Square
 

Capitalisation et allocation d’actifs :
une comparaison internationale

Créé le

22.05.2023

-

Mis à jour le

25.05.2023

Le financement de la retraite par capitalisation diffère, dans ses allocations, d’un pays à l’autre. Mais sur le long terme, les rendements sont généralement
au rendez-vous.

Le financement des régimes de retraite est traditionnellement assuré par deux systèmes très différents : la répartition et la capitalisation. Dans un régime financé par répartition, ce sont les cotisations des actifs d’une année donnée qui financent les pensions des retraités de cette même année. L’actif cotise pour les retraités actuels et accepte ce transfert parce qu’il attend des générations futures qu’elles consentent à un effort semblable lorsqu’il aura lui-même atteint l’âge de la retraite. Ce système est donc basé sur la confiance dans la capacité d’un État à organiser de manière pérenne un transfert financier des actifs vers les retraités à travers un contrat transgénérationnel. L’équilibre d’un tel système est étroitement lié à plusieurs paramètres comme le ratio entre actifs et retraités, l’espérance de vie, le taux d’emploi et de chômage, la croissance économique et la solidarité intergénérationnelle.

Des règles largement contractuelles

Dans un régime financé par capitalisation, les cotisations sont placées dans des actifs, le plus souvent financiers, gérés par des compagnies d’assurance ou des fonds de pension. La somme des versements capitalisés permet de constituer une épargne, versée à l’actif au moment de sa retraite, sous forme de capital ou de rente viagère.

À la différence des régimes publics obligatoires, dont le fonctionnement est encadré par la loi, les règles régissant le fonctionnement des plans de retraite privés sont largement contractuelles, même si un encadrement légal (assez rigoureux en France, via l’ACPR) vise à protéger les épargnants.

En France, il existe deux régimes complémentaires obligatoires de retraite par capitalisation, le régime de Retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP), qui verse une prestation additionnelle de retraite aux fonctionnaires, et le régime par capitalisation de la Caisse de retraite complémentaire des pharmaciens (CAVP).

On peut également considérer que l’achat à crédit de la résidence principale pendant la vie active est une forme de capitalisation (épargne forcée via les remboursements de l’emprunt) et constitue la façon la plus commune de réduire les charges supportées pendant la retraite. Par ailleurs, les contrats d’assurance vie et les plans d’épargne retraite (PER) sont également des supports souscrits par les ménages pour se constituer une épargne retraite.

Le financement par capitalisation présente de nombreux avantages : il sert l’économie du pays en étant utile au financement à long terme des entreprises, réduit les dépenses publiques (et l’effet d’éviction associé), désensibilise le financement de la démographie et permet aux cotisants de profiter de meilleurs rendements.

L’absence de fonds de pension en France, couplée au fléchage de l’épargne des ménages sur l’assurance vie très peu investie en actions (en raison de contraintes réglementaires), conduit clairement à favoriser la détention par des non-résidents des actifs productifs et à limiter les capacités d’investissement nationales pour stimuler la croissance.

En France, le choix de la répartition date de 1945 (création de la Sécurité sociale), au détriment de la capitalisation sur laquelle reposaient les retraites ouvrières et paysannes de 1910 et les retraites des assurances sociales de 1930.

Un espace pour la capitalisation

La baisse du taux de remplacement crée aujourd’hui un espace de développement pour la capitalisation car les réformes successives ont fait douter les agents économiques de la pérennité à long terme du système par répartition.

Les opposants à la capitalisation mettent en avant plusieurs arguments.

Tout d’abord, ce serait la fin de la solidarité intergénérationnelle, garante de davantage de coopération, de partage et de respect entre les générations. C’est un argument spécieux car dans la plupart des systèmes de capitalisation, celui-ci coexiste aux côtés d’un régime de base par répartition. Par ailleurs, maintenir un régime intégralement par répartition est probablement non soutenable. Ne pas vouloir en sortir revient à assumer un appauvrissement des futurs retraités et un déséquilibre générationnel important, source de conflit à terme.

