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Rétrospective 2018

La banque dans un environnement ouvert

Créé le

10.12.2018

-

Mis à jour le

08.04.2019

Open banking, plateformisation, nouveaux business models… Un an après l’entrée en vigueur de la DSP2, où en est le mouvement d’ouverture de la banque ? Alors que l’impératif de transformation digitale se fait de plus en plus pressant dans les groupes bancaires, ils sont tenus d’ouvrir leurs systèmes informatiques et de favoriser la circulation des données. En application de la réglementation européenne, mais aussi parce que de nouveaux entrants bousculent l’environnement.

La seconde directive sur les services de paiement (DSP2) est entrée en vigueur le 13 janvier 2018. Les banques doivent mettre en place des interfaces de programmation applicative (API) permettant à des tiers agréés par une autorité compétente et mandatés par les clients d’avoir accès aux données des comptes de paiement des clients. Alors que certaines les avaient annoncées pour mi 2018, la plupart des banques ne sortiront leur API DSP2 que début 2019. La version 1.4 du standard de STET, qui était un préalable, n’est sortie que fin juillet 2018.

Prochaine échéance : les standards réglementaires techniques (RTS) doivent sortir le 14 septembre 2019 (voir encadré). Les API d’accès au compte et d’initiation de paiement devront alors être validés par l’autorité compétente. Les premiers tests commencent entre les tiers prestataires de service de paiement (TPP) et les banques, qui doivent mettre leur API dans un « bac à sable » pendant trois à six mois pour que les TPP les testent, pendant que l’ACPR mènera de son côté tests et audits.

L’environnement ouvert, c’est aussi celui du paysage concurrentiel dans lequel FinTechs et Gafa s’aventurent peu ou prou sur le terrain des banques, en offrant certains services autrefois seulement proposés par les seules banques (voir rétrospective FinTechs, p. 36).

En Europe, la DSP2 pourrait faciliter l’accès des Gafa aux données des clients bancaires à la source. Cependant, en matière de services financiers, ces Gafa se positionnent pour le moment plutôt sur les paiements, et la réglementation peut faire office de repoussoir. « Avant d’être de nouveaux entrants dans le secteur des services financiers, les Gafa sont d’abord de grands partenaires », estimait Séverin Cabannes, directeur général délégué de Société Générale, dans Revue Banque en juin 2018.

Reste la vaste question de la transformation des modèles. « Au-delà de la réglementation qui va procurer l’ouverture, il y a un intérêt business à jouer la carte de l’open banking qui ne doit pas être saisi que par les TPP mais aussi par les banques et les assurances. La DSP2 est une belle occasion de renouveler leur business model et de multiplier les partenariats, estime Julien Maldonato, associé innovation chez Deloitte. Les acteurs traditionnels devraient investir des grands projets de transformation et de réorganisation, s’ouvrir à de nouveaux partenaires et permettent que leurs clients puissent avoir accès à de nouveaux services. Sinon, les grands acteurs grands acteurs chinois comme Tencent et Alibaba, qui ont une logique d’API et de marketplace et sont en train de se mettre en conformité réglementaire avec RGPD, pourraient se positionner avant tout le monde sur le marché de l’open banking en Europe. »

 

 

Ils ont dit

Au moins trois nouveaux business models possibles

“Cela renvoie à notre vision de l’open banking, à savoir l’opportunité de créer de nouveaux types de business models. Il s’agit d’aller au-delà de notre modèle traditionnel qui consiste à distribuer nos propres produits et services à nos propres clients via nos propres canaux. On distingue trois nouveaux modèles :

« Bank-as-a-service » : la banque met à la disposition d’acteurs tiers des produits et services. L’accès aux comptes par les agrégateurs ou encore Apple Pay en sont des exemples ;

« Bank-as-a-platform » : la banque distribue sur ses propres canaux les offres de partenaires externes. C’est le modèle d’Amazon qui a ouvert son site aux offres d’e-commerçants extérieurs, tout en continuant de distribuer ses propres produits. Pour nous, il peut s’agir de proposer des offres de FinTechs aux clients de la banque, par exemple sur le coaching budgétaire ou le cashback ;

« Marketplace » : la banque propose à de nouveaux acteurs bancaires comme des néobanques par exemple, des produits complémentaires à leur offre propre, souvent limitée à un compte et un moyen de paiement. Ces solutions peuvent être offertes en marque blanche ou non, et inclure le bénéfice de la licence bancaire ou non.“

Philippe Hubert, directeur de la Stratégie du système d’information des réseaux France, Société Générale, Banque & Stratégie n° 370, juin 2018, pp. 5-7.

