La microfinance plie mais ne rompt pas

Le monde de la microfinance est en émoi : son icône, le prix Nobel de la paix Mohammad Yunus, a été destituée de ses fonctions à la tête de la Grameen Bank par les autorités bangladeshies. Bien que l’argument d’un dépassement de la limite d’âge ait été avancé, ce serait surtout les velléités politiques du prix Nobel qui auraient déplu au Premier ministre. La question de la gouvernance se pose désormais, avec le risque d’une reprise en main par le gouvernement de la banque, détenue par ses clientes. « L’enjeu est purement politique. Il ne s’agit pas d’un dysfonctionnement de la Grameen Bank mais de son indépendance qui doit être respectée, assure Philippe Guichandut, de la fondation Grameen Crédit Agricole. À noter que la révocation du professeur Yunus n'a pas d'incidence sur le fonctionnement de la fondation dont il reste membre du conseil d'administration. En effet, le partenariat lie le Crédit Agricole et Grameen Trust, entité indépendante en charge de la diffusion de la méthodologie de la Grameen dans le monde. »

À l’échelle internationale, c’est toute l’image du secteur de la microfinance qui en pâtit, lui qui essuie déjà sa plus forte remise en cause avec la crise dans l’État indien de l’Andhra Pradesh. En cause, une croissance trop forte, et une dérive des microcrédits vers du crédit à la consommation. Un arrêt brutal, conséquence du revirement des autorités, met en lumière depuis novembre la fragilité des ménages. « Cette crise a été un coup de tonnerre dans un ciel bleu, reconnaît Emmanuel de Lutzel, responsable de la microfinance chez BNP Paribas. Mais s’il est vrai que des poches de surendettement existent, le marché, au global, reste porteur, avec 2,7 milliards de personnes non intégrées aux systèmes financiers formels. » Avec cette crise, les acteurs du microcrédit ont surtout appris que, dans leur secteur non plus, les arbres ne montent pas au ciel.