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Ambroise Fayolle

« Sortir au plus vite
de notre dépendance
aux combustibles fossiles »

Créé le

21.09.2022

-

Mis à jour le

07.12.2022

Institution de financement à long terme de l’Union européenne, la BEI joue un rôle moteur dans le déploiement du pacte vert européen. Afin d’accélérer la transition en cours, elle pourrait revoir certaines de ses règles.

Quel est l’ADN de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) ?

La BEI est à la fois une banque publique et une banque européenne, et les deux termes sont pour nous essentiels et indissociables. Nous finançons des projets qui correspondent aux priorités d’investissement européennes. Historiquement, la BEI est une banque de financement de grandes infrastructures. Nous empruntons sur les marchés pour prêter et comme, grâce à notre notation AAA, nous empruntons à très long terme et à des taux très compétitifs, nous faisons bénéficier nos contreparties de ces conditions avantageuses. Mais notre rôle a évolué à partir des années 2010, avec le plan Juncker, mis en place sous l’impulsion de l’ancien président de la Commission européenne. Après la crise de 2008-2012, nous nous sommes en effet rendu compte qu’il y avait un problème en Europe de non-redémarrage de l’investissement, une problématique que ne rencontraient pas nos concurrents asiatiques ou américains. Ce n’était pas lié à un manque de liquidité, mais à la difficulté des acteurs à prendre des risques. Grâce au plan Juncker, la BEI a bénéficié d’une garantie de l’Union européenne (UE) pour financer des projets plus risqués, avec effet de levier. Au total, au titre du plan Juncker, la BEI aura financé un peu plus de 500 milliards d’euros sur la période 2015-2020.

Par ailleurs, un principe important pour notre banque est son additionnalité, c’est-à-dire le fait de financer des projets qui n’auraient pu être financés sans nous, ou pas dans les mêmes conditions. Nos financements concernent des projets approuvés à l’issue d’une analyse approfondie et nous avons la capacité d’entraîner des financements privés supplémentaires grâce à notre implication. Nous avons par ailleurs un partenariat extrêmement étroit avec la Commission européenne, dont nous mettons en place les mandats à l’intérieur et à l’extérieur de l’UE. Contrairement à d’autres institutions de développement, nous n’avons en revanche pas accès aux ressources budgétaires des États et disposons de très peu de fonds fiduciaires avec eux.

Qui bénéficie de vos actions ?

Notre clientèle est composée à parts égales de collectivités territoriales, d’intermédiaires financiers et d’entreprises. S’agissant de ces dernières, la BEI se consacre plus aux midcaps et aux grandes entreprises, notamment pour contribuer au financement de leurs programmes de recherche et développement, comme dans l’aéronautique avec Safran ou Airbus.

Notre filiale du Fonds européen d’investissement (FEI) finance pour sa part les PME. Nos équipes sont principalement basées à Luxembourg et nous ne disposons pas de réseau bancaire. Nous finançons donc des banques pour qu’elles-mêmes financent leurs clients PME. Ce financement indirect a été très important pour les soutenir pendant la crise sanitaire, notamment via la mise en place d’un fonds européen de garantie.

Nous finançons également des fonds d’investissement, via le FEI, qui a vu son rôle croître avec la prise de conscience des difficultés de financement de ces fonds en Europe, notamment pour les technologies de rupture, plus risquées. Pour le dire un peu schématiquement, tout ce qui relève du financement indirect passe par le FEI et ce qui concerne le financement direct passe par la BEI.

La BEI a des seuils minimaux d’intervention qui ont été abaissés, grâce au plan Juncker, à 15 millions d’euros pour un projet d’investissement, étant entendu que l’on peut financer à ce jour jusqu’à 50 % d’un projet. Ces montants peuvent aller jusqu’à près d’un milliard d’euros dans la fourchette très haute, comme lors de notre récent financement de 800 millions d’euros pour EDF, afin de soutenir les investissements du gestionnaire du réseau électrique Enedis pour le raccordement des énergies renouvelables et les bornes de recharge des batteries automobiles. Les grandes entreprises sont en contact régulier avec nos chargés d’affaires, qui connaissent leurs projets d’investissement pluriannuels et leurs thématiques d’investissement. Lorsqu’elles sont financées indirectement, les plus petites entreprises nous connaissent naturellement moins bien. Pour cette raison, les banques que nous finançons s’engagent contractuellement à indiquer à leurs clients qu’une partie de leurs fonds provient de l’Europe via la BEI. Notre défi est de nous faire connaître des entreprises de taille intermédiaire, qui ignorent trop souvent qu’elles peuvent être financées par la BEI. Faire savoir qu’on a financé en France une entreprise dont le projet répond à nos critères européens est un enjeu important de notre communication.

