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Banque Centrale Européenne

De nouvelles formes
d’investigation

Créé le

17.04.2023

-

Mis à jour le

20.04.2023

Depuis l’an dernier, la BCE a initié des examens
et inspections « ciblés », qui tendent à devenir
prédominants et sont annonciateurs
d’autres évolutions, pour une approche
de supervision qui se veut toujours
plus orientée par les risques (risk-based).

En 2022, les banques ont fait l’objet de nouvelles formes d’investigations dites « ciblées », sans que celles-ci ne soient toujours définies clairement alors qu’elles peuvent représenter une part substantielle du programme de travail du mécanisme de supervision unique (MSU). C’était par exemple le cas des examens ciblés (targeted reviews) apparus, pour la première fois1, dans les priorités de supervision 2022-2024 mais définis l’année suivante, dans celles émises pour la période 2023-2025.

Pour caractériser les différents types d’investigation BCE, il faut prendre en compte et croiser deux critères distinctifs :

– une investigation est dite « sur place » (on-site) ou « à distance » (off-site), selon qu’elle est menée par une équipe d’inspection, qui se rend dans les locaux de l’établissement pendant plusieurs semaines, ou par la JST2, qui est l’équipe dédiée à la supervision quotidienne de l’établissement visé ;

– cette investigation est horizontale ou idiosyncratique, selon qu’elle vise plusieurs établissements, concernant un risque auquel est exposé tout ou partie du secteur bancaire, ou un seul, à l’initiative d’une JST sur un sujet de préoccupation spécifique à l’établissement qu’elle supervise. Les actions horizontales font l’objet d’une comparaison (benchmarking) des résultats des investigations entre les différentes banques concernées, afin d’assurer une égalité de traitement entre celles-ci et d’identifier les bonnes pratiques.

Au départ, trois catégories

Au lancement du MSU, les types d’investigation que la BCE menait étaient en nombre limité, avec un périmètre bien défini. Ils recouvraient, outre les investigations sur les modèles internes, trois catégories.

1. Les inspections sur site (OSIs – On-site Inspections), menées par un « chef de mission » à la tête d’une équipe d’inspecteurs distincte et indépendante de la JST, même si celle-ci y est souvent représentée par l’un de ses membres. Elles durent plusieurs semaines, dans les locaux de l’établissement concerné.

Elles peuvent porter sur une source de risques particulière à un établissement ou commune à tout ou partie du secteur bancaire. Dans ce dernier cas, le risque est généralement identifié comme tel dans les priorités de supervision et sont alors mises en place des « campagnes d’inspections » (campaign OSIs) qui sont réalisées successivement au sein de plusieurs établissements, et réparties sur deux ou trois années.

2. Les deep dives sont des investigations conçues et conduites par les JSTs sur un sujet de préoccupation particulier à l’établissement qu’elles supervisent et justifiant un examen en profondeur. Elles donnent généralement lieu à des remises documentaires suivies de réunions techniques (ateliers).

3. Les examens thématiques (thematic reviews) sont conçus par les équipes horizontales3 du MSU, car ils concernent une priorité de supervision, mais sont conduits ensuite par les différentes JSTs auprès de tout ou partie des établissements d’importance significative.

Ces investigations aboutissent généralement à l’établissement d’une lettre de suite (follow-up letter) dans laquelle la JST énonce ses recommandations et les délais dans lesquels elle s’attend à ce que la banque concernée les mette en œuvre.

Les nouvelles investigations « ciblées »

Depuis l’an dernier, la BCE a introduit trois nouveaux types d’investigation, qui sont en réalité des adaptations des examens thématiques et inspections sur place.

I. L’« examen ciblé » (targeted review), tout d’abord, est défini comme « un examen horizontal couvrant un groupe important, mais ciblé, d’établissements soumis à la surveillance prudentielle (l’échantillon est plus restreint que pour un examen thématique) »4. Cette définition, qui ne met en avant que le critère du nombre de banques visées, pour distinguer examens thématiques et examens ciblés, masque une différence plus fondamentale liée à l’objectif poursuivi par chacun de ces exercices. Alors que les premiers visent à évaluer le secteur bancaire dans son ensemble et ont par conséquent vocation à couvrir soit toutes les banques d’importance significative, soit un échantillon représentatif d’entre elles, les seconds s’intéressent uniquement aux banques les plus exposées au risque faisant l’objet des investigations.