Ensuite, ce serait laisser à la volatilité des marchés le sort des retraites. Faire dépendre la retraite des marchés financiers, c’est la soumettre à un aléa. Les résultats financiers d’un fonds de pension sont volatils et dépendent des soubresauts de la bourse. Est-ce raisonnable de faire supporter ce genre de risque aux pensionnés modestes, qui pourraient voir leur retraite disparaître en cas de krach boursier ? Développer la capitalisation aurait pour conséquence d’accroître le poids des marchés financiers et de financiariser davantage notre économie.

Nous pensons au contraire que la retraite par capitalisation est un outil au service de la réduction des inégalités, en permettant à tous les actifs, pas simplement les plus favorisés, de se constituer une épargne productive et de tirer parti des rendements des marchés (selon l’Insee, le taux d’épargne du premier quintile est de 2 % du revenu, celui du deuxième quintile de 4 % et il faut monter jusqu’au quatrième quintile pour trouver un taux supérieur à 10 %).

Sur ce dernier point, une étude publiée par Patrick Artus en 2020 montrait qu’un système de retraite investi à parts égales entre actions et obligations aurait eu une performance dix fois supérieure à celle d’un système par répartition sur la période 1982 à 2019. Dans son ouvrage Le Capital au XXIe siècle, Thomas Piketty concluait que le rendement du capital était toujours supérieur au taux de croissance à moyen terme, et ce, en dépit des crises et des guerres. Par ailleurs, la gestion dite à horizon permet de désensibiliser le risque du portefeuille de l’épargnant à mesure qu’il approche de la retraite.

L’éclairage de l’étranger

Pour analyser les expériences menées à l’étranger, nous pouvons nous appuyer sur l’OCDE, qui collecte chaque année des données relatives aux supports de placement des fonds de pension. Ces supports comprennent à la fois les investissements directs en titres représentatifs de droits de propriété (actions, immobilier), en titres représentatifs de droits de créance (obligations et bons du Trésor), en actifs monétaires et en produits dérivés, ainsi que les investissements indirects effectués par le biais d’organismes de placement collectif (OPC).

Quelle est l’allocation d’actifs des principaux régimes de retraite par capitalisation et leurs performances historiques ?

Les actifs des plans d’épargne-retraite et des fonds de réserve des régimes publics de retraite sont principalement investis dans des catégories d’actifs traditionnelles (essentiellement des obligations et des actions). Les proportions d’actions et d’obligations varient considérablement d’un pays à l’autre, mais la préférence va généralement aux obligations, qui exposent à un moindre risque de perte en capital que les actions.

Les obligations du secteur public, par opposition aux obligations d’entreprises, représentent une part plus importante des avoirs obligataires dans un certain nombre de pays. Les obligations d’État peuvent être perçues comme des actifs plus sûrs que d’autres, qui comportent moins d’incertitude. Dans certains pays, les réglementations en matière d’investissement peuvent également obliger les prestataires de retraite à investir une certaine proportion de leurs actifs dans certains instruments (par exemple, au moins 35 % des actifs du Fonds interprofessionnel de retraite marocain doivent être investis dans des obligations émises ou garanties par l’État marocain).

La proportion des actifs de retraite investis dans des prêts, des biens immobiliers (terrains et bâtiments), des contrats d’assurance, des fonds d’investissement privés et d’autres investissements alternatifs varie considérablement d’une juridiction à l’autre. En Grèce, ces « autres » investissements représentaient 0 % des actifs à fin 2021. En revanche, dans d’autres pays, la part de ces investissements était relativement élevée, comme en Autriche (38 %), au Danemark (44 %), en Allemagne (46 %) et en Suisse (36 %).

Dans certains cas, l’immobilier est une composante importante des portefeuilles des organismes de retraite, comme en Suisse (21 %). Certains pays ont assoupli les limites d’investissement au cours des dernières années et encouragé les investissements dans les infrastructures, les projets à long terme et d’autres actifs alternatifs. En Suisse, la catégorie d’investissement pour les infrastructures a désormais sa propre limite de 10 %, séparée de la limite de 15 % pour les investissements alternatifs depuis octobre 2020.

