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La titrisation, une pratique payante aux États-Unis

Créé le

16.06.2023

-

Mis à jour le

28.08.2023

Permettant d’alléger les bilans bancaires, elle joue un rôle clé dans la course à la performance.

Loin d’avoir disparu avec la crise des subprimes en 2008, la titrisation bancaire reste un instrument courant pour les groupes bancaires américains. Le marché américain des titres adossés à des créances hypothécaires est même un des marchés mondiaux à revenu fixe les plus importants et les plus liquides, avec plus de 11 000 milliards de dollars de titres en circulation et près de 300 milliards de dollars de volume d’échange quotidien.

Transformant des actifs « illiquides » en titres adossés aux actifs sous-jacents (les Asset Back Securities ou ABS), cette technique financière sophistiquée constitue un moyen pour les banques de retirer les prêts de l’actif de leur bilan et de les transférer, ainsi que les risques de crédit associés à un véhicule ad hoc. La titrisation a ainsi donné naissance au modèle bancaire dit « originate to distribute » (en opposition au modèle « originate to hold »), selon lequel le risque de défaillance sur les prêts est dissocié de l’initiateur des prêts.

Spécificité américaine, les prêts hypothécaires résidentiels faisant l’objet de titrisation (les Residential Mortgage-Backed Securities ou RMBS) sont, à 93,4 %, refinancés auprès des grandes agences parapubliques, Fannie Mae et Freddie Mac. Cette pratique donne depuis les années 1970 la possibilité aux banques de sortir les prêts immobiliers de leur bilan sans risque. Soutenus par le gouvernement, les deux géants sécurisent les investisseurs et garantissent le remboursement des crédits souscrits par ces derniers. Cette garantie permet aux banques d’offrir des prêts à taux fixe sur 30 ans, une autre spécificité du marché américain. Lors de l’éclatement de la bulle immobilière en 2008, ce système a été sauvé de la faillite par l’État, qui a injecté 188 milliards de dollars dans les organismes de refinancement hypothécaire. Depuis, plusieurs projets de privatisation ont échoué. Clé de voûte du financement immobilier, Fannie Mae et Freddie Mac garantissent, fin 2022, 68 % des prêts immobiliers, soit 8 900 milliards de dollars, contre seulement 3,2 % pour les private label non garantis par les agences et 17,5 % pour les portefeuilles bancaires, d’après l’Urban Institute.

Un système encadré

Comment expliquer ce retour en grâce de la titrisation bancaire après la crise ? Pour Elen Callahan, directrice de la recherche de la Structured Finance Association, « tout simplement parce que la titrisation en tant qu’outil de financement fonctionne ». « Les prêteurs et les sociétés financières se tournent vers le crédit structuré pour réduire leurs coûts de financement et améliorer la liquidité », pointe-t-elle.

Depuis 2008, plusieurs garde-fous ont été mis en place pour éviter les dérives. Comme en Europe, les banques doivent conserver 5 % des prêts faisant l’objet de titrisation dans leur bilan. L’accent a aussi été mis sur la rétention des risques et des garanties plus conservatrices. Mais paradoxalement, la réglementation Dodd-Frank de 2010 visant à renforcer la solvabilité et la capitalisation des banques a aussi incité les groupes à recourir à la titrisation à grande échelle. Comme l’explique Elen Callahan, en titrisant les actifs et en les retirant de leur bilan, les banques réduisent le montant du capital qu’elles doivent conserver et peuvent l’utiliser à d’autres fins, ce qui leur permet de doper leur ROE (Return on Equity). De 2018 à 2020, les banques américaines ont ainsi placé des titres représentant en moyenne 6,5 % de leur bilan pour soutenir leur rentabilité selon le cabinet Bain.

Avec la faillite de la Silicon Valley Bank et les tumultes du secteur bancaire, « les banques américaines de taille moyenne pourraient ne pas être en mesure de financer leurs portefeuilles de prêts hypothécaires avec les dépôts des clients, ce qui augmenterait l’attrait de la titrisation en tant que forme de gestion du bilan », prévient KBRA (Kroll Bond Rating Agency).

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº882
Une pratique bien développée aux États-Unis
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