreux égards, mais il aura eu le mérite de désigner explicitement la qualité et la profondeur du financement comme autant d’éléments structurants de la compétitivité d’un pays et de ses entreprises.
La situation de nos voisins espagnols et italiens démontre que le financement d’une économie ne va pas de soi et qu’il se mérite, parfois au prix de grands sacrifices.

Notre pays doit donc mener un double combat : celui de la qualité de ses finances publiques et celui de l’offre d’un financement corporate à la hauteur de ses objectifs de croissance. En ce qui concerne ce dernier aspect, nous sommes confrontés à une situation particulièrement périlleuse :

  • les nouvelles normes prudentielles (Bâle III et Solvabilité 2) sont un facteur majeur de raréfaction de l’offre de fonds propres et de crédit, en particulier pour les PME et ETI, segment qui n’a pas accès aux marchés de capitaux. La France occupe à cet égardune position très singulière en Europe, compte tenu de la structure de son secteur bancaire et du rôle prédominant que joue l’assurance vie dans le financement désintermédié ;
  • depuis le début de la crise de 2007, le secteur financier européen est l’objet d’une « renationalisation » de ses orientations, un phénomène qui réduit l’offre de capitaux et augmente le risque systémique de nos économies ;
  • le différentiel de croissance entre les pays de l’OCDE et les pays émergents, et le financement des premiers par les seconds sont les deux manifestations principales du « basculement du monde ». Ce cadre accentue le risque de marginalisation d’une Europe impuissante à régler ses problèmes internes et la très grande solitude des économies qui auront perdu la confiance des marchés.
Qu’en déduire ?

D’abord que la France ne sera pas, ou peu, aidée par son environnement. Elle doit trouver ses propres solutions, et vite.

Ensuite que ces solutions ne seront pas trouvées dans des scénarios de continuité ; nous avons besoin d’innovation, qu’il s’agisse d’un réalignement de la réglementation domestique, de la proposition de nouveaux instruments financiers, de coopération entre acteurs industriels ou de la mise en place d’un grand fonds de financement de l’économie française.

Enfin que le financement de l’économie est une question majeure de souveraineté et de consolidation du contrat social de la nation.

Souveraineté, car on ne peut se satisfaire que, faute d’acteurs domestiques, le financement et la propriété de nos entreprises dépendent de l’offre mondiale d’épargne à long terme, les fonds de pension et les fonds souverains de pays qui ne partagent pas tous nos valeurs.

Contrat social, car le financement de l’économie est aussi gagé sur une épargne domestique qui vise à assurer contre des risques : vieillesse, dépendance, accidents de tous ordres. Dans ce domaine, les préférences pour la garantie et la liquidité ne sont-elles pas la transposition en finance d’une « société de défiance » bien décrite par Yann Algan et Pierre Cahuc [1] ? En la matière, l’État doit jouer un rôle structurant, en tant que réassureur moral de la société et de garant de la stabilité fiscale. En la matière, il s’agit surtout d’exprimer clairement des convictions, d’indiquer un cap et de faire montre de courage.

On le voit, la question du financement de l’économie ne peut être cantonnée à des aspects strictement techniques, comptables et matériels. C’est pourquoi je me réjouis, en tant que président de l’Amafi, d’avoir encore une fois trouvé en Revue Banque un partenaire engagé, qui a su rassembler des contributeurs pertinents de tous les horizons : parlementaires, institutions de Place, économistes, juristes, entrepreneurs… Le débat continue. Espérons qu’il sera rapidement arbitré.

 


1 [1] La société de défiance. Comment le modèle social français s'autodétruit, par Yann Algan, Pierre Cahuc Coll. Cepremap, éditions rue d'Ulm

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº754bis
Notes :
1 [1] La société de défiance. Comment le modèle social français s'autodétruit, par Yann Algan, Pierre Cahuc Coll. Cepremap, éditions rue d'Ulm