Square
 

Cop26

La finance au secours du climat ?

Créé le

24.11.2021

Selon la totalité des observateurs, et même des organisateurs, le bilan de la Cop26 n’est pas à la hauteur de l’urgence climatique. Pourtant, jamais le monde de la finance et de la banque ne s’est autant impliqué dans le combat pour la planète.  

Boris Johnson lui-même l’a reconnu : malgré des avancées conséquentes sur le méthane ou la déforestation, « sa » Cop26, qui s’est tenue du 31 octobre au 12 novembre dernier à Glasgow, a déçu – la faute, notamment, à l’Inde, à l’Australie, à la Chine, au Japon et aux États-Unis, qui ont refusé au dernier moment de signer une déclaration finale où était inscrit l’abandon du charbon à moins de dix ans. À défaut, et au grand dam du président de la Cop, Alok Sharma, et des ONG présentes en Écosse, n’y est plus mentionnée qu’une « réduction » de l’utilisation du charbon et des gaz à effets de serre.

C’est du monde de la finance, mobilisé des semaines avant l’ouverture du sommet (lire notre dossier dans Revue Banque 861), que sont venues nombre des bonnes surprises de la quinzaine. La première ? La Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ), portée par Mark Carney, conseiller du Premier ministre britannique et envoyé spécial des Nations Unies pour l’action climatique et la finance, qui a salué dans son initiative une « percée dans le financement climatique dont le monde a besoin ». Cet ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre a réuni derrière son projet rien moins que 160 entreprises responsables d’actifs de plus de 70 milliards de dollars. Forte au dernier recensement de 95 banques dans 39 pays (dont en France BNP Paribas, Crédit Agricole, Crédit Mutuel, La Banque Postale, BPCE et Société Générale), pour 66 trillions de dollars d’actifs, l’Alliance bancaire Net-Zero (NZBA) a rejoint la GFANZ, après l’initiative Net-Zero Asset Managers et l’alliance Net-Zero Asset Owner, et avant, prochainement, la Net-Zero Insurance Alliance.

Les membres de la GFANZ s’engagent à fixer « des objectifs intermédiaires et à long terme, alignés sur la science, pour atteindre l'objectif de zéro émission nette au plus tard en 2050 ». Concrètement, ils devront dans les 18 mois, puis 36 mois suivant leur adhésion fixer des objectifs pour 2030 et 2050, en mettant l’accent, au sein de leurs portefeuilles,  sur les secteursles plus intensifs en gaz à effet de serre (GES) et à forte intensité de carbone spécifiés (notamment l'agriculture, l'aluminium, le ciment, le charbon, l'immobilier commercial et résidentiel, le fer et l'acier, le pétrole et le gaz, la production d'électricité et les transports). Ils s’engagent également à publier chaque année le bilan de leur action.

De son côté, la Banque centrale européenne a rendu public en pleine Cop, le 3 novembre, son plan d’action pour le climat. Un programme en cinq points : l’intégration des risques liés au climat dans le suivi de la stabilité financière et la surveillance prudentielle des banques ; une meilleure compréhension des effets de ces risques sur le cadre de la politique monétaire de l’Eurosystème ; l’intégration de facteurs de durabilité dans la gestion de son portefeuille ; le comblement des lacunes en matière de données relatives au climat ; enfin, le soutien à une plus grande sensibilisation aux risques climatiques. Le même jour, deux autres autorités européennes, l’ABE et l’AEAPP, rappelaient plus modestement leur appui à la transition verte et s’engageaient, elles aussi, la première à « améliorer l’ensemble du cadre réglementaire prudentiel et de surveillance dans le domaine environnemental, social et de la gouvernance (ESG) », la seconde à finaliser dès l’année prochaine le premier tableau de bord européen sur le déficit de protection de l’assurance contre les catastrophes naturelles.

L’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) veillera, quant à elle, à ce que les agences de notation intègrent désormais les facteurs ESG dans leur méthodologie (lire à ce sujet l’interview d’Alain Laurin, de Moody’s, page xx) et participera à l’élaboration de normes de reporting sur la durabilité, pour des approches prudentielles communes en la matière. Même son de cloche à l’International Financial Reporting Standards Foundation (IFRS), qui va créer un Conseil international des normes de durabilité (ISSB) pour développer ces mêmes normes – le Climate Disclosure Standards Board (CDSB) et la Value Reporting Foundation (VRF), deux des principales organisations fournissant des informations liées au changement climatiques, devraient en être.

Enfin, le Réseau pour le verdissement du système financier, une association réunissant plus de cent banques centrales et superviseurs, s’est engagée dans sa « Déclaration de Glasgow du NGFS » à mieux intégrer les risques climatiques et environnementaux dans le suivi de la stabilité financière et la micro-supervision, y compris en multipliant les stress-tests climatiques. Nul doute que leurs résultats alimenteront la prochaine Cop, la 27e du nom, qui se tiendra l’an prochain dans l’un des pays les plus menacés par le réchauffement climatique, l’Égypte.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº862