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3 questions à... Jézabel Couppey-Soubeyran

“Il faut repenser l’ordre monétaire”

Créé le

19.12.2023

-

Mis à jour le

01.01.2024

Jézabel Couppey-Soubeyran, Pierre Delandre et Augustin Sersiron, respectivement économiste, sociologue et philosophe, font paraître mi-janvier Le pouvoir de la monnaie – Transformons la monnaie pour transformer la société. Les liens qui libèrent, 395 pages, 25 €.

Quelle est votre conception de la monnaie ?

Pour nous, la monnaie est une institution majeure. Ce n’est pas une réalité neutre, an-historique et figée. C’est un objet économique, historique, social, politique et philosophique qui contribue à façonner la société et se laisse façonner par elle. De nature bancaire depuis le XIXe siècle, notre monnaie a ainsi été le levier du capitalisme. La monnaie est une force de transformation sociétale. Donc si on veut aujourd’hui bifurquer vers un projet de société plus respectueux de l’humain et des limites planétaires, il faut repenser l’ordre monétaire.

$!“Il faut repenser l’ordre monétaire”

Pourquoi vouloir créer une nouvelle monnaie que vous appelez « volontaire » ?

La bifurcation sociétale a un coût. Mais la monnaie bancaire dont l’émission, fondée sur le prêt à intérêt, est entièrement orientée vers le financement d’activités rentables, s’avère incompatible avec des investissements socialement et écologiquement indispensables mais financièrement non rentables. D’où l’ajout d’un nouveau mode de création monétaire désencastré de la dette : il s’agit d’émettre de manière volontaire une monnaie à mission, qui, une fois en circulation, se fondra dans la masse monétaire et sera accompagnée de mécanismes anti-inflation.

Comment imaginez-vous la mise en place de cette monnaie volontaire ?

Il n’est pas question de renverser le système monétaire, mais de le compléter. Le nouveau mode d’émission serait confié à une autorité publique. Dotée d’une gouvernance ouverte sur la société civile, celle-ci aurait le pouvoir de décider des quantités de monnaie qui seront créées par la banque centrale et mises en circulation sous forme de subventions par une caisse du développement durable. Selon nos calculs, il faudrait un peu moins de 250 milliards d’euros par an pour financer la part non rentable des investissements nécessaires à la transition écologique ! C’est très inférieur aux sommes émises pour sauver le capitalisme financier lors des crises financières et sanitaires des quinze dernières années.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº887-888