Si l’allocation des actifs des fonds de pension est restée globalement la même à fin 2021 qu’à fin 2020, un léger glissement des obligations vers les actions a été perceptible. La proportion des actifs de retraite investis en actions a augmenté de 2 points de pourcentage, tandis que la proportion d’obligations a diminué presque dans les mêmes proportions entre fin 2020 et fin 2021 en moyenne parmi les 73 juridictions déclarantes. Cette tendance résulte probablement d’une augmentation de la valeur des actions dans les portefeuilles ou d’une réallocation vers cet instrument pour profiter de la reprise des marchés boursiers.

La montée en puissance des actifs alternatifs

L’abandon des obligations est plus visible au cours des 10 et 20 dernières années. La proportion des investissements en obligations a diminué de 8 points de pourcentage en moyenne parmi les 48 juridictions déclarantes au cours des 10 dernières années, et de 17 points de pourcentage en moyenne parmi les 16 juridictions déclarantes au cours des 20 dernières années. La remontée des taux observée depuis 2022 pourrait changer la donne, les obligations devenant plus rémunératrices.

Les investissements dans des classes d’actifs alternatives – c’est-à-dire dans des classes autres que les actions, les bons, les obligations, les liquidités et les dépôts – ont augmenté au cours des 20 dernières années. Il s’agit souvent de capturer une prime d’illiquidité, ce qui est logique compte tenu de la durée importante des passifs. La proportion des actifs de retraite dans les investissements alternatifs est passée de 11 % en 2001 à 19 % en 2021 en moyenne.

En matière de diversification internationale, les pays ayant la plus forte proportion d’actifs de pension investis à l’étranger sont des pays européens dont les marchés de capitaux sont de petite taille. Les marchés de capitaux nationaux de certains de ces pays peuvent être trop petits pour absorber l’épargne des régimes de retraite (Stewart, Despalins et Remizova, 2017).

Des performances robustes sur longue durée

La performance des investissements de portefeuille est un facteur clé de l’évolution des actifs des régimes de retraite. Du point de vue des cotisants, les rendements positifs des investissements renforcent la sécurité des promesses de prestations dans les régimes à prestations définies et augmentent le montant des actifs et des prestations de retraite qu’ils peuvent attendre des régimes à cotisations définies.

La performance des investissements des régimes de retraite sur longue durée est plus importante que les gains ou les pertes à court terme, car l’épargne retraite est un investissement à long terme. Les fluctuations de la performance des investissements peuvent être inévitables au cours de la vie d’un portefeuille de retraite. Au cours des deux dernières décennies, les régimes de retraite ont enregistré des gains nets d’investissement en termes réels dans la plupart des juridictions, malgré la hausse de l’inflation en 2021 et les chocs sur les marchés financiers (comme au premier trimestre 2020, au début de la pandémie).

La performance annuelle des investissements des régimes de retraite a été positive en moyenne en termes réels dans 41 des 44 juridictions déclarantes au cours des 10 dernières années, et dans 16 des 18 juridictions déclarantes au cours des 20 dernières années.

Le rendement du capital sur longue période est supérieur au taux de croissance (avantage subséquent de la capitalisation) alors que la répartition repose sur la richesse produite et donc le taux de croissance (désavantage naturel).

Introduire une dose de capitalisation permettrait ainsi d’associer plus largement les classes populaires aux rendements du capital tout en soutenant l’économie du pays. Au surplus, un système par capitalisation est susceptible d’être plus souple quant aux conditions de liquidation, chacun pouvant plus librement piloter son âge de départ à la retraite.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº881bis
Moyenne géométrique des taux de rendement réels annuels des régimes de retraite par capitalisation privés en 2021 et sur 10 et 20 ans
$!Capitalisation et allocation d’actifs : une comparaison internationale
RB