L’analyse d’Henri Calvet, Gérant de H2C Conseil, cofondateur de la Base SANCO
Quelle jurisprudence emporte cette décision ?
La conséquence importante, pour tout Asset Manager, est que dès lors qu’il acquiert, même dans le cadre de son métier, une information privilégiée relative à un titre détenu pour compte de tiers, il est tenu de ne plus intervenir sur le titre en question.
Sur mandat d’Elliott Management, Elliott Advisors recherchait les conditions les plus favorables pour céder les titres APRR détenus par les fonds gérés par Elliott Management, ce qui est parfaitement légitime ; en négociant avec l’acquéreur potentiel, la société Eiffarie, Elliott Advisors a appris bien évidemment à quel cours le bloc APRR détenu pourrait être cédé, cours en l’occurrence supérieur à celui du marché. Dès lors, Elliott Advisors a détenu une information privilégiée relative au titre APRR.
Or, il ressort de différents indices qu’Elliott Advisors a indûment transmis ladite information à Elliott Management, laquelle a utilisé cette information en poursuivant ses achats du titre APRR.
Le fait que ces achats se soient inscrits dans une stratégie d’acquisition mise en œuvre depuis plusieurs années est sans incidence sur la caractérisation du manquement : détentrice d’une information privilégiée relative au titre APRR transmise par Elliott Advisors, Elliott Management était soumise à une obligation d’abstention et ne pouvait donc plus acquérir de titres APRR.
Les manquements retenus par la Commission des sanctions (transmission et utilisation d’une information privilégiée) sont donc relatifs à une information légitimement obtenue par le fonds Elliott, dans le cadre de son métier de gestion pour le compte de tiers et, plus précisément, à la faveur des négociations conduites avec des acquéreurs potentiels pour le bloc de titres APRR détenu par les fonds gérés.
Un gérant d’actifs ne saurait méconnaître les obligations d’abstention susvisées, y compris dans le cas où l’information privilégiée a été acquise dans le cadre de la valorisation d’une ligne de titres détenus pour le compte de tiers.
Quel recours existe-t-il pour le groupe Elliott ?
Selon la presse, les avocats du fonds Elliott entendent former un recours, le délai pour cela étant de 2 mois à compter de la notification de la décision de sanction. Le recours, le cas échéant, sera examiné, s’agissant de sociétés de droit étranger, par la cour d’appel de Paris, mais il faudra compter sans doute 2 ans avant que n’intervienne sa décision.