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Le long chemin de l’Union bancaire

Créé le

14.12.2012

-

Mis à jour le

21.12.2012

Rétrospective 2012 > Sommaire

 

La crise à laquelle la zone euro doit faire face depuis 2 ans prouve la fragilité d’une Union monétaire qui ne s’appuie ni sur un budget commun, ni sur un système bancaire unifié. Le chemin vers l’Union budgétaire promet d’être encore très long, tant le sujet est sensible. En revanche, le chantier d’une Union bancaire a bénéficié d’un coup d’accélérateur en juin 2012, dans le cadre des discussions sur le sauvetage des banques espagnoles. Les chefs d’Etat et de gouvernement se sont ainsi mis d’accord pour que le Mécanisme européen de stabilité (MES) puisse recapitaliser des banques en direct, sans transiter par le budget des États membres, à condition que la zone euro se dote d’un cadre commun pour ses banques. Le premier pilier de cette Union bancaire est la mise en place d’un mécanisme de supervision unique (MSU) pour les banques des 17 pays de la zone euro et des autres États de l’Union européenne qui en feraient la demande. En septembre, la Commission européenne a rendu sa copie, proposant d’instituer la BCE comme superviseur unique, l’ EBA [1] restant l’entité en charge de l’élaboration des règles pour l’ensemble des 27 États membres.

Si le projet semble simple sur le papier, il n’en est rien dans les faits : les débats au sein du Conseil sont extrêmement symptomatiques des divergences qui règnent entre les Etats membres. Le Royaume-Uni, qui souhaite rester à l’écart du MSU, défend bec et ongles son pouvoir de négociation au sein de l’EBA, de peur de se voir imposer des réglementations défavorables à la City. L’Allemagne, prompte à réclamer une meilleure supervision des banques des pays périphériques, refuse quant à elle de placer ses centaines de petites caisses d’épargne sous la loupe de la BCE, redoutant de leur voir appliquer un traitement trop lourd par rapport à leur taille et aux risques qu’elles portent. La Commission, la BCE et des États comme la France ou l’Italie soulignent au contraire que les défaillances peuvent toucher n’importe quelle institution bancaire, quelle que soit sa taille, comme l’a montré la crise. Mi-décembre, les ministres des Finances sont parvenus à un accord à l’arraché dont l’ambiguïté permet à tous les camps de se réjouir : seules les banques dont les actifs dépassent 30 milliards d’euros ou qui représentent plus de 20 % du PIB de leur pays d’origine seront sous la coupe directe de la BCE. Ce qui représenterait environ 150 banques selon une première estimation. Sur les autres, la BCE peut théoriquement prendre la main à tout moment. Quant aux Britanniques, ils obtiennent que, pour qu’une décision soit prise à l’EBA, une majorité de pays extérieurs à la zone euro doit y être favorable.

Le dossier de l’Union bancaire est d’autant plus complexe que le MSU n’est que l’un des trois piliers sur lesquels reposera demain l’Union bancaire : il est indissociable d’un cadre unique pour les résolutions de crise bancaire et d’un système de garantie des dépôts intégré. Les deux projets législatifs sont sur la table, mais sont soumis à l’adoption du MSU, personne ne voulant mutualiser ses moyens financiers, via les fonds de résolution ou de garantie des dépôts, sans contrepartie en matière de police bancaire.

 

Ils l’ont dit…

Des compétences très élargies pour la BCE

« La BCE serait “seule compétente” pour exercer à des fins de surveillance prudentielle, dans le respect des dispositions applicables du droit de l’Union, un certain nombre de missions à l’égard des établissements de crédit établis dans les États participant au MSU [Mécanisme de surveillance unique] :

  • agréer les établissements de crédit ;
  • évaluer les acquisitions et les cessions de participations dans ces établissements ;
  • veiller au respect des actes de ​l’Union imposant aux établissements de crédit des exigences prudentielles ​en matière de fonds propres, de grands risques, de liquidité, de levier,·ainsi que d’information prudentielle et d’informations à destination du public sur ces sujets ;
  • fixer des exigences​ prudentielles plus élevées et appliquer des mesures supplémentaires aux établissements de crédit dans les cas spécifiquement prévus par le·​droit de l’Union ;
  • imposer aux établissements de·crédit de détenir des coussins de fonds propres en plus des exigences de fonds propres posées par le droit de l’Union, fixer les taux de coussin contracyclique et adopter toute autre mesure visant à lutter contre les risques systémiques ou macroprudentiels dans les cas spécifiquement prévus par le​ droit de l’Union ;
  • mener des tests de résistance​ prudentiels sur les établissements de crédit ;
  • assurer la surveillance sur base consolidée des sociétés mères des établissements de crédit établies dans l’un des États membres participant au mécanisme de surveillance·unique, et participer à la surveillance sur base consolidée, notamment au ​sein des collèges d’autorités de surveillance, des sociétés mères établies dans un État qui ne participe pas au mécanisme unique de surveillance ;
  • ou encore coordonner et exprimer la position commune des représentants des autorités compétentes ​des États participants lorsqu’ils siègent au sein du conseil des autorités de surveillance et du Conseil d’administration de l’Autorité bancaire européenne, pour les questions relevant des missions de la BCE en matière de surveillance prudentielle. »
Jean-Philippe Kovar, professeur, Université Paris VIII, et directeur, ENA, et Jérôme Lasserre Capdeville, maître de conférences, Université de Strasbourg, Revue Banque n° 752, octobre 2012, pp. 50-53.

 

Résolution et supervision : les deux bras de l’Union bancaire

« La Commission a dû jouer ce rôle [d’autorité de résolution des crises bancaires], dans la mesure où la réponse immédiate à une situation de crise sans précédent a été le soutien aux banques par des aides d'État octroyées par chacun des États membres concernés et dont l'impact sur la concurrence aurait pu être dévastateur. […]

Toutefois, il y a évidemment plus d'avantages à une situation dans laquelle le montant général des aides d'État serait considérablement réduit, à la fois pour la santé financière de nos États et pour limiter l'aléa moral et les risques de distorsions de concurrence. De ce point de vue, la politique de contrôle des aides d'État, malgré le rôle essentiel qu'elle a joué durant cette crise, n'est qu'une réponse partielle à des problèmes plus généraux qui exigent d'autres réponses complémentaires.

La consultation publique que nous venons de lancer sur les conclusions du groupe animé par Erkki Liikanen aura à cet égard une grande importance. C'est aussi dans cette optique qu'ont été développées les propositions de la Commission sur la résolution des crises bancaires et, plus largement, sur l'Union bancaire. L'idée est bien d'aboutir à un système plus intégré, on ne peut donc y voir un recul ! Nous avançons pas à pas vers cette Union bancaire, le plus urgent étant la mise en place d'une supervision unique dans la zone euro. »

Joaquín Almunia, vice-président, Commission européenne, Revue Banque n° 753, novembre 2012, pp. 24-26.

 

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1 European Banking Authority.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº755
Notes :
1 European Banking Authority.