Ouvrant le Forum Fintech organisé par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l’Autorité des marchés financiers (AMF) le 16 octobre dernier, Marie-Anne Barbat-Layani, la présidente de l’AMF, indiquait espérer que « le potentiel des green fintechs pourra se matérialiser ».
2023 constitue une année charnière dans ce domaine, compte tenu de la multiplication des initiatives. « Depuis le début de l’année, 20 % des projets que nous avons labellisés concernent la finance durable. Nous constatons le lancement d’un très grand nombre de solutions dans l’analyse des données extra-financières, le reporting durable, l’épargne durable ou encore le scoring d’émissions de crédit et depuis peu dans la captation de carbone », détaille Mateo Djouadi, chargé d’innovation finance durable et solidaire de Finance Innovation. Ces start-up spécialisées bénéficient encore du soutien des financeurs. « En 2023, les levées de fonds dans la french tech ont chuté de plus 40 % par rapport aux précédentes années, il semblerait que les fintechs qui se lancent dans les métiers de la finance durable parviennent plus facilement à attirer l’intérêt des investisseurs et lever des fonds », poursuit Mateo Djouadi.
Parmi les métiers qui se développent le plus figurent ceux associés à l’analyse et à l’agrégation des données extra-financières et aux reportings. « Nous assistons à une véritable explosion des solutions mises à la disposition des entreprises et de l’industrie financière dans la perspective de l’entrée en vigueur du règlement CSRD, qui obligera les entreprises à partir de 2024 à publier des données ESG normalisées », indique Mateo Djouadi. Selon lui, toutes ces solutions ne parviendront cependant pas à trouver un public. « Il pourrait y avoir, à terme, des rapprochements entre acteurs ou des acquisitions par des grands groupes », avance le représentant de Finance Innovation.
Valoriser l’analyse extra-financière
Manaos, structure lancée à l’initiative de BNP Paribas, fait partie des acteurs qui cherchent à s’imposer. « Le pôle innovation de BNP Paribas a pris conscience assez tôt qu’il était nécessaire d’investir dans les nouvelles technologies afin de développer des solutions pour les clients investisseurs institutionnels et les sociétés de gestion de la banque, mais également pour se lancer sur de nouveaux marchés. Il a été choisi d’externaliser cette activité sur une plateforme afin de disposer d’une grande agilité », relate Paul Bureau, directeur du développement de Manaos. Dès le départ, la plateforme est pensée pour fonctionner en architecture ouverte.
« La plateforme fonctionne en self-service où les clients de la banque mais aussi des investisseurs tiers peuvent utiliser différentes couches de services pour mettre en qualité et analyser leurs données portefeuilles, et se mettre en conformité », confirme Paul Bureau. La fintech qui emploie maintenant une cinquantaine de collaborateurs possède une triple expertise. « Nous proposons des services de transparisation et d’agrégation des portefeuilles pour permettre à nos utilisateurs de récupérer leurs inventaires de fonds auprès de leurs Asset Managers, en quelques clics et dans un environnement sécurisé. Puis, grâce à notre marketplace intégrée, nous donnons accès à plus de 20 fournisseurs de données mondiaux et réalisons le mapping des portefeuilles à ces données ESG. Sur cette base, nous proposons la production de reportings », détaille Paul Bureau.
La start-up vient d’enrichir ses activités grâce à un partenariat avec LBP AM. Il vise la mise à disposition à des tiers de l’analyse extra-financière développée en interne par la filiale de gestion d’actifs de La Banque Postale. Celle-ci a mis au point la méthodologie propriétaire GREaT. Elle évalue du point de vue extra-financier les émetteurs privés, les États et les projets en s’appuyant sur « l’agrégation de 60 indicateurs applicables à un univers de 10 000 émetteurs », détaille LBP AM dans un communiqué à l’occasion de l’annonce du partenariat. Cette méthodologie est maintenant disponible sur la plateforme de Manaos. « LBP AM est l’un des tout premiers Asset Managers à rendre accessible sur une plateforme ouverte sa recherche et ses analyses extra-financières », se félicite Paul Bureau. Manaos a apporté de son côté des solutions techniques à la réalisation de ce projet et une facilité d’utilisation pour la société de gestion et ses clients. D’autres partenariats de ce type devraient suivre. « Nous sommes en discussion avec Trusteam et avec d’autres partenaires potentiels. Les besoins sont très nombreux compte tenu de l’inflation du coût de la donnée et des process technologiques à mettre en œuvre », conclut Paul Bureau.
