« Le Comprehensive Assessment marque le retour de la supervision »

Quelle est la gen&egrave;se du Comprehensive Assessment ? Restaurer la confiance dans le syst&egrave;me bancaire de la zone euro et la fluidit&eacute; des mouvements de capitaux &agrave; l'int&eacute;rieur de la zone constitue une condition indispensable au r&eacute;tablissement d'une politique mon&eacute;taire pleinement efficace. La r&eacute;alisation de cet objectif passe obligatoirement par la mise en place d'un syst&egrave;me de supervision unique et cr&eacute;dible &agrave; l'&eacute;chelle de la zone pour remplacer des syst&egrave;mes nationaux h&eacute;t&eacute;rog&egrave;nes et dont la cr&eacute;dibilit&eacute; a dans certains cas &eacute;t&eacute; atteinte par des d&eacute;fauts bancaires. La supervision unique doit &ecirc;tre pr&eacute;c&eacute;d&eacute;e d'une &eacute;valuation compl&egrave;te des &eacute;tablissements ( Comprehensive Assessment ) qui permet &agrave; la BCE de r&eacute;aliser une forme d'&laquo; &eacute;tat des lieux &raquo; du syst&egrave;me bancaire et de rectifier les &eacute;ventuelles anomalies apr&egrave;s, &agrave; la fois, une revue des actifs et un exercice de stress-test . Mais le syst&egrave;me de supervision unique n'est pas suffisant et il doit &ecirc;tre compl&eacute;t&eacute; par un syst&egrave;me unique de r&eacute;solution [1] . L'exercice, qui vise notamment &agrave; passer en revue 50 % des RWA [2] des banques, n'est-il pas surdimensionn&eacute; ? Mieux vaut trop que pas assez. Passer en revue plus de 50 % des RWA des banques, c'est en effet probablement un peu excessif, mais il faut l'assumer. Il est d'ailleurs difficile d'&eacute;mettre un jugement g&eacute;n&eacute;ral. En effet, cet objectif des 50 % des RWA n'est pas mis en œuvre de la m&ecirc;me fa&ccedil;on selon que la banque est de taille r&eacute;duite et mono-activit&eacute; (le contr&ocirc;le porte alors sur pr&egrave;s de 80 % du portefeuille) ou un grand &eacute;tablissement tr&egrave;s diversifi&eacute; (la r&egrave;gle des 50% s'applique alors). Apr&egrave;s avoir s&eacute;lectionn&eacute; des portefeuilles qui constituent au moins 50 % des RWA, nous formons un &eacute;chantillon de chaque portefeuille et nous entrons dans 20 000 dossiers individuels, c'est-&agrave;-dire jusqu'&agrave; 5 000 dossiers pour une grande banque. Par ailleurs, nous mobilisons tous les fichiers de la Banque de France. Nous devons remplir 300 champs par dossier, vous pouvez imaginer les besoins en mati&egrave;re de SI ! Le Comprehensive Assessment est souvent compar&eacute; &agrave; l'exercice men&eacute; par la Fed en 2008&hellip; En effet, j'entends souvent dire cela, mais c'est inexact. Les &Eacute;tats-Unis ont fait beaucoup moins que l'Europe, c'est incomparable. Les stress-tests de 2008 aux &Eacute;tats-Unis ont &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute;s sur une courte p&eacute;riode, sur un nombre restreint de banques et sans exercice pr&eacute;alable d'&eacute;tat des lieux. Ce que nous faisons est sans pr&eacute;c&eacute;dent. Le Comprehensive Assessment tient-il suffisamment compte des sp&eacute;cificit&eacute;s nationales ? Plusieurs types de sp&eacute;cificit&eacute;s nationales existent. Sur le plan comptable, les banques cot&eacute;es appliquent les normes IFRS, mais sur les 130 banques examin&eacute;es, certains &eacute;tablissements de petite taille appliquent des normes nationales. C'est le cas de nombreuses banques allemandes ; or, les german gaps sont tr&egrave;s diff&eacute;rents des IFRS. Les donn&eacute;es qualitatives posent &eacute;galement certaines difficult&eacute;s. Par exemple, la d&eacute;finition des cr&eacute;ances douteuses n'est pas la m&ecirc;me dans tous les pays. L'EBA a retenu pour norme le retard de paiement de 90 jours alors qu'en France, ce