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Rétrospective 2013

L'union bancaire avance au rythme allemand

Créé le

17.12.2013

-

Mis à jour le

04.12.2014

L'année 2013 s'est achevée sur un round de négociations acharné visant à poursuivre la construction de l'Union bancaire. Il s'agissait de tenter le maximum pour faire avancer le pilier Résolution du projet avant la fin de l'année. Ne pas conclure d'accord avant cette échéance était perçu comme un grand saut dans l'inconnu, du fait des élections européennes de 2014. Les négociateurs ont donc multiplié les rencontres pour que les chefs d'Etat n'aient plus qu'à signer lors du Conseil des 19 et 20 décembre (postérieur à la rédaction de cet article). Mais le compromis s'est avéré très difficile à trouver. La position de l'Allemagne a été cruciale ; or ce pays freine les avancées vers le fédéralisme. Ainsi, il a longtemps refusé de laisser la Commission tenir le rôle d'autorité de résolution, préférant que les États conservent le pouvoir de décider en dernier ressort de la nécessité de démanteler ou de restructurer une banque. Et puis, coup de théâtre, Wolfgang Schäuble annonce mi-décembre dans la presse allemande qu'il est disposé à revoir sa position. Mais en réalité, ce qu'il cherche à imposer pendant les négociations, c'est une Commission fantoche, chambre d'enregistrement de décisions prise par les États dans le cadre d'un Conseil de résolution.

Autre exemple : le fonds de résolution, alimenté par les banques et censé constituer un outil commun dans lequel les sommes sont mutualisées, doit selon la vision allemande être dans un premier temps divisé en compartiments nationaux. Selon cette logique, ce n'est que très progressivement que ces sommes seraient mutualisées.

Quant au fonds de garantie des dépôts, il peine à voir le jour, là aussi du fait des positions allemandes. De façon générale, l'Allemagne contrarie l'ambition initiale de l'Union bancaire : aller vers plus de fédéralisme pour couper le lien entre les banques et les États. Selon Philippe Gudin, économiste chez Barclays, « l'Allemagne estime que, dans un premier temps, chaque pays doit assumer les erreurs qu'il a commises par le passé ; puis, après la mise en place de la Supervision unique, progressivement, à mesure que l'intégration entrera dans les faits, les principes de solidarité et de mutualisation pourront s'appliquer ».

Une autre motivation, moins noble, incite l'Allemagne à ralentir la mise en place de l'Union bancaire, comme l'explique  Philippe Gudin : « Parmi ses petites banques, plusieurs n'étant pas viables, l'Allemagne préfère que l'Union bancaire ne concerne pas la totalité des établissements européens mais seulement les plus importants. » L'Union bancaire sera-t-elle taillée sur mesure pour l'Allemagne ?

 

Ils ont dit

La supervision unique va offrir aux banques françaises une égalité des conditions de concurrence

« Les banques françaises, qui sont solides et ont traversé la crise dans des conditions raisonnablement favorables, ont à plusieurs reprises souffert de la défiance vis-à-vis de la zone euro. Ce fut le cas au 2e semestre 2011 avec l'épisode de tension sur leur refinancement. Avec le mécanisme européen de supervision, elles vont gagner en sécurité, notamment vis-à-vis de leurs partenaires non européens.

Elles bénéficieront aussi d'une égalité des conditions de la concurrence. L'ACP a toujours privilégié la rigueur dans son approche de la supervision, parfois au détriment de l'égalité des conditions de la concurrence. Les banques françaises l'ont accepté avec beaucoup de maturité, mais elles nous demandaient de convaincre les États voisins de se rapprocher de nous. »

Danielle Nouy, secrétaire générale de l'ACP (Autorité de contrôle prudentiel), Revue Banque n° 757, février 2013, p. 24.

 

L'articulation entre l'Union bancaire et les pays n'y adhérant pas peut induire des difficultés

« Le fait que ce soit la BCE, organe de politique monétaire de la zone euro, qui prenne en charge la supervision des banques de cette même zone euro n'affaiblit pas en soi l'Union bancaire ; c'est l'articulation des rapports entre cet ensemble et les pays n'y adhérant pas qui est potentiellement vectrice de problèmes. Le rôle de l'EBA sera alors de veiller à un fonctionnement harmonisé. Ses statuts ne la chargent pas seulement de l'unification de la réglementation : ils couvrent également les méthodes de supervision. La création de ce mécanisme aux mains de la BCE rend encore plus essentiel le rôle d'harmonisation de la supervision dévolu à l'EBA. Elle aura besoin de davantage de ressources pour cela. La BCE parlera au nom de plus de 17 pays et il sera nécessaire de disposer d'un lieu où réconcilier sa méthode et celle des autorités extérieures à l'Union bancaire, tout en s'assurant que son poids dans le processus de décision ne lui confère pas une forme de veto permanent ».

Jacques de Larosière, président d'Eurofi (ancien gouverneur de la banque de France et ancien directeur du FMI), Revue Banque n° 757, février 2013, p. 22.

 

Préalable à la supervision unique, le Comprehensive assessment devrait réduire ses ambitions

Sur l'Asset Quality Review, qui concernera en principe 50 % des actifs pondérés des risques (Risk Weighted Assets, RWA) de chaque banque : « Étant donné le délai imparti, il est impossible d'examiner de façon sérieuse et crédible 50 % des RWA ; aussi, nous tentons de convaincre la BCE de réduire ses ambitions. »

Sur le nombre d'établissements examinés : « En France, si la présence des 5 principaux établissements sur la liste de la BCE se justifie au regard de leur taille, celle des 8 autres est moins évidente. »

Frédéric Visnovsky, secrétaire général adjoint de l'ACPR, Revue Banque n° 766, décembre 2013.

 

Le pilier Résolution de l'Union bancaire montre des signes de fragilité

« Il est certes prévu qu'actionnaires et créanciers contribuent au sauvetage d'une banque selon un montant minimum de 8 % de son passif, mais ce seuil est aussi celui qui ouvre la possibilité, pour l'État concerné, d'exonérer différentes catégories de créanciers de participer au renflouement. Ce minimum pourrait donc de facto devenir un maximum […]. En outre, l'inscription dans les règles de la mobilisation des créanciers en cas de bail-in peut avoir deux effets pervers : un effet procyclique – anticipant leurs pertes, les créanciers pourraient surréagir à la moindre rumeur de fragilité bancaire – et une accélération de la divergence entre pays de la zone euro – un investisseur ne jugerait plus la rentabilité d'une banque pour elle-même, mais en fonction de la solidité des finances publiques de son pays. Ces risques ne doivent certes pas constituer un alibi pour dédouaner les créanciers de leurs responsabilités, mais ont-ils été pesés ? »

Gaël Giraud, directeur de recherche au CNRS, membre du Centre d'économie de la Sorbonne, Membre du Conseil scientifique du Labex-Réfi, Revue Banque n° 765, novembre 2013.

 

L'assouplissement des règles de bail-in est à confirmer

« Selon l'accord du 27 juin trouvé au sein du Conseil, les États membres pourraient décider d'exclure du bail-in certaines dettes, comme les dépôts non garantis, dans certaines circonstances, par exemple, s'il existe un risque de contagion, telle qu'une fuite des dépôts (bank run), de nature à gravement affecter le fonctionnement des marchés financiers et perturber l'économie d'un État membre ou de l'Union européenne ; des dettes obligataires senior pourraient également être concernées par cette exclusion. Le Parlement pourrait remettre en cause l'assouplissement apporté par le tandem franco-anglais qui laisse une marge de manœuvre importante aux États. »

Frédérick Lacroix, avocat chez Clifford Chance, Revue Banque n° 763, septembre 2013.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº767