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Rétrospective

Financement des PME : transformer l’épargne en investissement

Créé le

14.12.2017

-

Mis à jour le

22.12.2017

Dix ans après la crise, le crédit aux entreprises se porte bien en France, et les banques se plaisent à répéter qu’elles affichent les meilleures performances de la zone euro. La médiation du crédit mise en place en 2008 connaît une baisse significative des saisines mais le médiateur, Fabrice Pesin, n’est pas désœuvré pour autant. Également président de l’Observatoire du financement des entreprises, il a publié en octobre un rapport sur les nouveaux défis de la transformation numérique qui conclut que si les PME françaises sont en retard en la matière, elles vont très probablement accélérer leur transformation digitale. Les besoins en financement de l’immatériel vont alors changer d’échelle et il faudra que les acteurs financiers soient prêts.

Par ailleurs, en 2017, dans un environnement qui a bien changé depuis l’avant crise, les Pouvoirs Publics se sont à nouveau adressés aux banques au sujet du crédit aux entreprises… pour leur demander de réfléchir à la manière d'orienter l'épargne vers le financement des PME. Le 23 octobre, un Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) a été lancé par Bercy avec six thématiques, parmi lesquelles le financement et la numérisation et l’innovation. Une première phase de consultation s’est terminée le 10 décembre, en mode co-construction entre des parlementaires et des chefs d'entreprise. Une consultation publique en ligne doit être lancée le 15 janvier 2018, précédant la rédaction en février d’un plan d’action et d’un projet de loi qui doit être discuté au printemps.

Les banques ont rendez-vous le 22 janvier 2018 à l’Assemblée nationale avec les députés de La République en marche (LREM), au premier rang desquels Amélie de Montchalin, députée de l’Essonne et membre de la Commission des finances. Banques, assurances, conseillers et gestionnaires de patrimoine sont invités à venir à faire des propositions pour réorienter une partie de l’épargne des Français vers le financement des PME, en fonds propres notamment. Les mesures attendues doivent accompagner la réforme fiscale prévue par la loi de finances 2018 [1] : la suppression de l’ISF sur les valeurs mobilières et le prélèvement forfaitaire unique à 30 %.

Le 20 décembre, la Fédération bancaire française a rendues publiques ses 17 propositions dans le cadre du Pacte. Le lendemain, celles qui sont issues des travaux conduits par les parlementaires et les chefs d'entreprises ont été présentés à Bercy.

Achevé de rédiger le 21 décembre 2017.

 

Ils ont dit

Le crédit aux PME se porte bien

« C’est seulement à partir de 2015 que l’on a vu une croissance des productions de crédit, avec l’amélioration du contexte macroéconomique et des conditions de liquidité sur le marché. […]

Nous entendons souvent dire que la réglementation s’est durcie et demande plus de fonds propres, et qu’il y a un impact sur le financement. Certains financements de grands corporates sont probablement contraints par la réglementation et se placent désormais davantage dans une logique « originate to distribute ». Mais il y a beaucoup moins d’impact sur le financement des TPE et PME. Le poids des investisseurs institutionnels sur ce segment est très faible, voire inexistant, et le crédit aux TPE et PME est encore essentiellement bancaire et fonctionne très bien. »

Christophe Descos, directeur du marché des entreprises et des institutionnels, Banques Populaires, Revue Banque n° 809, juin 2017, p. 27.

 

La relation banque-TPE reste un sujet

« Il faudrait que les banques prennent un peu plus de risques “contrôlés”. Cela est envisageable si elles améliorent le contact régulier avec l’entreprise, la connaissance des projets PME, leur rythme, et valorisent le métier de conseiller de clientèle. Aujourd’hui, il a hélas encore une certaine distance liée au fait que les chargés de clientèle n’ont pas le temps de répondre au besoin d’accompagnement des entreprises. Le pro – TPE, artisan ou commerçant – doit pouvoir avoir une vraie confiance dans son banquier. Il ne faut plus que l’entreprise considère le banquier comme un censeur, auquel on ne va pas dire toute la vérité, mais comme celui qui peut accompagner lors de choix complexes. Bpifrance propose de l’accompagnement, mais plutôt pour les belles PME. Et c’est une réussite. Les réseaux bancaires peuvent le faire d’une autre manière. »

Bernard Cohen-Hadad, président de la commission financement des entreprises de la CPME, Revue Banque n° 809, juin 2017, pp. 29-30.