n'est dans certains cas qu'apr&egrave;s 6 mois (cr&eacute;dits immobiliers aux particuliers), voire m&ecirc;me 9 mois (quand le d&eacute;biteur est une collectivit&eacute; locale) de retard qu'une cr&eacute;ance est jug&eacute;e douteuse. Mais la norme retenue par l'EBA n'est pas p&eacute;nalisante pour la France puisque les r&eacute;gularisations entre 90 jours et 6 mois sont peu nombreuses et cela ne remet pas en cause le provisionnement actuel. D'autres sp&eacute;cificit&eacute;s existent du fait des diff&eacute;rentes transpositions de CRD 4 puisqu'une marge de manœuvre est possible pendant la p&eacute;riode de transition. L'exercice devra respecter ces options nationales, mais leur port&eacute;e sera r&eacute;duite dans le cadre des stress-tests puisque ces derniers couvrent les trois ann&eacute;es 2014-2016 et que les marges de manœuvre nationales se r&eacute;duisent avec le temps. Le travail demand&eacute; aux superviseurs nationaux semble &eacute;crasant. Comment s'est organis&eacute;e la France ? Nous conduisons l'exercice pour le compte de la BCE qui a d&eacute;fini la m&eacute;thodologie. La revue de la qualit&eacute; des actifs se d&eacute;roule sur 5 mois (de d&eacute;but mars &agrave; fin juillet) et est sans pr&eacute;c&eacute;dent. Pour le superviseur en France, il mobilise plusieurs centaines de personnes. Ces &eacute;quipes sont constitu&eacute;es par des inspecteurs de la Banque de France/ACPR et des consultants que nous avons choisis dans des grands cabinets d'audit ou des professionnels de la finance. Le flou sur le back-stop [3] va-t-il influencer le Comprehensive Assessment vers une certaine indulgence destin&eacute;e &agrave; &eacute;viter de d&eacute;stabiliser les syst&egrave;mes bancaires situ&eacute;s dans des pays fragiles ? Si une insuffisance de capital est r&eacute;v&eacute;l&eacute;e par l' AQR [4] , les banques pourront lever des fonds propres ou actionner des conversions d'instruments subordonn&eacute;s, mais la r&eacute;action d&eacute;pendra des pays. Et si des insuffisances sont d&eacute;tect&eacute;es dans un pays d&eacute;j&agrave; tr&egrave;s endett&eacute; comme l'Italie ? Ce n'est pas &agrave; moi de commenter la situation italienne. Sur le fond, je pense que le contexte du risque souverain en zone euro a beaucoup chang&eacute; et j'ai le sentiment que, sur l'AQR, (dont les r&eacute;sultats officiels seront rendus publics &agrave; l'automne) il y aura certes des ajustements, mais rien de massif. Globalement, les &eacute;tablissements europ&eacute;ens pr&eacute;sentent une marge tr&egrave;s sensible par rapport aux exigences. La n&eacute;cessit&eacute; d'un large back-stop ne doit pas &ecirc;tre surestim&eacute;e. Il ne sera pas non plus fait appel aux cr&eacute;anciers seniors, ce point a &eacute;t&eacute; clarifi&eacute;. Quant aux insuffisances de capital qui seront &eacute;ventuellement r&eacute;v&eacute;l&eacute;es par le stress-test (qui reposent, rappelons-le, sur de simples sc&eacute;narios), la question du back-stop ne se pose pas dans les m&ecirc;mes termes. En effet, les banques disposeront d'un certain d&eacute;lai pour s'ajuster, par exemple en se dotant de ressources subordonn&eacute;es qui automatiquement se transformeront en fonds propres durs en cas de r&eacute;alisation d'un stress &eacute;quivalent &agrave; celui que le test a simul&eacute;. Le stress-test couvrira les ann&eacute;es 2014 &agrave; 2016, or, &agrave; partir de janvier 2016, la BRRD sera pleinement appliqu&eacute;e donc les cr&eacute;anciers, notamment seniors, seront mobilisables. Mario Draghi avait pourtant r&eacute;clam&eacute; un back-stop pour pouvoir mener un exercice s&eacute;v&egrave;re... L'AQR est s&eacute;v&egrave;re et, a priori, le stress-test le sera aussi. Quand Mario Draghi r&eacute;clamait un back-stop , la