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Rétrospective 2019

Le pari du gouvernement pour relancer le financement des entreprises

Créé le

16.12.2019

Avec la loi PACTE, le gouvernement d’Edouard Philippe a conçu une batterie de mesures destinées à orienter l'épargne des Français vers le financement des entreprises.

Jamais les entreprises françaises n'ont autant emprunté : fin octobre 2019, les crédits mobilisés par les entreprises ont atteint, selon la Banque de France, 1 046,9 milliards d'euros, soit une hausse de 5,8 % sur un an, elle-même précédée d’une augmentation de 6 % entre septembre 2018 et septembre 2019. Si les crédits mobilisés par les grandes entreprises et ETI voient leur croissance ralentir, ce n’est pas le cas des encours des PME. Profitant de taux au plus bas, les entreprises s’emparent de ces financements presque gratuits.

Un endettement au plus haut

« En France, les entrepreneurs préfèrent la dette aux fonds propres, observe Thierry Giami, président-fondateur de NOVE im, société spécialisée dans le financement des actifs, la croissance des entreprises et les infrastructures de marché. Cette préférence fonctionne, car les banques répondent bien. Quand la situation d’une entreprise est convenable et que son projet est crédible, elle trouve du financement par le crédit. Mais je pense que nous arrivons aux limites de cet endettement. »

La part de la dette obligataire arrive loin derrière les crédits bancaires, dans le financement des entreprises de taille intermédiaire, car celles-ci n’avaient pas accès jusqu’à récemment au financement de marché. « Les Français n’apprécient pas la bourse. Ils en ont une expérience contrastée et ce placement ne leur est pas recommandé, rappelle Thierry Giami. Et ces dernières années, le marché financier est assez erratique, ce qui n’est guère encourageant. »

Le non-coté séduit quant à lui des investisseurs en quête de défiscalisation et de rendements élevés, dans des opérations risquées et dopées par la conjoncture. « Les grands investisseurs diversifient leurs placements sur le marché financier privé, de gré à gré, par l’intermédiaire des fonds d’investissement. Les transactions qu’ils recherchent sont surtout les LBO (leveraged buy-out). Les belles plus-values y sont liées à l’abondance de crédits à taux bas, qui valorisent les entreprises. »

Reste à créer la confiance

La loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, entraînera-t-elle le changement de paradigme espéré par le gouvernement ? « Le législateur a fait beaucoup pour inciter les particuliers à financer les entreprises, rappelle Thierry Giami. Le principal levier, à mes yeux, en est l’épargne salariale, qui crée un alignement d’intérêt entre le chef d’entreprise et ses salariés, sur le capital, la performance et l’accès au bénéfice de l’entreprise. » Le nouveau plan épargne retraite et les aménagements des contrats d’assurance vie sont aussi deux mesures fortes faites pour orienter davantage l'épargne de long terme vers le financement des entreprises. « Les incitations fiscales sont toujours bienvenues, commente Thierry Giami. Mais je ne crois pas qu’elles soient suffisantes pour créer la confiance dans le marché financier public et le capital-investissement. Or c’est là le vrai sujet : comment inciter les épargnants à prendre des risques ? La confiance dans les entreprises mérite davantage d’attention. »

G. D.

 

Ils ont dit

Les trois âges de la start-up

À son stade initial, la start-up bénéficie le plus souvent de financements non dilutifs, liés à la nature des choses : le développement est soit inexistant, soit embryonnaire, et ne correspond pas aux stratégies des investisseurs. Les concours prennent alors la forme d’avantages fiscaux, de subventions, de prêts d’honneur, d’avances ou de dons. Ensuite, les besoins de la start-up peuvent être financés de façon participative, par recours à un large public, sous forme de crowdlending ou crowdgiving.
À un stade intermédiaire, les financements peuvent avoir un effet dilutif ou non dilutif : crowdinvesting et love money. À une étape plus avancée, les fondateurs de la start-up devront financer sa croissance en acceptant l’arrivée de tiers au capital (business angels, family office). Si le succès et le marché sont au rendez-vous, la start-up pourra ensuite intéresser les fonds d’amorçage puis les fonds de capital-risque.
Franck Julien, docteur en droit, Executive Director & Senior Legal Counsel, Crédit Agricole CIB, Banque & Droit n° 186, juillet-août 2019, pp. 4-14.