Comment s’explique la forte intervention de la BEI en France ?

La France a été le premier bénéficiaire du plan Juncker et elle a même été, en 2021, le premier pays européen en termes d’investissement du groupe, avec presque 14 milliards d’euros de financements. Cela s’explique par une évolution de nos objectifs vers plus d’action climatique et plus d’innovation qui correspond bien aux priorités des entreprises, des institutions financières et des collectivités françaises. Et si nous sommes bien connus de nos grands partenaires bancaires, nous avons également étendu notre action auprès d’entreprises innovantes de taille plus modeste. Un bon exemple est l’agriculture : nous avons fait des prêts avec des banques pour le financement des jeunes agriculteurs, ou pour promouvoir les circuits courts, le plus souvent avec des structures innovantes qui impliquent un soutien de l’État ou de certaines régions, comme la Nouvelle-Aquitaine. Mais nous avons également financé la modernisation de coopératives agricoles, grâce au plan Juncker, ou plus récemment des entreprises en pointe dans la transition agroécologique. C’est par exemple le cas de Florimond-Desprez, un groupe nordiste et toujours familial, actif dans la recherche de semences plus résistantes au changement climatique. On a bien vu, cet été en France, en quoi cette recherche est essentielle à notre souveraineté alimentaire.

Nous avons également un partenariat très important avec le groupe Caisse des dépôts pour la rénovation énergétique de bâtiments publics ou de logements sociaux, par exemple, et avec Bpifrance, avec lequel nous avons soutenu des milliards d’euros de prêts d’amorçage et d’innovation à travers des garanties du FEI. Il y a aujourd’hui beaucoup de fonds qui investissent dans le climat. La France est bien en phase avec nos priorités de prise de risques sur des projets innovants, comme l’illustre par exemple notre financement de 20 millions d’euros accordé à la start-up Voltalis avant le Covid-19. Ce prêt a permis le déploiement de 150 000 boîtiers de gestion active de la consommation électrique des particuliers. Cette innovation a pour effet, via des micro-coupures sans impact sur le confort des usagers, de suspendre quelques instants la consommation électrique lors des pics de consommation, afin d’éviter de recourir à des sources d’électricité polluantes et d’améliorer la sécutité du réseau. Cet investissement montre bien l’engagement de la BEI dans le financement d’innovations très concrètes, afin d’apporter des réponses à la crise climatique.

Quel est l’objectif du programme InvestEU ?

InvestEU est le successeur du plan Juncker avec des priorités sur l’innovation, le risque et la transition verte, qui représente à elle seule un tiers de ce programme. Les enveloppes globales permettent de mobiliser plus de 370 milliards d’euros, avec une garantie de crédits publics européenne de 26 milliards dont nous sommes le principal bénéficiaire. Outre le fonds InvestEU, ce programme comporte également une plateforme de conseil et un portail pour la mise en relation des investisseurs et des promoteurs de projets. Le financement à hauteur de 315 millions d’euros de l’important projet de recherche et développement de l’équipementier automobile Faurécia dans le stockage de l’hydrogène vert est un premier exemple de ce que la BEI finance dans le cadre d’InvestEU. Au vu de son montant et des enjeux industriels autour de ce projet, nous organiserons un évènement de signature dans les prochains mois. Pour la BEI, il est important de montrer que les financements européens sont bien là pour soutenir ces innovations, mais également pour accompagner les Européens au quotidien, comme lorsque nous finançons la rénovation énergétique de leurs logements.

La BEI se mue en « banque du climat »...

La BEI a adopté une feuille de route très ambitieuse dans ce domaine, en 2020. Ce plan fait suite à notre politique de l’énergie approuvée en 2019. Cette feuille de route vise à accélérer les investissements dans la transition énergétique et à arrêter les financements de projets dans les énergies fossiles dès lors que le niveau d’émission de CO2 par kWh dépasse le seuil de 250 grammes. L’action climat est le seul objectif chiffré fixé par notre Conseil d’administration. Jusqu’en 2020, 25 % de nos financements devaient inclure une composante climat. Ce seuil a depuis été doublé puisqu’il devra être supérieur à 50 % partout en Europe d’ici 2025. Pour une institution qui accorde 60 à 80 milliards de prêts par an, cela représente un vrai changement d’échelle.

