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Dette américaine : l’annonce de Fitch n’est pas anodine

Créé le

21.09.2023

-

Mis à jour le

22.09.2023

Le 1er août 2023, Fitch a dégradé la note souveraine
des États-Unis de AAA à AA+. Un léger retard de paiement ou un désaccord entre Congrès et gouvernement pourrait avoir des conséquences lourdes au plan international.

S’il pleut au 1er août, les noisettes sont piquées de poux... Douze ans après Standard & Poor’s (S&P), pionnière, Fitch prive la dette souveraine américaine de la note la plus haute (AAA), après l’accord signé in extremis entre le Congrès républicain et le gouvernement démocrate afin de rehausser le plafond de la dette et éviter un défaut de paiement. Moody’s est désormais la seule des trois grandes agences de notation à maintenir le triple A des États-Unis. Les principales valeurs boursières ont été secouées. Surtout, les rendements des obligations du Trésor US ont atteint leur plus haut niveau depuis 2007, autour de 4,3 %, le 18 août.

La plupart des analystes n’ont pas alerté quant à l’avenir de la dette américaine et la stabilité des marchés obligataires américains et européens. En 2011, les annonces de S&P avaient été suivies d’une chute des rendements obligataires durant plusieurs mois : les investisseurs, à l’époque, auraient ignoré le signal d’alarme et gardé un intérêt fort pour la dette américaine. Cependant, la situation est toute autre et cette fois, contrairement à 2011, les marchés semblent commencer à réagir.

La question de la soutenabilité

Le niveau de la dette américaine a triplé depuis 2009 et les prévisions les plus raisonnables tablent sur un niveau encore deux fois plus élevé en 2050. Le ratio dette/PIB des États-Unis est le cinquième plus élevé au monde, derrière le Japon, la Grèce, Singapour et l’Italie. La succession des effets d’annonce sur le rehaussement du plafond de la dette se heurte à une perte de crédibilité et pose concrètement la question de sa soutenabilité. Depuis 1960, son plafond a été rehaussé, repoussé ou redéfini 78 fois par le Congrès, parfois à quelques jours seulement des échéances de paiement des intérêts, et souvent après d’interminables négociations. La problématique devient éminemment politique : que se passerait-il en cas de désaccord pérenne entre un gouvernement, quel qu’il soit, et le Congrès ? En l’absence de plan de réduction des dépenses publiques ou d’augmentation des recettes, et en dépit d’indicateurs de production économique plus qu’encourageants, le risque existe plus que jamais en 2023 pour les États-Unis. Compte tenu des interconnexions entre la dette américaine et les puissances d’Asie du Sud-Est, et du rôle prépondérant du dollar sur l’économie mondiale, un défaut américain entraînerait un choc d’amplitude majeure et d’envergure internationale.

De facto, qu’il s’agisse d’un léger retard de paiement auprès d’un de ses créanciers, ou, scénario moins probable, d’un défaut total de l’État américain, cela suffirait à transformer le titre financier en question en titre en défaut, et provoquerait un effet domino sur la valorisation de l’ensemble des créances américaines. Indépendamment de leurs gestions des finances publiques, les conditions de financement pour les États européens seraient bien plus drastiques.

La réaction des banques

Au vu des récents événements, et malgré les promesses répétées de Biden, c’est un scénario extrême que les institutions financières doivent intégrer à leurs stress-tests. Qui plus est, à la dette souveraine américaine, viennent s’entremêler celle des étudiants et celle des ménages, elles aussi à des niveaux records. Ces questions érodent la confiance des investisseurs internationaux et génèrent une volatilité accrue sur les marchés. Du point de vue des institutions financières, de nouvelles méthodes de calcul de risques prenant en compte ce régime de volatilité sur les titres financiers de dette long terme semblent nécessaires.

Quelques jours après l’annonce de Fitch, Moody’s a annoncé le maintien de la note Aaa sur la dette américaine, accompagnée d’une perspective stable (stable outlook) Moody’s finira par s’aligner sur ses deux concurrentes. La réaction des marchés sera plus prononcée encore, et pourrait, dans ce contexte inflationniste, nous emmener vers des territoires inconnus.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº884
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