Une validation des API par l’ACPR

“L’ACPR validera les API de chaque établissement, pas le standard. Il s’agira de regarder comment le standard a été mis en œuvre dans le système d’information de chaque ASPSP et quelle est sa performance. […] Le RTS entrera en vigueur en septembre 2019. Pour qu’une API soit fonctionnelle à cette date et que le teneur de compte n’ait donc pas à développer de solution de secours, il faut qu’auparavant, nous la validions. Le RTS n’a pas donné de délai pour cette validation mais précise que l’EBA doit être consultée. Le process pourrait prendre environ deux mois. Avant cette étape, le marché doit tester l’API pendant six mois dont trois dans des conditions de production. Le rétroplanning plaide pour que les API soient mises à disposition début 2019 et au plus tard en mars 2019.”

Geoffroy Goffinet, adjoint au directeur de la direction des agréments, des autorisations et de la réglementation, ACPR, Banque & Stratégie n° 370, juin 2018, pp. 15-17.

Un risque de désintermédiation ?

“Dans sa forme la plus extrême, pour ces banques, les services financiers deviendraient accessibles via une plate-forme qui regrouperait les principaux comptes du client ; des API standardisées leur permettraient d’acheter des produits et des services bancaires aussi facilement qu’une application à partir d’un app-store. Dans ce cas, les clients pourraient sélectionner les meilleures offres potentiellement offertes par des concurrents sans avoir à quitter leur banque historique.

Cela devrait entraîner une réduction des marges pour les banques souhaitant apparaître en tête des classements. La concurrence devrait être plus forte. Le risque de désintermédiation par des agrégateurs, des spécialistes du courtage ou du crédit ou encore par des sociétés technologiques comme Apple, Google ou Amazon, capables d’offrir des interfaces plus attrayantes et offrant des services multiples, sera lui aussi important.”

Yvon Moysan, Lecturer Digital Marketing, IESEG School of Management, Banque & Stratégie n° 372, septembre 2018, pp. 20-22.

Facebook partenaire plus que concurrent

“Notre pôle accompagne les acteurs financiers français dans leur transformation numérique. Nous les aidons à tirer parti des opportunités que recèlent les réseaux sociaux de l’écosystème Facebook, qui comprend également Messenger, Instagram et Whatsapp. Nous sommes souvent présentés comme un obstacle ou une concurrence future dont il faut se méfier. Pourtant, nous sommes un partenaire utile aux institutions financières pour valoriser leur marque, faire du business et adapter leur relation client aux usages d’aujourd’hui. […]

Notre rôle est d’envoyer un flux de trafic qualifié vers le site – web ou mobile – de l’institution financière, à différentes étapes de ce parcours. Parfois, nous hébergeons des mini-sites dédiés au produit, éducatifs et visuels, qui ont l’avantage d’éviter les éventuels délais de connexion à un site externe. Mais la souscription, elle, se déroule toujours chez l’annonceur.”

Stanislas Chavanat, responsable du pôle Banque, Assurance & FinTech, Facebook France, Revue Banque n° 821, juin 2008, pp. 30-33.

La relation client reste la question clé

“La question est donc bien moins de savoir qui aura la main sur l’ensemble de la chaîne de valeur que d’appréhender comment cette nouvelle technologie pourra réellement profiter aux clients. […] La banque doit accompagner les moments clés de la vie du client. Elle est un maillon de son parcours de consommation. Nous sommes donc convaincus qu’il nous faut donc être liés aux différents acteurs de l’écosystème pour pouvoir intervenir au moment où le client a besoin de nos services. En nous demandant comment enrichir notre proposition de valeur ou comment nous intégrer dans celle d’un tiers, notre prisme reste l’utilité au client.”

Laurent Darmon, directeur général, La Fabrique by CA, directeur des parcours digitaux, Crédit Agricole SA, Banque & Stratégie n° 372, septembre 2018, pp. 20-22.

 

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº827
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