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Emprunts « toxiques » des collectivités locales : dialogue de sourds entre élus et banques

Créé le

28.06.2011

-

Mis à jour le

01.07.2011

Tandis que les élus tentent de trouver des relais législatifs dans la querelle qui les oppose aux banques, celles-ci font le dos rond, confiantes dans la qualité des dossiers de prêts signés avec les collectivités.

Le 8 juin dernier, le conflit qui oppose élus de collectivités locales aux banques françaises a connu une nouvelle escalade. « Acteurs publics contre les emprunts toxiques », un groupement d’élus en colère, érigé en association au mois de mars 2011, emmené par Claude Bartolone, député et président du conseil général de Seine Saint-Denis, a milité pour que soit constituée une commission parlementaire, destinée à enquêter sur l'origine des dérives des finances locales liées à la souscription d'emprunts dits « toxiques ». Depuis le 8 juin, c’est chose faite. L’Assemblée nationale a voté, à la demande du PS, la création d'une commission d'enquête sur les emprunts toxiques contractés par des collectivités locales. Selon Claude Bartolone, qui la préside, trois axes d’études seront privilégiés : « étudier de près le rôle des banques qui ont proposé ces produits aux collectivités et la nature même des produits financiers vendus », « comprendre pourquoi l’État […] n’a manifestement pas joué le rôle de conseil et d’alerte qu’il conserve », et enfin, « étudier la possibilité de mettre en place une structure de sortie des contrats souscrits pour les collectivités et administrations publiques exposées, en isolant leurs actifs financiers et leurs dettes » (encadré).

Des contentieux qui traînent en longueur

En effet, depuis fin 2009 et le volant d’initiatives gouvernementales (circulaire, charte de bonne conduite, désignation d’un médiateur des collectivités locales en la personne d’Éric Gissler), la résolution des conflits patine.

Maurice Vincent, maire de Saint-Etienne et membre fondateur de cette association d’élus, considère que « les actions gouvernementales mises en œuvre à partir de la fin 2009 sont un succès ». Cependant, le bât blesse dès lors que l’on cherche à solder les dérives du passé. Sur ce point, « l’action du médiateur a montré ses limites. M. Gissler devait permettre de trouver des compromis mais n’a eu que des succès modestes, sur des emprunts peu risqués et dont la valeur de marché ne s’était pas trop dégradée. » Sur les produits les plus « toxiques », aucun accord n’a pu être trouvé, les banques comme les collectivités refusant de perdre de l’argent.

Des jugements rares, défavorables aux collectivités

Les élus sont furieux, les banques considèrent n’avoir pas manqué à leur obligation de conseil. Face aux menaces de poursuites – pour certaines suivies d'effets – celles-ci restent sereines. Un des banquiers visé par des procédures considère que ses chances de se retrouver condamné sont quasi-nulles.

Il est vrai que si des jugements défavorables aux banques, ailleurs en Europe, ont pu faire espérer aux élus un revirement dans les décisions de justice, jusqu’à présent les décisions de justice françaises n’ont pas donné lieu à la moindre condamnation.

Les conseillers en finances locales montrés du doigt

Ce même banquier rappelle que les contestations sont le fait d’un groupe d’élus extrêmement restreint – toujours le même. De même, revenant sur le devoir de conseil des banques, il explique que « 90 % des collectivités locales sont épaulées par des conseillers en finances locales. » Or, cette profession n’étant pas réglementée, la qualité des conseils prodigués peut être très variable, ajoute-t-il. « Il n’est pas exclu que dans le cadre de certaines procédures, leur responsabilité civile ne soit engagée. »

RB