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« Le travail hybride, au-delà des contraintes techniques, pousse à s’interroger sur les dimensions managériales. »

Crise de vocation chez les banquiers

Créé le

18.07.2023

-

Mis à jour le

16.10.2023

Débâcle inéluctable ou phase transitoire ? Le secteur bancaire souffre d’un désamour des collaborateurs et des candidats. Ses entreprises peuvent rappeler l’intérêt de leur activité, les cadres qui les régissent et le sens des missions de chacun.

Covid et évolutions aspirationnelles ont rebattu les cartes du monde du travail. Une crise de sens sévit, tous secteurs confondus, et se manifeste notamment à travers le phénomène de la « grande démission ». De plus en plus de salariés repensent leur trajectoire : équilibre entre vie personnelle et professionnelle, défiance à l’égard du salariat, multiplication des expériences professionnelles, engouement pour les métiers dits « à impact ».

La situation devient critique pour les banques. Combinant une pyramide des âges où plus de 18,5 % des salariés ont plus de 55 ans2 et des métiers qui se complexifient, elles ne peuvent se permettre une fuite des talents sous peine de voir leur valeur ajoutée se dégrader. Pour attirer et fidéliser, le secteur doit s’adapter. La réussite de cette transformation passe par trois dimensions cruciales : le sens du travail, la modernité du secteur et l’accompagnement des collaborateurs.

Revenir aux sources

Selon l’AFB3, les Bac +4 et Bac +5 ont représenté en 2021 58 % des embauches en CDI de la branche. À horizon 2030, les prévisions4 pour le secteur font état de besoins presque exclusivement tournés vers cette population sensible, particulièrement concernée par la quête de sens. En 2022, les étudiants d’AgroParisTech, HEC ou Polytechnique ont publiquement exprimé leur volonté d’adapter leurs carrières aux exigences contemporaines, de l’urgence climatique à la lutte contre les inégalités, à travers le mouvement des « bifurqueurs ». Les banques, autrefois prisées des diplômés des grandes écoles, sont désormais délaissées au profit d’acteurs jugés plus responsables. Elles doivent faire la preuve de leur utilité sociale pour se repositionner comme employeur désirable.

Par leur essence même, les banques sont indispensables au fonctionnement de l’économie réelle. Elles financent les entreprises du territoire, les acteurs de l’économie sociale et solidaire et les collectivités locales. Elles dynamisent les régions en développant l’emploi. Elles ont mis en place des démarches d’importance sur la diversité et l’inclusion. Citons par exemple la signature par BNP Paribas5 des labels Diversité et Égalité professionnelle, ou encore celle de la Charte de la diversité, par la Confédération Nationale du Crédit Mutuel6.

Le secteur doit aller plus loin, et prouver qu’il n’est pas « jobs destructeur ». Pour cela, il peut promouvoir le Règlement Européen Taxonomie auprès des diplômés qu’il cherche à attirer. Loin d’être une contrainte, ce règlement est une opportunité pour les banques : celle de démontrer le caractère durable de leur activité. Financement de la transition climatique, projets de R&D en faveur de la biodiversité, soutien à l’économie circulaire, lutte contre la pollution... Autant d’occasions de faire connaître des actions concrètes.

Enfin, il faut rappeler que les salariés des banques sont des acteurs de première ligne de la transition. Les conseillers peuvent orienter les clients épargnants vers des placements durables, les banques ont la responsabilité de concevoir des fonds ESG performants.

Valoriser la modernité du secteur

Le désamour des collaborateurs et des candidats est également alimenté par l’image vieillotte du secteur. Pour ceux qui s’intéressent à la finance, les fintechs perçues comme agiles et innovantes sont plus attirantes. Or, les banques historiques ont besoin de compétences neuves, notamment sur le numérique.

L’image de vétusté des métiers de la banque doit être combattue. Avec l’automatisation des opérations de back-office, de gestion, de paiements et de trading et avec le développement des usages en ligne, tous les métiers se sont transformés. L’emploi dans le secteur est devenu plus qualifié. Les métiers de la relation client s’orientent davantage vers le conseil et l’écoute. Plus attractifs, les métiers requièrent désormais un champ de compétences plus vaste : soft skills, digital, technicité bancaire, conformité et risques...

