« Tous les métiers d’entrée dans la banque pourraient disparaitre »

Les m&eacute;tiers bancaires sont en transformation. Selon vous, quels sont les faits les plus marquants en la mati&egrave;re ? L&rsquo;&eacute;volution des m&eacute;tiers et la transformation de l&rsquo;emploi sont la r&eacute;sultante de diff&eacute;rents facteurs, parmi lesquels la transformation des usages de la client&egrave;le. Les clients se rendent beaucoup moins dans les agences bancaires : ils sont en capacit&eacute; de r&eacute;aliser une partie des op&eacute;rations, que ce soit sur des supports d&eacute;mat&eacute;rialis&eacute;s, via sites Internet ou applications bancaires, ou sur des automates. Un autre facteur est la strat&eacute;gie des entreprises face au d&eacute;ploiement du num&eacute;rique et leur volont&eacute; de restructurer ou non leur r&eacute;seau d&rsquo;agences de fa&ccedil;on significative. Cette volont&eacute; est elle-m&ecirc;me impact&eacute;e par la transformation des usages. Le num&eacute;rique repr&eacute;sente des gains de productivit&eacute; et de temps. Certaines t&acirc;ches sont d&eacute;port&eacute;es sur le client ou disparaissent ; c'est le cas par exemple du traitement des ch&egrave;ques, qui est aujourd&rsquo;hui totalement d&eacute;mat&eacute;rialis&eacute;. En cons&eacute;quence, si le num&eacute;rique permet de gagner du temps, la question est donc : que faire de ce temps ? La r&eacute;ponse d&eacute;pend des diff&eacute;rentes strat&eacute;gies adopt&eacute;es par les &eacute;tablissements. Pour certains, ce temps va permettre aux salari&eacute;s de mieux effectuer leur travail gr&acirc;ce &agrave; une meilleure exploration des besoins clients et donc de g&eacute;n&eacute;rer plus de business et des revenus suppl&eacute;mentaires. Pour d&rsquo;autres, il pourrait &ecirc;tre un vrai pr&eacute;texte de diminution de l&rsquo;emploi et de fermeture d&rsquo;agences. Pour les &eacute;tablissements bancaires, l&rsquo;enjeu majeur concerne donc la relation avec les clients. Dans la mesure o&ugrave; certains &eacute;tablissements totalement d&eacute;mat&eacute;rialis&eacute;s offrent un service de base &agrave; un prix plus bas que celui propos&eacute; par les banques traditionnelles, il devient indispensable que ces derni&egrave;res montrent qu&rsquo;elles sont en mesure d&rsquo;am&eacute;liorer leur relation client. La question de la relation avec le client est ainsi un des enjeux principaux. En fonction de la fa&ccedil;on dont ils y r&eacute;pondront, les cons&eacute;quences seront diff&eacute;rentes. Pour la CFDT Banques et Assurances, il doit y avoir un vrai d&eacute;bat dans les entreprises et dans les branches sur ce sujet, m&ecirc;me si les &eacute;tablissements n&rsquo;y semblent pas enclins et si les organisations syndicales ne demandent peut-&ecirc;tre pas suffisamment &agrave; l&rsquo;avoir. Avec les restructurations des r&eacute;seaux, quels sont les m&eacute;tiers qui changent le plus en agence ? La restructuration des r&eacute;seaux va conduire &agrave; des sureffectifs et m&ecirc;me s&rsquo;il restera des agences, quand deux agences fusionnent, il y a m&eacute;caniquement diminution de l&rsquo;emploi. Pratiquement toutes les banques ont des plans de restructuration des r&eacute;seaux, de plus ou moins grande ampleur. A contrario, le Cr&eacute;dit Mutuel, qui est l&rsquo;une des premi&egrave;res banques &agrave; s&rsquo;&ecirc;tre dot&eacute;e de l&rsquo;outil d&rsquo;intelligence artificielle Watson d&rsquo;IBM, affirme qu&rsquo;elle va maintenir ses agences et que le num&eacute;rique permettra aux salari&eacute;s de mieux faire leur travail. Quoi qu&rsquo;il en soit et dans toutes les banques, le m&eacute;tier de charg&eacute; d&rsquo;accueil en agence est en forte diminution. Il y a des agences dans lesquelles il n&rsquo;y en a plus, ce qui appara&icirc;t d&rsquo;ailleurs paradoxal puisque l&rsquo;accueil est un point d&rsquo;entr&eacute;e strat&eacute;gique. Il peut &ecirc;tre remplac&eacute; par un accueil dit &laquo; partag&eacute; &raquo;, qui fonctionne assez mal car ce sont les commerciaux qui doivent l&rsquo;assumer, ce qui perturbe leur cœur d&rsquo;activit&eacute;. Le projet d&rsquo;&eacute;tude de l&rsquo;Observatoire des m&eacute;tiers bancaires sur l&rsquo;&eacute;volution des m&eacute;tiers rep&egrave;res confirme que les m&eacute;tiers comme celui de charg&eacute; d&rsquo;accueil et de sp&eacute;cialiste des op&eacute;rations bancaires en back-office pourraient dispara&icirc;tre. Au-del&agrave;, ce projet d&rsquo;&eacute;tude classe les m&eacute;tiers en trois cat&eacute;gories : ceux qui ne seront plus des m&eacute;tiers rep&egrave;res en 2025 ou dont les effectifs auront beaucoup diminu&eacute; ; ceux qui seront fortement transform&eacute;s ; ceux