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Rétrospective 2019

La finance sera verte ou ne sera pas

Créé le

18.12.2019

2019 aura-t-elle été l’année d’un basculement dans la prise en compte de la nécessité de verdir les activités économiques et financières pour limiter le réchauffement climatique ? L’avenir le dira. Une chose est sûre, cette année a été marquée par de fortes inflexions dans les discours – le vert est de toutes les déclarations, jusqu’au « la finance sera verte ou ne sera pas » de Bruno Le Maire – mais aussi dans les actes.

Le changement de Commission européenne est l’occasion d’une accélération volontariste. Ursula von der Leyen a présenté le 11 décembre son projet de Pacte vert qui vise à faire de l’Europe le premier continent climatiquement neutre en 2050. 1 000 milliards d’euros doivent être mobilisés sur 10 ans. La Banque européenne d’investissement (BEI) va cesser de financer les énergies fossiles fin 2021 et porter de 25 à 50 % la part des projets financés verts en 2025. « Le fait qu’une Commission soit dirigée par une femme, et qu’elle commence son mandat avec l’annonce d’un “Green Deal Européen” est disruptif, estime Anne-Catherine Husson-Traore, directrice générale de Novethic. Les lignes bougent, et de façon intéressante. Aujourd’hui la taxonomie verte européenne est le lieu de la bataille des lobbies, c’est le sujet politique majeur ». Née du plan d’action pour la finance verte de mars 2018, elle a fait l’objet d’un accord des États européens le 16 décembre. Le nucléaire cher à la France et le gaz défendu par l’Allemagne ne sont ni inclus ni exclus par principe de la taxonomie mais seront examinés en 2020 et 2021.

Les banques françaises ont repris des engagements en juillet 2019 dans le cadre d’une déclaration de Place. Elles publieront des plans de sortie du charbon en 2020. « Depuis la sortie d’Axa du charbon qui a été un déclencheur en 2015, le débat a changé. En 2019 à nouveau, c’est Axa qui a fait les annonces les plus ambitieuses, en présentant la veille du Climate Finance Day un plan de transition très sérieux qui consiste à arrêter d’assurer les entreprises les plus dépendantes du charbon, dont certaines sont ses clients, au risque de perdre de l’argent », indique la directrice générale de Novethic. Un rapport d’Oxfam et des Amis de la terre estimait par ailleurs fin novembre que les quatre grandes BFI françaises émettaient 4,5 fois plus de GES que la France en 2018. « Nous sommes les plus engagées au monde pour accompagner les économies, nos entreprises et les particuliers dans cette transition énergétique », a répondu sur Europe 1 Frédéric Oudéa, président de la FBF. « Globalement aujourd’hui le débat en cours est : transition versus disruption, estime Anne-Catherine Husson-Traore. Banques et assurances sont du côté de la transition. Elles considèrent qu’il faut accompagner la transition de l’industrie mais ne pas sortir du charbon tout de suite. Une position qui ne convient pas aux ONG qui disent aux banques : vous devez changer de modèle, vous êtes obligées de vous aligner sur la BEI pour être crédibles. » Une chose est sûre, les lignes bougent et continueront à bouger.

L. B.

 

Ils ont dit

La taxonomie sera la référence

La taxonomie donnera une liste d’activités considérées comme durables. Elle va constituer un dictionnaire auquel chacun pourra se référer pour savoir si une activité est verte ou non, et selon quelles métriques ou critères techniques. Elle doit ainsi devenir une référence, comme le mètre l’est devenu avec le système métrique. Elle constituera ainsi une base pour l’élaboration de standards et de labels européens pour qualifier des produits financiers « verts », ce qui constitue le deuxième point du plan d’action européen et correspond au premier objectif qui consiste à orienter les flux de capitaux vers des projets et activités verts.

Helena Vines Fiestas, Responsable Sustainability Research and Policy, BNP Paribas Asset Management, supplément au Revue Banque n° 833, juin 2019, pp. 23-26.

 

 

Le risque climat intègre la gestion des risques

Il est important de souligner que Société Générale considère que les risques liés au changement climatique font partie intégrante du dispositif de gestion des risques de la banque : ils ne constituent pas une nouvelle catégorie, mais un facteur aggravant des types de risques existants comme les risques de crédit ou opérationnels. Le CORISQ, organe de décision de la Direction générale en matière de risque, intègre désormais une appréciation des risques liés au changement climatique et plus largement des enjeux environnementaux dans la fixation de l’appétit au risque pour des portefeuilles crédit qui y sont sensibles.

Diony Lebot, directrice générale déléguée, Société Générale, Supplément au Revue Banque n° 833, juin 2019, pp. 27-31.

 

 

Accroître les contributions des banques et diminuer leurs investissements fossiles

Pour engager le pays sur la trajectoire de la neutralité climat, les investissements annuels dans le bâtiment, les transports et la production d’énergie doivent croître de 15 à 18 milliards d’euros d’ici 2023, et doubler d’ici 2028, par rapport à leur niveau actuel. Pour situer le rôle des banques dans ce programme d’investissements, plusieurs scénarios sont possibles. Nous concevons un scénario où la proportion entre sources et instruments de financement publics et privés reste constante par rapport à leur niveau de 2015 à 2018 […]. Dans notre scénario, les banques seraient amenées à accroître leur contribution aux investissements climat de l’ordre de 7 à 9 milliards d’euros entre 2019 et 2023, et de 20 à 24 milliards d’euros de 2024 à 2028. Dans cette enveloppe, les financements en faveur de la transition de la banque de détail seraient multipliés par quatre, celle de la banque de financement et d’investissement par trois. En effet, la SNBC fixe les objectifs les plus ambitieux pour les secteurs les plus dépendants des financements bancaires, comme la rénovation des logements, l’acquisition de véhicules bas carbone ou la production d’énergie renouvelable. Cette croissance des financements bancaires en faveur de la transition énergétique coïnciderait en grande partie avec une diminution des financements fossiles.

Hadrien Hainaut, chef de projet, I4CE, Revue Banque n° 838, décembre 2019, pp. 22-24.

 

 

Les banques de détail doivent accompagner la transition

Le premier métier historique des banques, le financement de l’économie à travers l’octroi de prêts, est aujourd’hui également en questionnement concernant son rôle dans la transition. La banque est un acteur clé incontournable de par son rôle auprès des entreprises mais également des particuliers. L’activité de prêt représente 60 % de l’actif total des banques et pèse un peu plus de 2000 milliards d’euros […]. Les banques de détail, avec la génération de crédit, détiennent un levier d’action important de la transition énergétique, que ce soit auprès des particuliers ou des entreprises.

Clémence Lacharme, Consultante senior, et Jean-Yves Wilmotte, Manager, Carbone 4, Revue Banque n° 838, décembre 2019, pp. 30-32.

 

 

Les engagements des banques évalués en 2020

Les commissions de l’ACPR et de l’AMF présenteront au dernier trimestre 2020 leur diagnostic dans un rapport conjoint annuel sur le respect des engagements des établissements financiers de la place de Paris. Ce rapport comportera également toute recommandation visant à améliorer les modalités de suivi de ces engagements et le renforcement du dispositif réglementaire en faveur du développement durable.

Laurent Clerc, directeur d’étude et d’analyse des risques, et Bernard Palmarini, chargé de mission, direction d’étude et d’analyses des risques, ACPR, Revue Banque n° 838, décembre 2019, pp. 34-35.

 

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº839