Apprécier les risques que présentent les titres émis par les différentes banques européennes implique de connaître une multitude de structures bancaires. Une telle diversité des modèles bancaires n’existe pas aux États-Unis où les banques offrent une meilleure lisibilité.
Qui finance les banques européennes ?
Les banques recourent à de nombreux instruments de financement aux profils de risque variés et elles visent différentes cibles en termes d’investisseurs potentiels. Outre les actions ordinaires, elles émettent des titres de capital et obligations de différents niveaux de subordination, à différentes maturités, dans différentes devises… Les bases d’investisseurs diffèrent pour chacune de ces catégories de marché et, évidemment, aussi en fonction de la banque elle-même, de sa taille, de son profil de risque, de son origine géographique, etc. Mais dans l’ensemble, le financement des banques est très largement, en dehors des dépôts, apporté par des investisseurs professionnels qui, le cas échéant, sont eux-mêmes intermédiaires pour des particuliers ; c’est donc un circuit de financement d’une très grande complexité, adapté naturellement aux dynamiques changeantes de l’offre et de la demande sur ces différents segments de marché, et sur lequel les statistiques disponibles dans l’espace public ne permettent pas toujours d’avoir une vision complète de qui finance quoi.
Certains investisseurs institutionnels regrettent que les différents niveaux de subordination de la dette bancaire soient si complexes !
C’est aux professionnels d’être professionnels ! Du point de vue de la pratique financière, un investisseur doit comprendre ses risques. S’il ne comprend pas les risques d’un produit, il ne devrait pas investir dessus. La réglementation, elle aussi, pose des limites à certains investisseurs institutionnels comme les assureurs. Mais l’existence d’une multiplicité d’instruments de financements et de catégories de marché est justifiée, compte tenu de la complexité des métiers bancaires et des risques, auxquels s’ajuste la réglementation.
Existe-t-il un biais géographique ? Les banques françaises sont-elles surtout financées par des investisseurs français ?
Il existe un biais domestique. Mais la question est plutôt celle de son ampleur, et de savoir si le biais domestique représente un risque ou, au contraire, un facteur de stabilisation. Là encore, les statistiques peuvent être trompeuses. L’identification des bénéficiaires finaux est généralement d’une grande complexité.
Le financement des banques européennes diffère-t-il de celui des banques américaines ?
Les différences sont multiples.
Ce paysage hétéroclite est-il gênant à l’heure de l’Union bancaire ?
La diversité des modèles bancaires est reconnue par la BCE comme une réalité en Europe et la banque centrale ne semble pas considérer qu’elle pose un problème de principe.
En revanche, la BCE s’inquiète de l’avenir de certaines banques de taille moyenne. Les investisseurs ont-ils raison de guetter des fusions transfrontalières entre banques européennes ?
Il existe peu de banques de taille moyenne en France, mais elles sont nombreuses à l’échelle européenne et, comme le souligne régulièrement Danièle Nouy [3], beaucoup n’ont vraisemblablement pas d’avenir.
Voir fusionner ces banques avec d’autres établissements à l’occasion d’opérations transfrontalières constituerait le scénario idéal. C’est par exemple ce qui s’est passé lors du rachat de BPI au Portugal par l’espagnole CaixaBank. Mais ce n’est pas toujours aussi simple. Par exemple, il y a eu ces dernières années un certain nombre de rachats de banques (en partie ou en totalité) par des fonds de private equity (par exemple, BAWAG en Autriche, NKBM en Slovénie, ou Hellenic Bank à Chypre), qui eux-mêmes vendront probablement, d’ici quelques années, à d’autres banques. Mais c’est un processus en plusieurs étapes, qui prend du temps.
Il ne faut donc pas s’attendre à une vague imminente de fusions transfrontalières ?
Certes, le marché bancaire est trop encombré et les fusions transfrontalières sont souhaitables du point de vue de la stabilité d’ensemble de la zone euro. Mais ce n’est ni à la BCE ni aux analystes de décider quelles sont, parmi les banques européennes trop nombreuses, celles qui n’ont pas d’avenir et doivent être rachetées par d’autres. Il doit bien sûr s’agir d’un processus de marché, dans lequel les actionnaires prennent les décisions en dernier ressort. Donc il y aura probablement des acquisitions transfrontalières, mais il est impossible à ce stade de prédire lesquelles et à quel rythme.
La BCE souhaite clairement une structure de marché dans laquelle les banques sont moins nombreuses, plus transfrontalières et plus clairement viables. Mais ce n’est pas à la BCE de dire que telle banque doit fusionner avec telle autre. Bien sûr, il y a parfois urgence ! Ce fut le cas par exemple lors de l’été 2017 pour les deux banques de Vénétie (Veneto Banca et Banca Popolare di Vicenza) dont les activités après liquidation ont été reprises par le géant Intesa Sanpaolo, et pour Banco Popular, qui a été absorbé par Santander dans le cadre d’un processus de résolution. Dans ces trois cas, il s’agissait d’opérations purement domestiques. Dans les cas d’urgence, il peut arriver qu’il n’y ait qu’un seul acquéreur, que la BCE est alors bien obligée d’approuver. La BCE ne fait pas de « meccano », mais il est légitime qu’elle ait une préférence pour les acquisitions transfrontalières, car celles-ci renforcent la stabilité générale du système.
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