Le deuxième objectif quantitatif est celui de 1 000 milliards d’euros d’investissements verts générés sur la période 2021-2030, décennie décisive pour atteindre les objectifs fixés par le pacte vert européen, qui prévoit d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Toute notre stratégie est évidemment en phase avec celle de la Commission européenne.

Le troisième objectif, lui, est qualitatif. Il prévoit l’alignement des projets financés sur l’Accord de Paris depuis 2021, mais aussi, à partir de 2022, de l’ensemble des activités de nos contreparties. Nous sommes en avance sur ces points par rapport à d’autres banques multilatérales de développement. La BEI a été la première à mettre cet alignement en place. Il y a peu de chances que l’on vienne nous accuser de faire du greenwashing sur ces sujets, nous sommes très vigilants. Nos obligations vertes sont évidemment auditées et nous avons d’ailleurs du recul dans ce domaine : la BEI été la première institution multilatérale de financement à émettre, en 2007, des obligations vertes. Il est très important, pour la crédibilité de notre action, que l’on ne puisse pas mettre en doute le caractère vert de nos projets dans ce domaine.

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Atteindrez-vous les 1 000 milliards d’euros d’ici 2030 ?

Les investissements climat montent en puissance. Nous avons atteint 75 milliards en 2021. Il faut toutefois que l’on fasse mieux, mais je ne suis pas inquiet. Nous avons bien réussi à atteindre les objectifs ambitieux du plan Juncker ! Concernant notre premier objectif de 50 % d’investissement climat, nous l’avons dépassé en 2021 et atteint 51 %. En France, ces investissements ont même concerné les deux tiers de nos financements. Notre ambition dans ce domaine est très claire. Quand on fait des prêts aux banques pour financer les PME, on demande désormais systématiquement qu’une partie des fonds alloués soit consacrée au verdissement des PME. Cela peut aller d’une petite composante climat jusqu’à 100 %. Mais d’autres priorités sont également très importantes pour l’Europe, comme le numérique et la santé, qui ne sont pas forcément liés à l’action climatique.

En ce qui concerne le financement des fonds, nous ciblons surtout des projets verts. Les investissements liés aux transports et à la mobilité – qui constituent la première source d’émissions de CO2 – sont les plus nombreux, devant les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et la rénovation des bâtiments.

La BEI est totalement en phase avec le pacte vert européen. Son rôle d’aiguillon du secteur de la finance est à la hauteur des montants qu’elle mobilise. Nous intégrons également de plus en plus une dimension supplémentaire dans nos projets climatiques : l’adaptation. Désormais, dans la lutte contre le réchauffement climatique, à l’atténuation – comment on réduit les gaz à effet de serre – s’ajoute l’adaptation – comment on fait face aux effets du changement climatique, qui sont déjà là. C’est une situation que l’on voit beaucoup en Afrique, mais aussi en Europe, comme on a pu le constater après les inondations géantes de 2021, en Allemagne ou aux Pays-Bas. Comment reconstruire après de telles catastrophes, sachant que des crues jusqu’ici centennales risquent de se reproduire beaucoup plus fréquemment ? L’objectif est de poursuivre et d’accélerer la transformation de la BEI en banque européenne du climat. Notre mission est de contribuer autant que possible à financer cette transition, en apportant également une dimension de conseil plus forte, afin que les infrastructures que l’on reconstruit prennent bien en compte cette nouvelle donne.

Quel est l’impact de la hausse des taux de la BCE sur les financements de la BEI ?

Il est difficile de dire quel va être l’impact de la remontée des taux, car elle entraîne deux effets en sens contraire, dont le deuxième est incertain.

Le premier effet est le renforcement de notre compétitivité. Plus la courbe des taux est plate et plus elle est proche de zéro, et plus l’amoindrissement de l’effet positif de notre notation AAA est fort. Dans le cas actuel, la remontée des taux va se traduire par une plus forte différenciation dans la notation des émetteurs, avec des conséquences très concrètes sur leurs coûts de financement. Cela va permettre à la BEI de se financer à des conditions qui seront relativement meilleures et plus attractives par rapport aux autres institutions financières en Europe. Mais il n’y aura pas de surprofits de la BEI. Notre objectif n’est pas d’en profiter pour améliorer notre rentabilité mais d’aider à financer de beaux projets pour les Européens et aux meilleures conditions possibles. Cet accès à des financements privilégiés est un facteur de décision crucial pour certains investisseurs. C’est par exemple le cas pour des projets qui déploient de grandes infrastructures « structurantes » très onéreuses, comme dans le ferroviaire, et dont la rentabilité n’intervient qu’à très long terme.