BRRD et le m&eacute;canisme de r&eacute;solution n'&eacute;taient pas finalis&eacute;s, d'o&ugrave; l'impression de se lancer sans filet dans un exercice p&eacute;rilleux. Mais d&eacute;sormais, le contexte autorise une certaine s&eacute;r&eacute;nit&eacute;, alors m&ecirc;me que les r&eacute;sultats de 2013 sont bons ; ils montrent un deleveraging et un renforcement des fonds propres des &eacute;tablissements. Comment jugez-vous les efforts des banques qui ont cherch&eacute; &agrave; se conformer d&egrave;s que cet exercice &ndash; qui s'annon&ccedil;ait tr&egrave;s muscl&eacute; &ndash; a &eacute;t&eacute; rendu public ? En effet, le discours de Mario Draghi, qui annon&ccedil;ait un exercice d'une rare s&eacute;v&eacute;rit&eacute;, a port&eacute;. Les banques ont adapt&eacute; leurs activit&eacute;s et leurs comptes. De ce fait, le nombre de banques recal&eacute;es par l'exercice sera sans doute faible. Un tel r&eacute;sultat incitera-t-il les march&eacute;s &agrave; juger que l'exercice a &eacute;t&eacute; facile ? Nous ne pouvons pas conna&icirc;tre le r&eacute;sultat &agrave; l'avance. Je pense que les stress-tests vont r&eacute;v&eacute;ler qu'il reste des efforts &agrave; fournir mais que cela sera g&eacute;rable. Quel est l'impact du Comprehensive Assessment sur la supervision de fa&ccedil;on g&eacute;n&eacute;rale ? Le Comprehensive Assessment marque le retour de la supervision ( vs la r&eacute;glementation). Dans un contexte o&ugrave; l'on demande aux &eacute;tablissements d'avoir des fonds propres correspondant r&eacute;ellement aux risques qu'ils prennent, la tentation de la r&eacute;glementation est de mettre la barre tr&egrave;s haut. Or, les fonds propres sont une ressource rare et pr&eacute;cieuse. Il s'agit de bien les affecter, et cela s'appr&eacute;cie en jugeant la situation sur place. Par ailleurs, de nombreux enseignements seront tir&eacute;s du Comprehensive Assessment pour les priorit&eacute;s de supervision des ann&eacute;es suivantes. Nous mettrons en place un suivi. Toutefois, la supervision &agrave; venir ne changera pas la donne de fa&ccedil;on radicale pour les banques fran&ccedil;aises car la supervision y est d&eacute;j&agrave; tr&egrave;s forte. De plus, le mod&egrave;le de supervision pratiqu&eacute; en France est en passe d'&ecirc;tre adopt&eacute; pour la supervision unique. Une consultation publique a lieu en ce moment, s'inspirant largement du mod&egrave;le fran&ccedil;ais : un contr&ocirc;le sur place doubl&eacute; d'un contr&ocirc;le sur pi&egrave;ce, les deux &eacute;tant ind&eacute;pendants l'un de l'autre. Que va apporter aux banques cet exercice ? C'est une occasion de se d&eacute;barrasser d'une id&eacute;e re&ccedil;ue selon laquelle le syst&egrave;me bancaire europ&eacute;en ne serait pas capable d'accompagner la reprise de l'&eacute;conomie. D&eacute;montrer la fiabilit&eacute; de nos banques leur permettra de se financer &agrave; des prix encore plus bas. Cet exercice constitue une opportunit&eacute; pour le syst&egrave;me bancaire fran&ccedil;ais de montrer sa solidit&eacute;. 1 Voir Revue Banque n&deg; 771, page 13. 2 Risk-Weighted Assets , actifs pond&eacute;r&eacute;s des risques. 3 Filet de s&eacute;curit&eacute;. La mise en place d&rsquo;un back-stop europ&eacute;en (par exemple, en autorisant le MES &agrave; intervenir directement au capital des banques) a &eacute;t&eacute; envisag&eacute;e, mais semble aujourd&rsquo;hui &eacute;cart&eacute;e. 4 Asset Quality Review.

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Exercice d'une ampleur sans précédent, l'Évaluation complète des actifs bancaires va plus loin que le stress-test américain de 2008. Est-ce pour autant un exercice périlleux, dans lequel la zone euro se lancerait sans filet ?

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