 

Les risques financiers qui pèsent sur une entreprise viticole

Les entreprises viticoles sont soumises aux risques financiers classiques de toutes les entreprises, à commencer par le risque de taux sur les emprunts. Les swaps sont, dans ce domaine, les outils de couverture les plus couramment utilisés, en raison probablement de leur simplicité. Nous avons néanmoins eu recours une fois à un swaption pour sécuriser le montage financier d’une acquisition en cours.

La gestion du cash engendré par les ventes en primeur expose aussi au risque de marché sur les placements. Ce risque évolue en fonction du cycle de trésorerie de l’entreprise et du succès des campagnes primeur. Enfin, suite à la crise bancaire de 2008, nous nous sommes penchés pour la première fois sur le risque de contrepartie… Nous avons, à ce titre, décidé d’élargir notre pool bancaire afin de mieux diversifier nos placements !

Jean-Charles Cazes, dirigeant de Domaines Famille JM. Cazes, Revue Banque n° 829, février 2019, pp. 40-43.

 

L’export, une dépense immatérielle au retour incertain

Le financement de l’export fait partie de ces dépenses immatérielles, souvent significatives, mais avec un retour incertain. Début 2017, Bpifrance s’est vu confié l’activité de gestion des garanties publiques à l'export de Coface, au sein d’une nouvelle filiale, Bpifrance Assurance Export. Parmi ces garanties publiques, il y a l’assurance prospection, notre produit phare en nombre d’interventions. Il s'agit d'un outil extrêmement utile pour une entreprise qui démarre à l’international ou sur de nouveaux marchés car il permet de répondre aux besoins de la prospection : nuits d’hôtel, voyage, ou édition d’un catalogue, par exemple. Depuis 2018, Bpifrance propose de préfinancer ces dépenses à 65 %, avance ces sommes, et le remboursement s’effectue pour 70 % en cas de succès. Si le chiffre d’affaires n’est pas suffisant à la suite de la campagne de prospection, l’entreprise n’est pas contrainte de rembourser. En 2018, nous avons versé environ 1 300 assurances prospection aux entreprises, dont plus de la moitié à des TPE. Il faut qu’elles aient leur chance à l’étranger comme les autres.

Anne Guérin, directrice exécutive en charge du Financement chez Bpifrance, Revue Banque n° 834, juillet-août 2019, pp. 29-31.

 

Savoir négocier avec sa banque

Bien souvent, les banques demandent un business plan validé par un expert-comptable, mais le porteur de projet doit être capable de défendre lui-même ses chiffres. Il doit à la fois partager son enthousiasme pour le projet, et montrer la prudence et le recul dont il peut faire preuve : c’est ainsi qu’il va s’attirer la confiance de la banque. Il lui faut montrer qu’il a compris que la vie de l’entreprise n’est pas toujours simple, qu’un prévisionnel est établi sur des hypothèses qui ne se réaliseront pas toujours, et qu’il a un regard critique sur son propre projet. Des formations en gestion, dispensées par les chambres des métiers et de commerce sont d’ailleurs parfois exigées par les banques, pour les artisans.

Aujourd’hui, les négociations se jouent moins sur les taux d’emprunts, extrêmement bas, que sur les frais de fonctionnement et les garanties demandées. Nous conseillons à nos clients d’éviter d’avoir à donner trop de garanties, disproportionnées par rapport à l’engagement. Mieux vaut arriver avec un apport. Si le créateur d’entreprise lui-même n’y croit pas, comment demander à des organismes de financer son projet à 100 % ?
Fabrice Barrier, expert-comptable associé et commissaire aux comptes chez Baker Tilly Strego, Revue Banque n° 834, juillet-août 2019, pp. 27-28.

 

 

 

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº839
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