Le Conseil constitutionnel a rendu, le 28 janvier 2022, une décision importante
Rappel des faits : à l’origine, l’AMF avait procédé à un contrôle du respect de ses obligations professionnelles par la société de gestion de portefeuille Novaxia AM. Au cours de cette procédure, les contrôleurs de l’AMF avaient formulé une demande de communication aux sociétés Novaxia Développement, Novaxia Gestion et Novaxia de l’intégralité de leurs grands livres pour les années 2014, 2015 et 2016. Les trois sociétés s’y étant opposées, l’AMF avait considéré que le manquement d’entrave au bon déroulement de la mission de ses contrôleurs était caractérisé, sur le fondement des dispositions du f) du paragraphe II de l’article L. 621-15 du Code monétaire et financier (CMF). La commission des sanctions l’avait suivie.
La décision de sanction de l’AMF du 19 novembre 2019
Pouvoir globalement confirmé, mais partiellement abrogé
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel :
– a confirmé le pouvoir général de sanction de l’AMF, principalement en matière d’abus de marché, à l’encontre de personnes qui ne sont pas soumises à son contrôle, mais
– a abrogé et donc déclaré inconstitutionnel, avec effet immédiat, le dispositif de sanction administrative de l’AMF pour entrave dans le cadre d’une procédure d’enquête ou de contrôle.
Les Sages ont, par ailleurs, écarté l’ensemble des autres griefs des requérants. Ils portaient sur la méconnaissance des principes de légalité des délits et des peines et de proportionnalité des peines, sur la violation du principe de séparation des pouvoirs, sur le non-respect de la vie privée et sur le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser.
Si la confirmation du pouvoir général de sanction de l’AMF nous semble logique et justifié à la lumière de la réglementation européenne
Un périmètre clairement défini
En ce qui concerne l’abrogation du dispositif de sanction administrative pour entrave, le Conseil constitutionnel a précisé que la déclaration d’inconstitutionnalité pouvait désormais être invoquée dans les procédures en cours par les personnes poursuivies, à la condition qu’elles aient préalablement fait l’objet de poursuites pénales sur le fondement des dispositions de l’article L. 642-2 du CMF.
Le Conseil constitutionnel a ainsi considéré ainsi que la répression administrative du manquement d’entrave aux enquêtes et contrôles de l’AMF et la répression pénale fondée sur les dispositions précitées tendaient à réprimer les mêmes faits, qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux. Il en a donc déduit que les dispositions contestées méconnaissaient le principe de nécessité des délits et des peines et qu’elles devaient, dès lors, être déclarées contraires à la Constitution.
Par un communiqué daté du 18 février 2022, l’AMF a pris acte de la décision. L’institution présidée jusqu’à l’été par Robert Ophèle a toutefois tenu à rappeler que celle-ci était attendue, compte tenu d’une décision similaire rendue par le Conseil constitutionnel le 26 mars 2021
L’AMF veut une nouvelle loi
Consciente qu’elle avait été largement relayée, le régulateur a tenu à préciser que la décision ne remettait pas en cause la possibilité de sanctionner des faits constitutifs d’une entrave. Comme pour répondre au Conseil constitutionnel, l’AMF a ajouté que la décision n’entraînait pas d’impact sur les procédures en cours visant un manquement d’entrave, sous réserve de l’absence de poursuites préalables pour délit d’entrave portées devant l’autorité judiciaire. Ce communiqué visait donc simplement à mettre en exergue que la contrariété des dispositions précitées à la Constitution demeurait limitée quant à ses effets.
Pour l’avenir, l’AMF a indiqué qu’elle allait prochainement proposer des modifications législatives afin de mettre en conformité les dispositions du CMF avec la décision et ainsi mettre un terme à la possibilité d’une double poursuite en matière d’entrave.
Cette décision intervient dans un contexte jurisprudentiel récent et foisonnant
En lien avec la thématique de la décision, notons que lors de la dernière mise à jour par l’AMF de ses chartes de l’enquête et du contrôle du 27 septembre 2021, des clarifications avaient été apportées en matière de coopération avec le régulateur : les documents à communiquer doivent être complets, non dénaturés et cohérents ; les réponses aux questions posées par les contrôleurs et enquêteurs doivent être apportées dans les meilleurs délais.
Mode d’emploi de la coopération avec l’AMF
À toutes fins utiles, il convient également de souligner que d’autres voies ont été utilisées par le passé par l’AMF aux fins de sanctionner des comportements d’entrave ou d’obstruction sur le fondement des dispositions du Règlement général de l’AMF