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Union bancaire,
la dernière pièce

Créé le

21.12.2023

-

Mis à jour le

26.12.2023

La réforme proposée en avril 2023 par la Commission européenne ne reprend pas l’idée d’un fonds commun de garantie des dépôts au niveau européen pour les banques de taille moyenne. Elle n’en suscite pas moins des désaccords. C’est un peu le serpent de mer de l’Union bancaire européenne. Pour l’heure, il est surtout qualifié de « pilier manquant » et il le restera sans doute encore quelque temps. Lorsqu’il s’agit de fonds commun de garantie des dépôts, les intérêts nationaux, divergents, des États membres prennent généralement le dessus. En dépit de ces achoppements, l’Eurogroupe avait mandaté la Commission pour faire une proposition de réforme du cadre européen de gestion des crises bancaires (Crisis Management Deposit Insurance, CMDI).

Dans une Europe bancaire encore fragmentée, cette évolution est considérée comme une condition sine qua non de la stabilité de la zone. Il s’agit de rendre opérationnels les outils à disposition en cas de défaillance. Les crises vécues en 2023 par plusieurs banques américaines et celle de la banque Credit Suisse, dont le sauvetage a généré des controverses, ont conféré d’autant plus d’urgence à cet objectif. L’idée était d’adopter une approche plus pragmatique et de légiférer sur les points qui pouvaient faire l’objet d’un consensus. Ainsi, la Commission européenne a proposé au printemps dernier une révision du cadre CMDI, dans lequel le projet de fonds commun (European Deposit Insurance Scheme, EDIS) ne figure pas. Cette proposition élargit le périmètre de la résolution aux LSI (Less Significant Institutions) et pose une harmonisation au niveau européen.

Sur le plan législatif, cela implique la révision de la Bank Recovery and Resolution Directive (BRRD) et de la Deposit Garantee Schemes Directive (DGSD). L’absence de fonds commun au niveau européen dans le texte n’a cependant pas apaisé toutes les craintes, loin s’en faut.

Un texte plus ambitieux qu’il n’y paraît

Dans les faits, les établissements de moindre taille se verraient contraints à des exigences de MREL (Minimum Requirement for own funds and Eligible Liabilities) afin de répondre à de nouvelles obligations de bail-in, ce qui pourrait induire une moindre rentabilité.

L’extension du cadre CMDI à des entités dites de taille moyenne suscite l’inquiétude, de la part de plus gros établissements déjà pourvoyeurs du Fonds de résolution unique, d’avoir à payer davantage pour de moindres établissements impécunieux.

Harmoniser la hiérarchie des créances au niveau européen implique aussi que celle qui prévaut actuellement dans certains États membres s’en trouvera modifiée et, parmi ceux qui disposent déjà d’un système de garanties bien rodé, à l’instar de l’Allemagne, l’opposition à une telle modification est sans équivoque.

De la même manière, la définition du Public Interest Assessment devrait être revue. L’intérêt d’une résolution pour une banque moyenne ne peut être basé sur les mêmes besoins que celui d’une banque dite systémique.
La définition des critères d’éligibilité à une telle procédure est d’ailleurs un sujet pour le moins épineux dans une Union européenne aux économies nationales de nature hétérogène.

Le texte est aujourd’hui entre les mains des colégislateurs du Parlement européen et du Conseil. Sa finalisation fait partie des priorités de la présidence belge, qui débute en janvier. Les négociateurs interinstitutionnels devront sans doute allier subtilité et vélocité s’ils veulent aboutir avant les élections européennes, au printemps 2024. Y parviendront-ils ? On peut en douter.

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« L’enjeu actuel est de voir si on veut faciliter le recours aux ressources du fonds de garantie des dépôts du pays. »

Dominique Laboureix, président du Conseil de résolution unique (Revue Banque n° 875-876, janvier 2023)

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº887-888
RB