Concernant le deuxième effet, cette fois, il y a aujourd’hui une forte interrogation des acteurs économiques sur les conséquences du retour de l’inflation et du ralentissement de la croissance. Historiquement, c’est en général l’investissement qui baisse en premier. Est-ce que l’on va assister à un phénomène de ce type, avec un recul de son niveau et donc de la demande de financements qui nous est adressée ? Jusqu’à présent, on ne peut pas dire que l’on constate un tarissement des demandes au niveau de l’origination des projets.

La guerre ne contrarie-t-elle pas votre trajectoire ?

Nous sommes une banque d’investissement qui essaie, dans le contexte actuel, d’aider à faire rapidement bouger les choses sur le court terme, notamment sur le plan du mix énergétique en Europe. La BEI travaille dans la même optique que ce que fait la Commission européenne à travers « REPowerEU », à savoir accélérer la transition énergétique pour sortir plus vite de notre dépendance aux combustibles fossiles. C’est bon à la fois pour le climat et pour l’indépendance énergétique. Nous essayons de faire plus en termes de volumes et de pousser les projets innovants à travers nos dispositifs qui sont plutôt performants. Cela veut dire aussi que l’on pourrait changer certaines de nos règles. Par exemple, actuellement, nous ne pouvons pas financer plus de 50 % d’un projet mais, pour un dossier particulièrement « vert », pourquoi ne pas le financer à 75 % ? Nous menons actuellement ce genre de réflexions en interne.

La feuille de route climat a été approuvée fin 2020, à l’unanimité. Des pays plus dépendants aux énergies fossiles, comme ceux d’Europe de l’Est ou du Sud, sont d’accord, car ils voient bien la nécessité d’accélérer la transition de leurs économies. Dans ce but, nous nous sommes déjà engagés à ce que les pays les plus éloignés de l’objectif de neutralité carbone et dont l’économie est la plus dépendante des énergies fossiles soient aussi ceux que l’on soutienne le plus. C’est le concept de « transition juste » que l’on applique également dans nos choix d’investissements en dehors de l’Europe. Par ce dispositif, des financements accrus de la Commission européenne et de la BEI vont être mis en place et, au-delà de ces enveloppes, il y aura également davantage d’accompagnement des porteurs de projet dans ces pays.

Quel est votre soutien pour l’Ukraine ?

L’Ukraine est un pays où nous sommes présents depuis son indépendance. Nous étions assez présents également en Russie et en sommes sortis avec l’arrêt immédiat de tous nos financements en 2014, suite à l’invasion de la Crimée. En Ukraine, nous avons un portefeuille de prêts important, pour financer notamment des infrastructures, avec environ 8 milliards d’euros de projets en cours. Dès le début de la guerre, nous avons rapidement dégagé des fonds d’urgence pour accompagner les besoins immédiats en dégageant une première enveloppe de 688 millions d’euros. Elle a été complétée cet été par une aide de 1,59 milliard d’euros, afin de permettre le financement de projets à court terme, comme la reconstruction d’infrastructures vitales au fonctionnement du pays. Mais il faut aussi réfléchir sur le plus long terme et c’est ce à quoi l’on s’attache. Nous allons continuer ce soutien à la reconstruction de l’Ukraine, c’est évidemment une priorité de nos équipes. Nous aidons aussi tous les pays voisins qui ont accueilli les Ukrainiens – la Pologne, les pays baltes, la Roumanie et d’autres –, grâce à une autre enveloppe de 4 milliards d’euros.

La COP 27 se tiendra en Égypte en novembre prochain. Quels en sont les principaux enjeux ?

La COP 27 est la convention des parties concernées, soit les États et l’Union européenne. Ce sont eux qui négocient, pas la BEI. En revanche, nous sommes très impliqués, comme les autres banques multilatérales de développement. Les organisateurs de la COP mettent en avant des thématiques tout au long de l’événement. Il y a par exemple une journée « finance », une journée « adaptation », etc. Ces thématiques sont importantes pour nous et nous permettent de réfléchir collectivement à la manière dont on finance ces objectifs. La COP est aussi l’occasion de rencontrer tout un ensemble d’ONG, de représentants de la société civile, d’entreprises et de partenaires publics.