qui seront transform&eacute;s de mani&egrave;re mod&eacute;r&eacute;e. Plus d&rsquo;un tiers des m&eacute;tiers pour lesquels il y a une formation en alternance pourraient ne plus exister, et ne seraient plus des m&eacute;tiers rep&egrave;res en 2025. Autrement dit, tous les m&eacute;tiers d&rsquo;entr&eacute;e dans la banque pourraient dispara&icirc;tre, ce qui modifierait profond&eacute;ment les parcours professionnels. De mani&egrave;re g&eacute;n&eacute;rale, les effectifs dans les r&eacute;seaux pourraient diminuer d&rsquo;environ 20 %, d&rsquo;apr&egrave;s une &eacute;tude prospective sur les &eacute;volutions de secteur financier r&eacute;alis&eacute;e par la CFDT Banques et Assurances. Les banques disent qu&rsquo;elles font des efforts de formation in&eacute;dits pour transformer les m&eacute;tiers en agence&hellip; Nous avons du mal &agrave; le constater. Les banques font, certes, des efforts de formation, mais rapport&eacute;s &agrave; la masse salariale, ils n&rsquo;ont pas augment&eacute;. Si les banques tiennent un discours qui consiste &agrave; dire que l&rsquo;essentiel est la relation client, la mani&egrave;re de r&eacute;pondre &agrave; ses besoins, de personnaliser la relation client, l&rsquo;organisation commerciale restent centr&eacute;es sur des campagnes commerciales produit. Par ailleurs, le mod&egrave;le de recrutement a beaucoup chang&eacute;. Nous sommes pass&eacute;s d&rsquo;embauches &agrave; un niveau d&rsquo;&eacute;tude peu &eacute;lev&eacute;, avec l&rsquo;opportunit&eacute; de progresser gr&acirc;ce &agrave; des formations en interne, &agrave; un recrutement, &agrave; bac +3 ou +4, voire +5. Pour les directions, ce serait un gage d&rsquo;employabilit&eacute;, et la possibilit&eacute; d&rsquo;&eacute;conomiser sur les formations en interne. Ce n&rsquo;est pas forc&eacute;ment un bon calcul : s&rsquo;il n&rsquo;a pas de perspectives d&rsquo;&eacute;volution rapide, un charg&eacute; de client&egrave;le embauch&eacute; &agrave; bac +3 ou +4 n&rsquo;aura pas forc&eacute;ment envie de rester dans l&rsquo;entreprise. Est-ce que le num&eacute;rique change tous les m&eacute;tiers de la banque ? Le num&eacute;rique change le m&eacute;tier de tous les salari&eacute;s dans la banque, m&ecirc;me si cela fait 40 ans qu&rsquo;on est dans l&rsquo;innovation technologique dans ce secteur. Durant cette p&eacute;riode, plusieurs m&eacute;tiers (gestion du ch&egrave;que, des effets de commerce, des esp&egrave;ces) qui rassemblaient jusqu&rsquo;&agrave; 40 % des emplois de la banque de d&eacute;tail ont quasiment disparu ; il n&rsquo;y a pas eu 40 % de suppression d&rsquo;emplois pour autant. La capacit&eacute; du secteur &agrave; se transformer est r&eacute;elle, mais la question est celle de la vitesse &agrave; laquelle les mutations vont s&rsquo;op&eacute;rer et de la volont&eacute; qu&rsquo;on met &agrave; g&eacute;rer la transition. Est-ce que les &eacute;volutions actuelles, et notamment l&rsquo;intelligence artificielle (IA), vont acc&eacute;l&eacute;rer la donne ? L&rsquo;&eacute;tude sur l&rsquo;IA men&eacute;e par le cabinet Athling pour l&rsquo;Observatoire des m&eacute;tiers de la banque montre que ce ne seront pas forc&eacute;ment les m&eacute;tiers des r&eacute;seaux qui seront le plus touch&eacute;s, et que l&rsquo;IA n&rsquo;aura pas forc&eacute;ment un &eacute;norme impact &agrave; tr&egrave;s court terme. L&agrave; encore, l&rsquo;IA sera ce que l&rsquo;on en fera et son impact d&eacute;pendra de la strat&eacute;gie des &eacute;tablissements. De fait, le num&eacute;rique et l&rsquo;IA vont assur&eacute;ment transformer les m&eacute;tiers, mais la CFDT d&eacute;plore que certaines directions instrumentalisent le sujet pour faire passer des transformations et des plans de restructuration. Encore une fois, les cons&eacute;quences du d&eacute;veloppement du num&eacute;rique ne sont pas in&eacute;luctables mais bien d&eacute;pendantes des choix strat&eacute;giques des &eacute;tablissements. Comment les salari&eacute;s per&ccedil;oivent-ils ces &eacute;volutions ? Le nombre de salari&eacute;s en stress ou en sur-stress ne cesse d&rsquo;augmenter. Il y a des injonctions fortes en termes d&rsquo;objectifs, ce qui n&rsquo;est certes pas nouveau, mais cela se joue dans un environnement de plus en plus incertain. Les discours autour de la disparition de certains m&eacute;tiers augmentent les incertitudes des salari&eacute;s en mati&egrave;re d&rsquo;emploi, &agrave; la fois en termes de volume mais aussi de contenu. Il y a une fragilisation des salari&eacute;s par rapport &agrave; ces sujets, au moment o&ugrave; les parcours professionnels connaissent de plus en plus d&rsquo;incertitude. Propos recueillis par L.B.

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