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À politique monétaire non conventionnelle, contrôle juridictionnel « non conventionnel »

Créé le

13.10.2020

C’est peu dire que la validité des programmes d’achats par le système européen de banques centrales et de Banque Centrale Européenne (SEBC ou l’Eurosystème) d’obligations émises par les États membres de la zone euro est, depuis près d’une vingtaine d’années, un sujet controversé entre la Cour de justice de l’UE et le Tribunal constitutionnel fédéral allemand. D’échanges à fleuret moucheté, on est passé à une crise ouverte, avec la retentissante décision du Tribunal du 5 mai 2020 de refuser de se soumettre à un arrêt préjudiciel de la CJUE du 11 décembre 2018, lequel avait admis la légalité d’un programme d’achat de titres souverains relevant d’une politique monétaire non conventionnelle (PSPP). On peut s’en étonner. La CJUE n’est-elle pas seule compétente pour juger de leur validité ? Comment une autre instance juridictionnelle saurait-elle contrôler, contester, ses arrêts ? Égratignant au passage le manque de rigueur juridique et de méthode de la CJUE, le Tribunal constitutionnel va jusqu’à interdire aux organes constitutionnels fédéraux et à la Bundesbank d’appliquer le PSPP en territoire allemand. Au gouvernement et au parlement allemands, il enjoint de prendre des mesures visant à garantir que la BCE évalue « vraiment » la « proportionnalité » des décisions de programme du SEBC, afin de vérifier si leurs effets économiques négatifs ne dépassent par les avantages qu’il offre en matière de politique monétaire. À la Bundesbank, il fait encore injonction de cesser de contribuer au PSPP, sauf à justifier de sa compatibilité avec le droit européen, droit qu’il entend analyser et apprécier au regard des dispositions de la constitution fédérale allemande. Or aucun juge national n’a et ne devrait posséder de tels pouvoirs. La présente étude s’efforce de montrer comment cette situation critique est née et la manière dont elle a été réglée qui, en sauvant le PSPP, laisse néanmoins mal augurer de l’avenir.

 

1. Selon le jugement du Tribunal constitutionnel du 5 mai 2020[1], la décision de l’Union lançant le PSPP (ci-après, « la décision de programme »)[2] et la décision juridictionnelle sur recours préjudiciel concernant le même programme[3] constituent une intrusion dans le domaine de la politique économique réservée aux États membres, sous le fallacieux prétexte de définir et de conduire une politique monétaire dans la zone euro, laquelle relève de la compétence exclusive ...

À retrouver dans la revue
Banque et Droit Nº193
RB