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Rentabilité des banques :
la fin du modèle global

Créé le

18.09.2023

-

Mis à jour le

29.09.2023

La « banque universelle » telle qu’elle existe en France est mise à mal par la fragmentation du marché. Pour y faire face, les établissements tentent de déployer diverses stratégies.

La fragmentation de la banque de détail est désormais un fait bien établi. Chaque segment de clientèle, chaque typologie de service répond à sa propre logique de marché. Les meilleures « vaches à lait » sont très courtisées et les domaines en chasse gardée se réduisent comme peau de chagrin. Quelle réponse les établissements traditionnels, dont le modèle est la banque universelle, apportent-ils ?

La carte bancaire est sans doute la vache à lait la plus emblématique et donc la plus attaquée. Les banques parviennent encore à défendre leurs cotisations cartes, malgré le modèle de gratuité proposé par les néobanques aux clientèles CSP+. Elles bénéficient à plein du modèle français de cartes de débit qui, contrairement au modèle anglo-saxon de carte de crédit, reste connecté au compte courant. Ceci rend plus complexe le fonctionnement du compte dans une banque A avec une carte dans une banque B.

Dès lors que la carte est connectée au compte qui est au cœur du fonctionnement du client, ce qui se joue, c’est la « principalisation » de la relation, soit le fait de rester la banque principale du client. Cette problématique est d’autant plus prégnante sur la clientèle très digitale, souvent CSP+. Pour cette clientèle, l’attrait pour les néobanques est fort, porté notamment par l’image innovante et la qualité des parcours digitaux proposés. Une réponse existe avec la création de banques digitales au sein des grands groupes bancaires mais celle-ci est souvent destructrice de valeur à court terme.

Une autre réponse consiste à mettre en avant le caractère universel de la banque en se positionnant comme le tiers de confiance à même de conseiller le client sur l’ensemble du spectre financier, pour l’accompagner dans les domaines dont il ne maîtrise pas toute la complexité (contrats d’assurance, produits d’épargne, crédits). Cela passe par des contacts plus fréquents afin de s’assurer de la satisfaction du client, du bon fonctionnement des services et de valider la bonne couverture de services au plus près des besoins du client, quitte à y intégrer les produits détenus par la concurrence.

La même problématique se pose avec la clientèle des chefs d’entreprise et professions libérales, qui partagent avec les CSP+ l’attrait pour le digital mais nécessite davantage d’expertise, sur la gestion patrimoniale et les assurances Madelin notamment.

Une redéfinition
du caractère universel

Les grands perdants de la fragmentation sont nécessairement les produits et segments de marchés les moins rentables. Les clients modestes et davantage encore les clients fragiles sont utilisateurs de produits à marges faibles ou négatives comme le chèque, les espèces ou les cartes à autorisations systématiques. Attaquées sur les produits et clientèles à fortes marges, les banques doivent tenter d’équilibrer la balance en réduisant la voilure lorsqu’elles travaillent à perte.

Ainsi, les banques mutualistes ont pour beaucoup cessé de pratiquer la gratuité pour les comptes d’associations par exemple, alors que BNP a, en quelque sorte, renoncé au modèle de banque universelle, en reléguant la majeure partie de sa clientèle modeste à Hello Bank.

Cette clientèle modeste, voire fragile, peut en effet trouver sa rentabilité dans un modèle de banque très simplifié et entièrement automatisé. Compte Nickel a même prouvé qu’elle pouvait y trouver de la valeur, avec des comptes bloqués qui évitent le recours au découvert non autorisé et aux frais de dysfonctionnement.

Le mutualisme prend son sens dans le caractère universel des banques qui le pratiquent. Mais de quelle universalité s’agit-il ? Servir tous les clients, mais sans doute pas avec les mêmes produits. Couvrir tous les besoins et favoriser l’inclusion bancaire mais avec des produits plus simples. Proposer une interaction humaine locale en cas de difficultés, mais rendre les clients autonomes sur le fonctionnement de leur compte et des moyens de paiement.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº884
RB