2. Les « inspections sur place ciblées » (targeted OSIs) font quant à elles référence « à des inspections sur place portant uniquement sur un sous-groupe spécifique d’établissements supervisés »5. Cette définition ne permet toutefois pas de les distinguer des campagnes d’inspections qui, elles aussi, visent un sous-groupe d’établissements supervisés. Nous pensons néanmoins que les éléments distinctifs entre les deux sont similaires à ceux prévalant pour les examens ciblés et thématiques.

3. Les « inspections sur place très ciblées et parallèles » (very targeted parallel OSIs). Ce concept, inauguré cette année, n’est à ce stade mentionné dans aucune publication de la BCE. Elles concernent, comme les campagnes d’inspections et les inspections ciblées, plusieurs établissements mais elles s’en distinguent sur les deux aspects suivants : elles sont « parallèles », c’est-à-dire conduites simultanément par la même équipe d’inspection et ont un périmètre d’investigation plus restreint (« très » ciblé).

Plus de flexibilité et
de supervision par les risques

Ces nouvelles formes d’investigations, qui sont en réalité des variantes des inspections sur place et examens thématiques, ont en commun de donner à la BCE une plus grande flexibilité pour adapter ses actions à l’évolution de la situation économique et du profil de risque des établissements.

Elles sont également toutes conçues par les directions horizontales et partant, elles en renforcent le pouvoir. Si des poches de risques sont communes à un groupe plus ou moins large de banques, la BCE conduira de préférence des examens et inspections ciblés, qui présentent l’avantage de permettre le recours au benchmarking, plutôt qu’aux deep dives, à l’initiative des seules JSTs. Il est néanmoins essentiel que la BCE fasse un usage mesuré du benchmarking. Si celui-ci donne indéniablement des éléments d’information très utiles, il peut aussi aboutir à une simplification excessive des résultats, qui prennent insuffisamment en compte les spécificités du profil de risque de chaque banque.

Ces nouvelles formes d’investigations sont également toutes accolées du même qualificatif, « ciblé », qui souligne l’intention de ne couvrir que les banques les plus exposées au risque concerné.

La BCE a déjà très largement recours à ces nouvelles formes d’investigations, malgré leur introduction très récente. À titre d’exemple, le programme de travail associé aux priorités de supervision 2023-2025 prévoit sept inspections sur place ciblées et six examens ciblés, tandis qu’il n’est mentionné aucune revue thématique, trois deep dives et deux inspections sur place standards (dont une campagne). Ceci marque un contraste fort avec les débuts du MSU, qui avait alors conduit de nombreux examens thématiques sur la majeure partie des grandes catégories de risques (comme la profitabilité, le risque de crédit, la gouvernance ou l’externalisation). Cette démarche se justifiait alors par le fait que le MSU devait acquérir une compréhension fine des risques et vulnérabilités affectant le secteur bancaire dont on venait de lui confier la supervision des établissements les plus larges.

Ce recours massif aux nouvelles formes d’investigations illustre l’évolution que la BCE souhaite imprimer à son mode de supervision et qui a été très récemment décrite par Andrea Enria : « La façon dont nous exerçons la supervision est passée d’une approche essentiellement fondée sur des règles (rule-based) et fortement codifiée à une approche davantage axée sur les risques (risk-based) et adaptable à l’évolution rapide de la situation économique »6. Dans ce discours, Andrea Enria annonce l’instauration d’un SREP7 pluriannuel (Multi-year SREP) qui permettrait aux JSTs « de mieux calibrer l’intensité et la fréquence de leurs analyses, en fonction des vulnérabilités de chaque banque et des priorités plus larges de la surveillance ». Un SREP « ciblé », en somme.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº880
Les différents type d’investigations de la BCE
$!De nouvelles formes d’investigation
Notes :
1 À l’exception des examens ciblés des modèles internes (Targeted Review of Internal Models, TRIM) lancés au début du MSU mais correspondant à un exercice très particulier qui se voulait unique.
2 Acronyme de Joint Supervisory Teams, communément utilisé pour désigner les équipes de supervision prudentielle conjointes en charge de la surveillance quotidienne (day-to-day supervision) des banques. Elles sont constituées de membres de la BCE et des autorités nationales compétentes des pays dans lesquels sont situés les établissements supervisés.
3 Elles visent les équipes en charge d’une thématique pour le secteur bancaire dans son ensemble, par opposition aux équipes « verticales » qui couvrent les différentes JST, lesquelles se concentrent chacune sur la supervision d’un établissement particulier.
4 Priorités de supervision 2023-2025.
5 Priorités de supervision 2022-2024.
6 Discours introductif, « A new stage for European banking supervision », 28 mars 2023.
7 Acronyme de Supervisory Review and Evaluation Process, article 97 de la directive 2013/36/UE (CRD).
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