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Un grand millésime
pour le secteur espagnol

Créé le

16.06.2023

-

Mis à jour le

21.06.2023

La hausse des taux d’intérêt a permis aux établissements de crédit de clôturer 2022 avec un rendement suffisant pour couvrir le coût du capital. Des défis demeurent.

Pour les banques espagnoles, 2022 fut un grand millésime. Au total, le secteur a enregistré un bénéfice consolidé de 19,524 milliards d’euros l’année dernière, en hausse de 12,5 % sur une année, selon les chiffres de l’Association bancaire espagnole (AEB). L’internationalisation de certains acteurs explique en partie ces résultats record : 42 % du bénéfice imposable de l’activité ont été générés à l’étranger. « Les prêteurs géographiquement diversifiés tels que BBVA et Santander peuvent tirer parti de la décorrélation entre les cycles économiques. Par conséquent, les opérations en dehors de l’Espagne ont compensé la baisse de la rentabilité nationale jusqu’en 2022, précise Chiara Romano, directrice associée au sein de l’agence de notation Scope Ratings. À présent, le renforcement de la rentabilité de la franchise nationale sera en mesure d’absorber une performance plus mitigée dans les zones géographiques qui se trouvent à un stade différent du cycle monétaire et, en fin de compte, d’absorber les dépréciations potentielles. »

Les banques espagnoles ont très largement bénéficié de la hausse des taux d’intérêt, auxquelles elles sont particulièrement sensibles en raison du poids élevé des activités hypothécaires dans leur bilan. Conséquence : selon le rapport financier 2022 de l’AEB, leur rentabilité s’est établie à 10,95 % à la fin de l’année dernière, soit une amélioration de plus d’un point par rapport à 2021, où le ROE (Return on Equity) s’élevait autour de 9 %. Jusqu’à l’année dernière, ce ratio avait évolué de façon erratique, pénalisé par des années de taux d’intérêt négatifs et atteignant même des chiffres également négatifs l’année de la pandémie. En 2009, avant l’éclatement de la bulle immobilière en Espagne, il s’élevait à 10,1 %, alors qu’en 2008, il était de 13,7 %, selon l’association patronale des banques. Pour la première fois depuis 13 ans, le rendement est donc supérieur au coût du capital, lequel est estimé dans une fourchette comprise entre moins de 10 % et un peu plus de 12 %. « Le coefficient d’exploitation de 46,4 % et le rendement des fonds propres (ROE) de 10,95 % sont supérieurs à la moyenne européenne, signale l’AEB dans son rapport annuel 2022. Ces indicateurs renforcent la capacité du secteur à fournir des crédits et à générer de la richesse et de l’emploi, tout en rémunérant ses plus de 5 millions d’actionnaires et en payant des impôts pour contribuer à l’État-providence. »

Les résultats du premier trimestre 2023 ont confirmé le dynamisme du secteur bancaire espagnol : les six principales banques du pays (Santander, BBVA, CaixaBank, Sabadell, Bankinter et Unicaja) ont enregistré des bénéfices de près de 5,7 milliards d’euros au premier trimestre 2023, soit 14 % de plus qu’au premier trimestre 2022. Les revenus nets d’intérêt ont bondi de 40 % sur une année, compensant largement les conséquences de la taxe bancaire extraordinaire, imposée par Madrid en 2023 et 2024. Au total, cet impôt, prélevé sur les revenus nets d’intérêts et les commissions nettes uniquement des activités espagnoles, a réduit les profits à hauteur de 1,120 milliard d’euros pour les six principales banques du pays.

Une consolidation bénéfique

Un autre élément a également impacté positivement la rentabilité des prêteurs espagnols : « Les taux bas des dépôts domestiques augmentent plus lentement que le rendement du portefeuille de prêts. En conséquence, l’écart avec la clientèle augmente, ce qui a un impact positif sur la rentabilité », explique Pablo Manzano, vice-président FIG au sein de l’agence DBRS Morningstar, signalant que le coût moyen des dépôts est actuellement nettement inférieur à 50 points de base.

La bonne santé du secteur reste aussi étroitement liée à un environnement économique favorable : selon les dernières statistiques publiées par Eurostat, en glissement annuel, la plus forte croissance du PIB a été enregistrée en Espagne (+3,8 %), devant Chypre (+3,4 %) et Malte. De quoi contenir la hausse des créances douteuses, qui se situe à l’heure actuelle autour de 3,5 %.

Au-delà de ces facteurs conjoncturels, la consolidation du secteur bancaire espagnol, qui est passé de 281 établissements (dont 70,8 % espagnols) début 2008 à 191 fin 2020 (dont 56 % espagnols), avant un nouveau redimensionnement en 2021, avec les fusions entre Caixabank et Bankia et Unicaja-Liberbank, a largement contribué à garantir une meilleure rentabilité du secteur avec la disparition d’une agence sur quatre depuis 2014. Selon les experts du cabinet économique Funcas, la banque ne doit pas se reposer sur ses lauriers. Dans leur étude « Bank Profitability : a debate in need of perspective », Santiago Carbo Valverde et Francisco Rodriguez Fernandez soulignent de concert : « Il existe encore une marge de redressement, car les cours des actions et les bénéfices par action des banques (...) restent inférieurs à leurs niveaux d’avant la pandémie et la crise financière, bien que les circonstances aient été très différentes à l’époque. Les banques doivent rester rentables et solvables en raison de leur importance systémique et de leur pertinence à des moments critiques, comme pendant la pandémie, tout en poursuivant la réduction des coûts et une nécessaire transformation numérique. »

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº882
RB