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Rencontre avec... Alex Bauer, Directeur général IBM Consulting France, et Marc Haddad, Senior Partner, responsable Banque et Assurance, IBM

« Tout ce qui peut être automatisé le sera »

Créé le

19.04.2023

-

Mis à jour le

08.06.2023

Sécurité, compétences ad hoc : la digitalisation des banques soulèvent de nombreux défis, notamment pour préserver la confiance.

Quels sont les grands enjeux des banques ?

Alex Bauer (A. B.) : Dans un contexte macroéconomique, stratégique et géopolitique marqué par une très forte incertitude, les dirigeants font face à de nombreux défis. D’abord, depuis plusieurs années, les attaques cyber sur les entreprises se sont multipliées, une tendance amplifiée avec la guerre en Ukraine. Selon un rapport du Financial Services Information Sharing and Analysis Center (FS-ISAC) de janvier, les attaques ciblant les entreprises financières ont bondi de 73 % en Europe. La sécurité est donc au centre des préoccupations. Les chefs d’entreprise doivent en parallèle optimiser leur core business, afin de dégager des ressources pour investir, en particulier, dans les innovations technologiques. Celles-ci sont rapides et bouleversent l’ensemble des métiers, y compris intellectuels, à travers l’usage de l’intelligence artificielle (IA). Enfin, un mouvement a été engagé, et il s’accélère, en faveur de la décarbonation de nos économies, qui a aussi un impact sur la façon dont les entreprises doivent faire évoluer leur business model.

Sur quels domaines portent les principaux chantiers de digitalisation ?

Marc Haddad (M. H.) : L’expérience client reste au cœur de la transformation digitale et numérique des banques. Ces dernières disposent maintenant d’outils performants : les particuliers effectuent l’ensemble des opérations possibles sur leur compte. La question qui se pose alors est celle de l’articulation entre les agences qui restent nécessaires – même si elles sont moins nombreuses – et les process digitalisés. En parallèle, les banques utilisent la digitalisation afin d’améliorer leurs process opérationnels. Elle permet notamment de désengorger les back offices. Des applications très concrètes ont été trouvées, par exemple en matière d’analyse de crédit. Dans le crédit à la consommation, l’aspect le plus complexe réside dans l’évaluation instantanée des clients. Aujourd’hui, avec le traitement automatisé des données et l’aide de l’IA, l’identification du profil de risque de chaque client peut être obtenue immédiatement. Ces types d’usage sont opérationnels dans le paiement différé ou fractionné pour les achats en ligne.

Comment intervenez-vous ?

A.B. : Nous accompagnons les banques dans la transformation de leur business à travers notamment la notion de smart agency. Nous avons travaillé avec plusieurs de nos clients bancaires afin de développer des IA accompagnant les conseillers clientèle. Ils s’appuient sur cet outil pour élaborer des solutions adaptées à chaque client en fonction de leur profil et de leurs besoins. On évoquera alors la notion « conseiller augmenté ».

Quels sont les freins au développement de la digitalisation ?

M. H. : Tout ce qui peut être automatisé le sera. Les principaux freins résident dans l’accès aux compétences. Il faut recruter, former les équipes et les faire monter en gamme. Par ailleurs, la sécurité des données est un enjeu crucial. Il en va de la confiance des clients. À ce titre, les banques françaises ont longtemps été plus réticentes que leurs homologues anglo-saxons à utiliser le cloud, car elles craignaient que les données clients ne soient stockées à l’étranger ou qu’elles soient soumises à des décisions politiques de souveraineté. Elles sont maintenant en train de rattraper leur retard.

A. B. : Dans le domaine du cloud, les banques optent pour une hybridation des infrastructures, afin de sécuriser leurs données tout en bénéficiant de l’agilité permise par celui-ci. Elles utilisent à la fois des solutions dédiées et des solutions publiques comme le cloud d’IBM ou des hyperscalers.

N’y a-t-il pas des freins spécifiques à l’IA ?

A. B. : L’IA va bouleverser tous les métiers. La demande se fait croissante quant à une réglementation, même si, dans ce domaine, l’Europe, à travers la stratégie de son Commissaire intérieur au marché européen Thierry Breton, est bien avancée. En ce qui nous concerne, nous cherchons à développer une IA de confiance. Nous mettons en œuvre une IA transparente, avec une gouvernance dédiée et une recherche d’éthique, et nous travaillons de façon continue sur la robustesse et l’explicabilité de nos algorithmes.

Quelles sont les prochaines étapes en termes de transformation business ?

M. H. : Nous entrons dans une nouvelle ère, dite de « plateformisation ». Les banques, comme l’ensemble des acteurs, ne peuvent procéder à l’ensemble des développements nécessaires à leur digitalisation en interne. Elles doivent s’appuyer sur des solutions mises en place par d’autres, comme des fintechs. Elles vont devoir assembler sur des plateformes le meilleur de la technologie et collaborer avec des tiers, pour préparer la grande révolution qu’est l’informatique quantique.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº880
RB