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3 questions à... Nicolas Dufrêne

« Une partie de la création monétaire doit (...) échapper [au] remboursement »

Créé le

22.10.2023

Haut fonctionnaire, spécialiste de politique monétaire et directeur de l’Institut Rousseau, Nicolas Dufrêne publie « La dette au XXIe siècle, comment s’en libérer » et propose une autre approche de la dette permettant de bâtir un nouvel ordre monétaire. Odile Jacob, 325 pages, 26,90 €.

Vous appelez à un nouveau mode de création monétaire fondé sur l’intérêt général et libéré de l’obligation de la rentabilité, c’est-à-dire du remboursement. Quels sont vos arguments ?

La dette mondiale, qui atteint aujourd’hui 300 000 milliards de dollars, met en danger nos systèmes financiers, mine la croissance économique et pénalise les investissements nécessaires à la transition écologique. On en parle peu, mais la dette est intrinsèquement liée à la création monétaire et à l’activité économique. Une dette trop élevée détourne du recours au crédit. C’est pourquoi une partie de la création monétaire doit pouvoir échapper à la contrainte du remboursement. Il faut œuvrer pour un désendettement qui préserve les capacités à investir et passer d’une vision sacrificielle à une vision émancipatrice de la dette et de la monnaie.

D’où votre « théorie de la monnaie émancipatrice »...

Il faut penser la monnaie en dehors d’une discipline de marché fondée sur la seule exigence de rentabilité, la penser comme un bien commun, dont une partie peut être créée sans forcément recourir à la dette, pour des motifs d’intérêt général, au profit d’activités non rentables au sens du marché mais profitables à la société. Sans remettre en cause le principe de la monnaie endogène fondé sur le crédit, l’idée est de créer une monnaie complémentaire : libre, ciblée et sous contrôle démocratique que j’appelle « monnaie émancipatrice ». Il faut pour cela que des acteurs, autres que les institutions bancaires, accèdent au rang de créateurs de monnaie.

Une monnaie sous contrôle démocratique, certes, mais par qui serait-elle gérée ?

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il y a eu une tentative de créer un parlement du crédit et de la dette. Je suggère de réactiver cette initiative de parlement, qui serait constitué d’un panel de représentants de l’État, des institutions financières, des entreprises et des citoyens. Les grandes décisions de la politique monétaire doivent être soumises à un débat démocratique.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº885
« La dette au XXIe siècle, comment s’en libérer »
$!« Une partie de la création monétaire doit (...) échapper [au] remboursement »
Odile Jacob, 325 pages, 26,90 €.
RB