Lors de la dernière COP de Glasgow, j’ai été frappé par la présence d’un nombre croissant d’entreprises et d’institutions financières, ce qui est révélateur d’une réelle prise de conscience globale des enjeux climatiques. Les Égyptiens, quant à eux, veulent que la COP 27 ne soit pas une COP dans laquelle les pays prendraient des engagements supplémentaires, mais une COP de la mise en œuvre. Une COP où l’on montre ce qui a été fait concrètement et comment les engagements pris ont été honorés... ou pas ! C’est une approche très juste. De notre côté, nous aurons tout un ensemble de projets que nous allons annoncer et engagerons à l’occasion de la COP27.

Quelle est l’action de la BEI en Afrique ?

Cela fait 63 ans que la BEI exerce des activités hors d’Europe. Historiquement, nous sommes très présents dans le voisinage européen, comme dans les Balkans et dans une zone qui va de l’Ukraine, à l’Est, au Maroc, au Sud. Nous avons également des activités importantes dans les pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique), essentiellement l’Afrique mais aussi l’Amérique Latine et l’Asie, notamment pour des problématiques climatiques.

Depuis plusieurs années, nous montons en puissance en dehors de l’Europe et c’est la raison pour laquelle nos actionnaires ont approuvé l’idée de créer une nouvelle branche spécifiquement dédiée à cette activité. Pour mieux l’identifier et la rendre plus visible, une nouvelle structure, BEI Monde, a été mise en place début 2022. La BEI fait chaque année entre 6 et 10 milliards d’euros de projets en dehors d’Europe. En Afrique, nous en avons financé pour 2,5 milliards d’euros en 2021 : ils se répartissent à égalité entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne, les secteurs public et privé, l’action climatique et d’autres priorités. Parmi les nombreux projets que nous avons financés, il y a par exemple l’installation par l’Institut Pasteur de Dakar d’une usine de fabrication de vaccins au Sénégal, en réponse à une problématique que la récente pandémie a fait apparaître au grand jour : 99 % des vaccins en Afrique sont importés. Ce projet de long terme vise donc à produire en Afrique et, in fine, à améliorer la souveraineté vaccinale de ce continent.

L’Europe et la BEI devraient par ailleurs financer dans ce cadre d’autres sites de production, comme en Afrique du Sud et au Rwanda. Ce projet permettra aussi, on l’espère, de développer la recherche sur place, dans l’optique de mettre au point des traitements vaccinaux pour des maladies endogènes, qui intéressent moins les grands laboratoires pharmaceutiques. La BEI a financé ce projet à hauteur de 95 millions d’euros, ce qui va notamment permettre de produire chaque mois jusqu’à 25 millions de doses de vaccin d’ici la fin de 2022 et demain, peut-être, de nouveaux vaccins à ARN messager.

$!La BEI en délégation à Dakar (Sénégal), en juin 2022, pour le projet de financement d’une usine de vaccins en lien avec l’Institut Pasteur.

La Banque Européenne d’Investissement en chiffres

À l’instar de la Commission européenne, la Banque Européenne d’Investissement (BEI) est une institution publique européenne créée par le Traité de Rome de 1957. Elle est détenue à 100 % par des entités publiques et ses actionnaires sont les 27 États membres de l’Union européenne (UE).

La banque finance chaque année entre 60 et 80 milliards d’euros de prêts. Cela inclut le Fonds européen d’investissement (FEI), filiale créée en 1994, pour environ 10 milliards d’euros par an.

Près de 90 % de l’action du groupe BEI/FEI s’effectue en Europe, pour une taille de bilan de 600 milliards d’euros, et le taux de créances douteuses est extrêmement bas.

L’objectif de la BEI n’est pas de générer des bénéfices, ses profits permettant d’initier des actions supplémentaires sans augmentation de capital. La dernière est liée au départ du Royaume-Uni de l’Union européenne en 2020. À cette occasion, la BEI a dû compenser à hauteur de 40 milliards d’euros le départ de cet actionnaire qui détenait 16 % de son capital.

Notée AAA, la BEI n’est pas supervisée par la BCE mais applique les meilleures pratiques bancaires et sa liquidité est contrôlée par la Banque Centrale du Luxembourg. Un comité d’audit joue le rôle de supervision en toute indépendance, en relation permanente avec les équipes de la BEI au Luxembourg.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº872