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Bilan et prospective

La contribution des banques au financement de la transition en France

Créé le

14.11.2019

Le Panorama des financements climat d’I4CE permet de préciser l’apport des banques, interlocuteurs privilégiés des ménages et des PME, dans le financement de la transition énergétique, et d’évaluer l’évolution nécessaire de leur contribution pour répondre aux objectifs de la stratégie nationale bas carbone. 

Réussir la transition énergétique implique d’accroître et de rediriger massivement les investissements et leurs financements. Les finances publiques ne suffiront vraisemblablement pas à produire cet effet, et ce d’autant plus que la grande majorité des équipements à remplacer ou à améliorer sont détenus par les ménages et les entreprises. Par conséquent, la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) fait de la mobilisation de financements privés un levier crucial.

Les banques se situent au cœur de cet enjeu, d’abord parce qu’elles sont l’interlocuteur privilégié des ménages et des PME pour le financement de leurs projets, et parce qu’elles recueillent et orientent l’épargne de millions de ménages et d’entreprises au moyen de produits réglementés (comme les Livrets A) ou d’offres commerciales.

Les pratiques actuelles de transparence en matière de climat, qu’elles soient volontaires ou réglementaires, ne s’appliquent qu’en partie aux activités bancaires, et assemblent des informations disparates : bilan carbone des secteurs d’activités financés, exposition aux risques futurs de transition, part des placements dans des actifs verts…

Dans cet article, nous esquissons un bilan de la contribution des banques à l’enjeu crucial de verdissement des investissements nationaux, à partir du Panorama des financements climat d’I4CE. Ce Panorama mesure la contribution des banques [1] au financement des investissements bas carbone, son évolution au cours des huit dernières années, et anticipe les besoins au cours des dix prochaines (voir Encadré).

En 2018, les banques commerciales ont cofinancé le quart des 45 milliards d’euros investis en faveur du climat

S’agissant de la contribution directe des banques au financement des projets de transition énergétique en France, le Panorama recense près de 12 milliards d’euros délivrés sous forme de prêts. L’activité de détail concentre les deux tiers des montants prêtés et concerne les ménages, les PME, les agriculteurs, tandis que les banques de financement et d’investissement traitent des grands projets industriels et de la gestion des titres de dette de l’État et des entreprises. Outre les banques, le financement des investissements repose sur les Pouvoirs Publics, les marchés financiers et les fonds propres des ménages et des entreprises. Environ la moitié des financements climat dépendent d'une décision publique, le reste étant à l'initiative des acteurs privés.

Environ la moitié des cofinancements bancaires, soit 6 milliards d’euros, vont aux ménages acquérant des logements neufs énergétiquement performants ou améliorant la performance énergétique des logements anciens. Dans ce total, l’éco-prêt à taux zéro, distribué par les banques commerciales aux ménages, ne représente que 300 millions d’euros, le reste correspondant à des emprunts immobiliers et des prêts à la consommation. Environ 5 milliards d’euros se répartissent, à parts égales, entre le financement de l’acquisition des véhicules électriques, hybrides ou GNV au moyen de crédit-bail (leasing) et le cofinancement des sociétés de projet engagées dans la production d’électricité renouvelable. Les prêts des banques pour la rénovation des bâtiments tertiaires et les projets d’efficacité énergétique industriels et agricoles représentent moins d’un milliard d’euros.

Cependant, les banques restent impliquées dans les financements fossiles à des niveaux potentiellement bien supérieurs à ceux engagés pour le climat

Le Panorama d’I4CE recense des investissements fossiles à hauteur de 67 milliards d’euros en 2018, principalement dans le secteur des transports, pour l’acquisition de voitures, camionnettes et poids-lourds plus émetteurs que la moyenne visée par la SNBC. Bien que cela ne soit pas mesuré dans l’étude, nous savons que les banques contribuent au financement de ces projets, par l’octroi de crédits aux ménages et aux entreprises, ou par les facilités de paiement qu’elles négocient avec les concessionnaires.

Si le modèle de financement ne change pas, les banques seront amenées à combler l’essentiel des écarts d’investissement

Pour engager le pays sur la trajectoire de la neutralité climat, les investissements annuels dans le bâtiment, les transports et la production d’énergie (cf. encadré) doivent croître de 15 à 18 milliards d’euros d’ici 2023, et doubler d’ici 2028, par rapport à leur niveau actuel.

Pour situer le rôle des banques dans ce programme d’investissements, plusieurs scénarios sont possibles. Nous concevons un scénario où la proportion entre sources et instruments de financement publics et privés reste constante par rapport à leur niveau de 2015 à 2018 (cf. encadré). En effet, si les Pouvoirs Publics annoncent régulièrement des mesures destinées à augmenter l’effet de levier (c’est-à-dire la part des financements privés), nous constatons que celui-ci a peu progressé depuis 2011.

Dans notre scénario, les banques seraient amenées à accroître leur contribution aux investissements climat de l’ordre de 7 à 9 milliards d’euros entre 2019 et 2023, et de 20 à 24 milliards d’euros de 2024 à 2028. Dans cette enveloppe, les financements en faveur de la transition de la banque de détail seraient multipliés par quatre, celle de la banque de financement et d’investissement par trois. En effet, la SNBC fixe les objectifs les plus ambitieux pour les secteurs les plus dépendants des financements bancaires, comme la rénovation des logements, l’acquisition de véhicules bas carbone ou la production d’énergie renouvelable.

Cette croissance des financements bancaires en faveur de la transition énergétique coïnciderait en grande partie avec une diminution des financements fossiles. Dans le secteur des transports, la SNBC table sur une redirection rapide des achats des véhicules thermiques vers les alternatives électriques, hybrides ou GNV (gaz naturel pour véhicules). Dans les bâtiments, les réparations aujourd’hui dispersées céderaient la place à des rénovations concentrées et coordonnées.

Un scénario qui ne se réalise que si les Pouvoirs Publics augmentent leur contribution, et lèvent d’autres freins au développement des projets

Pour qu’un tel scénario se réalise, il faudrait d’abord que les Pouvoirs Publics accroissent leur contribution au financement des projets proportionnellement aux objectifs. En effet, leurs subventions (crédit d’impôt, bonus automobile), leurs prêts aidés (notamment distribués par les banques publiques) et leurs garanties sont cruciales pour le déclenchement de nombreux projets.

Ensuite, d’autres freins sont encore à lever pour sécuriser l’engagement de financements privés. Beaucoup de projets apparaissent comme excessivement risqués, car entrepreneurs et financiers connaissent mal l’historique d’échec ou de succès de certaines innovations, ou sont refroidis par les bulles d’actifs, comme celle du photovoltaïque qui a éclaté en 2011. Pour les ménages et les PME, développer des projets à faibles émissions requiert une expertise et un accompagnement « sur mesure » que peu d’organismes proposent dans des conditions abordables. Les revenus espérés de l’efficacité énergétique restent incertains dans un contexte où les prix des énergies fossiles ou les niveaux des subventions publiques fluctuent rapidement. Enfin, en réponse à ce dernier problème, la tentative d’accroître la composante carbone du prix des énergies s’est heurtée à la faible disponibilité d’alternatives bas carbone.

 

1 Les banques dont il est question opèrent dans des conditions de marché, par opposition aux banques publiques qui œuvrent à partir d’un mandat des gouvernements.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº838
Notes :
1 Les banques dont il est question opèrent dans des conditions de marché, par opposition aux banques publiques qui œuvrent à partir d’un mandat des gouvernements.
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