Square
 

Les fintechs en mal de financement

Créé le

27.07.2023

-

Mis à jour le

28.08.2023

La dernière enquête de l’Observatoire de la fintech confirme un net ralentissement des levées de fonds opérées par des fintechs françaises. Il s’accompagne d’un mouvement de consolidation d’une ampleur encore inégalée. Une tendance en ligne avec les données internationales.

Hausse des taux d’intérêt, incertitude macroéconomique, contexte réglementaire plus contraignant dans le domaine des crypto-actifs : les facteurs négatifs se conjuguent autour des fintechs. Depuis le début de l’année, les levées de fonds marquent ainsi un réel recul. Au niveau international, la baisse est de 63 %, selon la dernière étude publiée par le Crédit Agricole. Fin juin, les fintechs avaient ainsi levé quelque 17 milliards de dollars depuis le début de l’année, contre 45,5 milliards de dollars au premier semestre 2022 !

Le nombre d’opérations chute également de façon vertigineuse, passant de 1 132 au premier semestre 2022 à 404 au premier semestre 2023. Autre signe inquiétant : le solde en matière de création de fintechs est négatif.

Les auteurs de cette étude évoquent malgré tout des signaux positifs. Si les levées de fonds dans l’amorçage sont en diminution dans toutes les zones géographiques, avec une moyenne de -57 %, à la fois en montant et en nombre d’opérations, la baisse des valorisations aurait d’ores et déjà atteint son point bas. « Au niveau mondial, la baisse des valorisations des fintechs en phase d’amorçage s’est atténuée et se limite désormais à 14 %, détaille l’étude du Crédit Agricole. Aux États-Unis, cette baisse se cristallise autour des 24 %. En Europe, cette tendance à la baisse s’est même inversée de manière significative au deuxième trimestre passant de -68 % à -12 %. »

La France n’échappe pas à cette tendance, avec une baisse de 52 % sur le premier semestre, selon l’Observatoire de la Fintech. « Les levées de fonds avaient fortement augmenté en 2021 et 2022, elles ont repris en 2023 leur trajectoire pré-Covid. Les diminutions les plus importantes concernent les méga-deals, il n’y en a eu qu’un seul ce semestre contre six lors du premier semestre 2022 », souligne Mikaël Ptachek, président de l’Observatoire de la Fintech.

Vers une consolidation

Les difficultés de financement rencontrées par nombre d’acteurs se traduisent par un vaste mouvement de fusions et acquisitions (M&A) : 22 opérations ont eu lieu ces derniers mois, selon l’Observatoire. « Depuis le lancement des premières fintechs, 115 opérations de M&A ont été constatées et la moitié ont eu lieu sur les 18 derniers mois », relève Alexandre Rispal, expert métiers AssurTech de l’Observatoire de la Fintech. Beaucoup de fintechs se sont constituées en s’appuyant sur des levées de capitaux importantes leur permettant une croissance accélérée. Les conditions de financement étant devenues plus strictes, l’une des façons de trouver des relais de croissance consiste à acquérir des concurrents. La moitié des opérations menées ont ainsi été réalisées par des fintechs qui sont des start-up ou des scale-up, 25 % ont été lancées par des fonds d’investissement et 25 % par des acteurs stratégiques.

« Les fintechs se sont engagées dans un mouvement de concentration auquel des fonds participent ainsi que des acteurs stratégiques qui profitent des difficultés du secteur pour acquérir des solutions technologiques à des conditions avantageuses. Cette tendance déjà constatée en 2022 pose la question de la soutenabilité et de la durabilité de certains business models. Ceux avec une technologie innovante et propriétaire, notamment avec de l’intelligence artificielle, devraient être en position favorable », explique Alexandre Rispal. Parmi les acteurs qui parviennent à se développer et à attirer des capitaux figurent aussi ceux tournés vers les solutions à destination des entreprises. « L’acquisition de clients en B to C est fortement consommatrice de cash, les business models qui peuvent se développer dans un contexte de renchérissement du coût du crédit sont plutôt ceux qui s’adressent à des entreprises dans le cadre du B to B ou du B to B to C, comme la cybersécurité ou les solutions pour les middle- et back-offices », poursuit Mikaël Ptachek.

Pour d’autres observateurs, la consolidation était attendue et serait positive. « Il existe en France une très grande atomicité des fintechs : nous en avons labellisé 700 au sein de Finance Innovation. Certaines ne parviendront pas à se développer, d’autres devront revoir leur business model. Un mouvement de consolidation est ainsi nécessaire. Il intervient logiquement à un moment où le crédit devient plus cher et où certains business models, notamment ceux tournés vers la conquête de clients finaux, s’avèrent trop onéreux », conclut Maximilien Nayaradou, directeur général de Finance Innovation.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº883
RB