Les banques aussi peuvent faire valoir qu’elles présentent des espaces de liberté et de réalisation pour leurs collaborateurs : elles savent s’ouvrir et accueillir l’innovation. Depuis quelques années, les actions se sont multipliées : hackatons, incubateurs, structures d’intrapreneuriat... Les initiatives en lien avec la fintech sont innombrables, de l’Atelier BNP Paribas au Village by CA en passant par l’Internal Startup call de la SG. Elles servent autant à stimuler les collaborateurs qu’à générer de l’innovation.

Favoriser l’épanouissement

Il ne suffit pas de faire venir les talents, encore faut-il les garder. Le secteur doit mieux accompagner leur épanouissement, pour qu’ils s’inscrivent dans la durée.

La première solution s’appuie sur la formation. Par l’up-skilling, elle peut relancer la mobilité interne, vivier historique des cadres de la banque, qui a perdu de sa dynamique ces dernières années. Les talents clés, accompagnés dans des filières d’excellence, sont un public privilégié. Ces programmes peuvent s’appuyer sur les modalités variées offertes par le learning d’aujourd’hui : conférences inspirantes, mentorat, codéveloppement... En parallèle de ces dispositifs spécifiques, confier aux talents ciblés des missions stimulantes et prévoir un suivi régulier permet de connaître leurs attentes et d’y répondre.

Au-delà du développement des compétences, le bien-être au travail est devenu une priorité. Il passe notamment par la possibilité de travail à distance. 82 % des salariés7 déclarent que le travail hybride leur donne un meilleur équilibre de vie. Trouver des solutions pour conjuguer les impératifs de sécurité et conformité du secteur avec le travail à distance est donc facteur d’attractivité.

Le travail hybride, au-delà des contraintes techniques, pousse à s’interroger sur les dimensions managériales. Les contraintes de l’alliance entre présentiel et distanciel posent clairement le point : comment manager les équipes que je ne vois pas ? Détecter les signaux faibles ? La question de la confiance s’impose : le management « command & control » d’hier fonctionne mal, surtout avec les populations avides de sens ciblées par les banques. Le sujet du management est inévitable. Accompagner les managers de proximité dans l’évolution de leurs pratiques peut être particulièrement pertinent, notamment dans la banque de détail, dans un contexte où les professionnels de la relation client sont souvent sous pression. Écoute et confiance sont des outils à mobiliser pour maintenir l’engagement et limiter les risques psychosociaux.

Confronté aux mutations actuelles du marché du travail et notamment à l’évolution des aspirations des jeunes diplômés, le secteur bancaire se trouve face à un défi de recrutement inédit. Il est certes partagé par d’autres, mais ressenti de manière plus aiguë en raison d’un déficit d’image ancré. Les banques disposent pourtant intrinsèquement d’atouts pour surmonter ces obstacles : leur utilité économique indéniable, le rôle prégnant de la finance verte dans la transition climatique, la porosité délibérée avec l’écosystème entrepreneurial et une politique RH exemplaire. Faire valoir ces atouts, les articuler dans une histoire cohérente, c’est recréer de l’attractivité, faire venir et, plus important encore, rester des collaborateurs dont la qualité générera la performance de l’entreprise. La crise de vocation actuelle n’est pas une fatalité !

Notes :
Particulièrement touché, le secteur bancaire pâtit de surcroît d’une image durablement affectée par la crise financière de 2008 et par des scandales sporadiques. Les talents, aujourd’hui en quête de sens et d’éthique, ne rêvent plus du « monde de la finance ». D’ailleurs, aucune enquête récente de classement des employeurs préférés des Français ne place une banque dans son Top 151.
1 Classements Top Employers, Happy at Work et Great Place to Work 2023.
2 Observatoire des métiers de la banque « Données de l’emploi » : observatoire-metiers-banque.fr
3 AFB, Profil de branche 2022, Emploi.
4 France Stratégie et la Dares « Rapport Les métiers en 2030 », mars 2022 : strategie.gouv.fr
5 BNP Paribas, « Diversité, égalité et inclusion » : https://group.bnpparibas
6 Crédit Mutuel, « La Confédération Nationale du Crédit Mutuel s’engage pour un environnement de travail plus inclusif en signant la Charte de la diversité | Groupe Créd (La Confédération Nationale du Crédit Mutuel s’engage pour un environnement de travail plus inclusif en signant la Charte de la diversité » : https://www.creditmutuel.com
7 « Baromètre Phygital Workplace-2023 : L’Odyssée de l’espace de travail » https://www.julhiet-sterwen.com
RB