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L’Espagne prend la vague crypto

Créé le

22.05.2023

-

Mis à jour le

24.05.2023

Face à la prudence des régulateurs et des banques, les Espagnols plébiscitent l’utilisation du bitcoin.

Adieu aux distributeurs de billets automatiques traditionnels... bienvenue aux distributeurs de cryptos ! « L’hiver crypto », qui a abouti à la faillite d’un certain nombre de plateformes mondiales, ne semble pas avoir ébranlé l’intérêt de l’Espagne pour les cryptomonnaies. Selon des données publiées par le site CoinATMradar, le pays se positionne à la quatrième place mondiale, et la première au niveau européen, avec 276 distributeurs de bitcoins au compteur, un chiffre qui reste néanmoins très loin de celui enregistré par le trio de tête des pays anglo-saxons : États-Unis (29042), Canada (2682), Australie (399). Leader du marché espagnol, BitBase a terminé l’année 2022 avec l’installation de sept nouveaux guichets automatiques et vise à installer cette année 100 guichets automatiques supplémentaires en Espagne, ce qui doublerait son réseau actuel de 107 distributeurs.

Cette tendance repose sur plusieurs facteurs. Premier d’entre eux : un véritable engouement de la part des Espagnols. Dans le cadre d’une étude menée par la fintech Bit2Me en 2020, 66 % d’entre eux avaient déjà entendu parler du bitcoin à cette époque et plus de la moitié le considérait comme un bon investissement : « Le Gouvernement espagnol a également développé une position plutôt favorable à l’égard des cryptodevises, ce qui a contribué à créer un environnement de soutien pour toutes les activités liées aux cryptodevises », ajoute Xavier Perez Corominas, professeur spécialisé en blockchain, NFT et métavers à l’Esade Business School.

En 2020, le Conseil des ministres espagnol a approuvé une loi sur la transformation numérique, comprenant un certain nombre de dispositions sur la réglementation des échanges cryptos et des services de conservation d’actifs. Mais les Espagnols ne se contentent pas de montrer leur curiosité.

Les stratégies bancaires

Selon un rapport publié par le Banco de España (BDE), le pays s’est classé en 2021 au cinquième rang européen en termes de volume de transactions – juste derrière le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et les Pays-Bas –, à près de 60 milliards d’euros, soit 4,8 % du PIB. À titre de comparaison, le volume de transactions de crypto-actifs en Europe s’est élevé à près de 845 milliards d’euros (4,9 % du PIB, 0,9 % du total des actifs financiers), soit 25 % du total mondial, devant l’Amérique du Nord qui en représentait 18 %. « L’Espagne a représenté quelque 10 % du total des transactions de la zone euro entre juillet 2020 et juin 2021, ce qui correspond à son poids économique relatif dans la région », indiquait le BDE dans son rapport.

Du côté des banques, l’intérêt pour ces monnaies n’a pas été uniforme : depuis janvier 2021, le numéro deux de la banque espagnole BBVA propose, en Suisse, un service commercial d’achat-vente et de conservation de bitcoins. De son côté, le numéro un domestique CaixaBank a lancé une application de portefeuille de cryptomonnaies, qui permet aux clients de gérer leurs actifs numériques en toute sécurité. « Les autres banques se sont montrées beaucoup plus prudentes et ne se sont pas lancées à fond dans ces devises », poursuit l’enseignant de l’Esade Business School. À maintes reprises, la banque centrale espagnole a alerté sur les risques d’investissement dans ces monnaies numériques, citant en particulier leur forte volatilité et l’absence de réglementation spécifique. À l’heure actuelle, le Banco de España est seulement chargé de gérer le registre des prestataires de services d’échange entre les monnaies virtuelles et les monnaies fiduciaires et des prestataires de portefeuilles de dépôt, mais il n’a aucun pouvoir de réglementation ou de surveillance sur les marchés de crypto-actifs.

Le régulateur financier espagnol (CNMV) a pour sa part imposé des restrictions à la publicité des crypto-actifs depuis le début de l’année 2022. Les annonceurs et les entreprises commercialisant des cryptodevises sont tenus de communiquer au régulateur, au moins dix jours à l’avance, le contenu de toute action de campagne de communication visant plus de 100 000 personnes : « En demandant aux entreprises d’apporter une information claire et complète, la CNMV espère ainsi empêcher les clients de prendre des décisions légères qui pourraient conduire à des pertes financières, explique Xavier Perez Corominas. Il est encore trop tôt pour déterminer l’impact réel de ces mesures. Néanmoins, elles ont été généralement bien reçues par l’industrie crypto en raison du surcroît de transparence et de clarté qu’elles apportent aux investisseurs et de la promotion de pratiques marketing responsables qu’elles soutiennent. »

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº881
RB