 

Les ETI diversifient leurs financements

« Jusqu’à la crise, les ETI se reposaient essentiellement sur du financement bancaire. Comme je l’ai déjà évoqué, notre acquisition de 2008 a été financée uniquement par un pool bancaire de 16 banques, incluant des établissements européens, mais aussi américains ou asiatiques. Avec la crise, ce pool bancaire a diminué de moitié quand nous avons refinancé nos premières lignes de crédit. […]

Parallèlement, nous avons commencé à diversifier activement nos sources de financement, en commençant dès 2012 par la mise en place d’un programme de billets de trésorerie ; avec la crise, ceux-ci sont devenus compétitifs par rapport à nos lignes de crédit et les banques nous poussaient à émettre ces instruments désintermédiés, plutôt que tirer sur les lignes de crédit. Puis fin 2012, simultanément à d’autres entreprises dans le secteur des biens de consommation, nous nous sommes lancés dans l’émission d’EuroPP et enfin, en 2013, sur les Schuldschein, car le marché allemand a montré sa profondeur pour les émetteurs non allemands et sur des devises non-euro. Nous sommes ainsi passés d’un financement totalement bancaire à un financement post-crise beaucoup plus diversifié, où notre pool bancaire est principalement constitué de lignes de crédit non tirées. Toutefois, depuis que la BCE s’est lancée dans un programme de QE agressif, nous retrouvons les banques prêteuses. »

Benoît Rousseau, directeur de la trésorerie et des financements, fromageries Bel, Revue Banque n° 811, septembre 2017, pp. 48-49.

 

Des besoins à venir pour financer l’immatériel

« Il y a un vrai sujet de financement de l’immatériel et c’est l’enjeu de ces prochaines années. La transition numérique peut remettre en cause complètement le business model d’une PME. Tout le monde va devoir s’adapter, l’entreprise, mais aussi les banques. L’un des objectifs de notre rapport est de sensibiliser toutes les parties aux défis communs. Il va y avoir une forte accélération de ce type de dépenses, qui devient un vrai enjeu de financement des PME. […] Aujourd’hui, il n’y a pas beaucoup de tensions, car ce type de dépenses est souvent autofinancé par les entreprises. Les PME les mieux capitalisées réussissent à obtenir des prêts bancaires. Les banques classiques qui financent l’immatériel s’appuient aussi sur les garanties de Bpifrance, qui propose également un prêt sans garantie pour les PME et TPE. Mais le bilan de Bpifrance n’est pas extensible à l’infini, or il va y avoir des besoins très importants. »

Fabrice Pesin, médiateur du crédit, président de l’Observatoire du financement des entreprises, Revue Banque n° 809, juin 2017, p. 23.

 

Crédit.fr défie les banques sur la rapidité

« Nous avons lancé Credit.fr pour plusieurs raisons. Les TPE et PME ont globalement accès au crédit bancaire, il ne s’agit donc en rien de pallier un manquement de la part des banques. Mais le chemin est long et fastidieux pour obtenir un crédit bancaire : il faut se rendre en agence, rencontrer un conseiller… Aujourd’hui, avec le Big Data, les outils d’aide à la décision et les algorithmes, nous pouvons révolutionner l’expérience des TPE et PME, leur donner une réponse très rapide à une demande de crédit. Et, enfin, depuis la crise financière, les particuliers ne veulent plus de produits compliqués, ils ont envie de donner plus de sens à leur épargne, et cherchent de nouvelles rentabilités.

En mars 2015, nous avons lancé Credit.fr avec l’idée que la différenciation se ferait sur la capacité à sélectionner les bons dossiers. […] Et nous faisons en sorte d’avoir des bons algorithmes de scoring, les bons outils d’aide à la décision, et une équipe d’analystes financiers expérimentés. »

Thomas de Bourayne, président, credit.fr, Revue Banque n° 809, juin 2017, pp. 34-35.

 

1 Voir, dans ce même numéro, «Épargne et placements, vers une nouvelle époque ?», par Alain Tourdjman (BPCE), p. 74.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº815
Notes :
1 Voir, dans ce même numéro, «Épargne et placements, vers une nouvelle époque ?», par Alain Tourdjman (BPCE), p. 74.
RB