Le 10 février 2016, la Commission européenne et la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), agence de régulation et supervision américaine des marchés dérivés, signaient une approche commune sur les « obligations des contreparties centrales transatlantiques ». Dans la foulée, la Commission adoptait le 15 mars une décision d’équivalence pour les contreparties centrales (CCPs) des États-Unis qui doit permettre à l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF ou ESMA) de les reconnaître. De son côté, la CFTC s’engageait à simplifier la procédure d’enregistrement des CCPs européennes souhaitant offrir leurs services aux États-Unis.
Cet accord sur l’équivalence des règles juridiques et de supervision relatives aux CCPs intervient après plus de trois années d’âpres négociations entre les autorités européennes et américaines.
Négociations et concessions
Quel était l’enjeu ? Rien de moins que de permettre à des chambres de compensation des deux côtés de l’Atlantique d’opérer sans avoir à se conformer à deux réglementations pouvant être très différentes à certains égards. Pour ce faire, il fallait conclure un accord reconnaissant que ces deux réglementations étaient globalement équivalentes. Naturellement, c’est l’appréciation des différences entre les deux régimes et les ajustements à mener qui soulevait le plus de frictions, en clair, le « prix à payer » par chacune des parties, chacune d’entre elles estimant que son régime applicable aux chambres de compensation était meilleur que l’autre.
Du côté européen, il était particulièrement important de considérer l’entrée en vigueur de l’obligation de compensation des dérivés OTC, telle que prescrite par EMIR, en juin 2016 (et l’obligation pour les acteurs de marché de choisir leur CCPs d’ici février 2016), avec, en toile de fond, les dispositions du Règlement sur les exigences de fonds propres (CRR) prévoyant que si un établissement financier européen compense des opérations avec une contrepartie centrale non reconnue au niveau européen, des charges en capital pénalisantes lui sont alors imposées.
Et c’était précisément là toute la difficulté : l’échéance « couperet » approchant, il était devenu urgent, pour les utilisateurs européens des chambres américaines, qu’un accord sur l’équivalence du régime européen soit trouvé. Pour autant, pouvait-on ne pas prendre en compte les impacts en termes de gestion d’ensemble des risques portés par les contreparties centrales et des adhérents compensateurs ainsi que la position concurrentielle des infrastructures européennes ?
Et c’est là que le bât blesse. Si l’accord mentionne le respect, par les CCPS américaines souhaitant être reconnues dans l’Union, de certaines conditions concernant notamment l’existence, dans les modèles de marges initiales, de mesure d’atténuation des risques procycliques, ou le maintien de ressources permettant de couvrir le défaut simultané de deux adhérents, il ne va pas au-delà. Et l’on ne peut manquer de relever que l’AEMF a
Des divergences majeures
De manière plus générale d’ailleurs, le processus de négociation aurait dû s’attacher à d’autres aspects importants en termes de gestion des risques pour lesquels il y a des divergences majeures entre les règles EMIR et celles du Dodd Frank Act. Ces divergences peuvent en effet être révélatrices d’un différentiel de normes pouvant porter préjudice aux infrastructures européennes. Citons à titre d’exemple les règles relatives à l’approbation des nouveaux produits.
Il est vrai que la Commission européenne devait arbitrer entre les intérêts des établissements et ceux des CCPs européennes. Cette nécessité en elle-même est regrettable. L’Europe n’aura pas su ou voulu se donner les moyens de conclure à son avantage le bras de fer amorcé 3 ans plus tôt avec les États-Unis. Pour ce faire, sans doute aurait-elle dû soupeser plus attentivement les exigences qu’elle imposait à ses propres établissements. L’enjeu de la négociation était pourtant réel : dans des marchés dérivés, dont le caractère globalisé s’affirme chaque jour un peu plus, l’Europe à tout intérêt à disposer d’infrastructures fortes dont elle a la maîtrise plutôt que de dépendre d’entités établies dans d’autres pays.