En Afrique subsaharienne, selon la Banque Mondiale, deux adultes sur trois n’ont pas de compte bancaire ; ils étaient quatre sur cinq en 2011. Cette évolution positive à l’échelle du continent est en particulier due au développement des services financiers sur mobile. Et en la matière, le cas kényan est scruté depuis près de dix ans. C’est en effet dans ce pays d’Afrique de l’Est qu’est née la mobile money, un porte-monnaie électronique permettant de transférer de l’argent à partir d’un simple téléphone via SMS. Cette innovation, baptisée M-Pesa et conçue au départ comme un projet de responsabilité sociale, a été portée par l’opérateur téléphonique local Safaricom. Il en tire aujourd’hui 23 % de ses revenus.
Grâce à M-Pesa, près de 17 millions de Kényans envoient de l’argent à leur famille en temps réel, retirent du cash chez l’épicier du village, paient leurs factures, achètent du crédit téléphonique… Une centaine de milliers d’agents assurent la convertibilité de cette monnaie électronique en pièces et billets. C’est l’équivalent de 38 % du PIB qui a transité ces 12 derniers mois par le système. Depuis trois ans, M-Pesa a étendu sa gamme de services : paiement en magasin (Lipa na M-Pesa), dépôt sur un compte épargne rémunéré, mais aussi microcrédit à la consommation octroyé en temps réel sur la base de l’analyse d’une grande masse d’informations (M-Shwari). « L’idée est de combiner des données d’ordre bancaire avec nos informations relatives à la téléphonie pour affiner l’évaluation de la capacité d’emprunt », explique Paul Kavavu, en charge des activités émergentes
Contestation
De moyen de paiement, M-Pesa est donc devenu un outil d’inclusion financière à part entière. Selon une étude soutenue par la banque centrale kényane, 71,4 % de la population utilise aujourd’hui les services financiers sur mobile, contre 38,4 % qui ont recours aux
Du côté des banques aussi, on s’active ; dans un premier temps, en cherchant à nouer des partenariats avec l’opérateur téléphonique. C’est ce qu’a tenté de faire dès 2010 Equity Bank, l’un des principaux établissements kényans, à travers la création du premier compte bancaire sur mobile directement relié à M-Pesa : M-Kesho. Mais le projet a fait long feu : « les partenaires n’étaient pas d’accord sur le rôle de chacun, notamment en matière d’ouverture de compte. Dès qu’un partenariat s’attaque de manière trop frontale à son activité, Safaricom devient très sensible », explique un observateur du marché, citant l’échec de partenariats avec plusieurs FinTech kényanes comme Kopo Kopo (pour le paiement en magasin) ou BitPesa (pour les transferts à l’international en bitcoin).
Après l’échec M-Kesho, Safaricom a changé son fusil d’épaule : il s’est allié à une banque de taille beaucoup plus modeste qu’Equity Bank, Commercial Bank of Africa (CBA), pour créer le compte bancaire M-Shwari. Il a séduit près de 4 millions de clients en trois ans. Face à cette incursion de Safaricom sur le marché de la clientèle peu ou pas bancarisée, Equity Bank a répliqué… en obtenant une licence d’opérateur téléphonique. L’opérateur virtuel Equitel a commencé son activité en juillet 2015 et propose une carte SIM permettant d’appeler, d’envoyer des SMS, de disposer d’un compte de mobile money et d’accéder à toute une palette de services bancaires, y compris le crédit. La banque-opérateur a réussi en quelques mois à grappiller une part de marché de 3,7 % en termes d’abonnés, contre 64,7 % pour l’acteur