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Banques françaises : « Il faut calmer les esprits et regagner la confiance »

Créé le

15.09.2011

-

Mis à jour le

21.09.2011

Nationaliser les banques françaises vous semble-t-il être une solution au climat de défiance généralisée dont elles font l’objet ?

Il faut revenir à la raison et prendre du recul : le modèle des banques françaises, très particulier, résulte d’une logique économique ancienne adoptée par l’État à partir des années 1980 et qui s’est traduite par la loi bancaire de 1984 et la réforme de 1985 : l’État français a conduit un processus de déréglementation qui a permis d’aboutir à un business model cohérent et conforme aux besoins de l’économie réelle. Ce business model est celui de la banque universelle qui s’appuie sur le principe de la diversification. L’État ne peut pas casser en quelques jours cette tendance de long terme de dérégulation.

De plus, que pourrait concrètement apporter une intervention en capital de l’État ? Les banques dites de premier rang, comme elles sont désignées dans les cours d’économie, ne sont jamais sorties du périmètre de l’État : elles sont un prolongement du bras financier de l’État, qui leur a confié par délégation le pouvoir de créer de la monnaie. Que va rajouter une nationalisation ? Plus de réglementation ? Est-ce que l’État, en tant qu’actionnaire, sera plus près des mécanismes de création monétaire ou d’octroi du crédit ?

Certains estiment que c’est précisément ce modèle de banque universelle qui est devenu obsolète…

Pas du tout, il répond à un équilibre entre les besoins de la banque de détail et ceux du fonds de commerce de la BFI. En revanche, la manière dont le modèle a évolué ces dernières années est questionnable : je veux parler de la fascination devant le business model de la BFI américaine à partir du milieu des années 2000. Les acteurs économiques ont voulu qu’une proportion beaucoup plus importante de leur PNB soit nourrie par la BFI, or cette activité est volatile.

Les thèses sur la nationalisation des banques comme solution aux problèmes, en dépit du fait que les fondamentaux économiques des banques sont bons, ne risquent-elles pas de s’avérer autoréalisatrices ?

Nous sommes aujourd’hui dans un psychodrame qui n’a rien de réel : la France, l’économie française, les banques françaises sont solides, c’est évident. Mais il existe en effet un risque que l’État suive le mouvement, pour envoyer des signaux forts en période préélectorale, montrer qu’il y a un pilote dans l’avion… Mais l’intervention de l’État va coûter cher et ne va pas panser les vraies plaies, c'est-à-dire les rumeurs, l’information véhiculée par les médias et la fougue intempestive des agences de notation.

Pourquoi la parole des banques, qui mettent en avant leurs bons résultats et la solidité de leurs bilans, est-elle aujourd’hui si peu entendue ?

Certes, les banques ont réagi et annoncé qu’elles allaient alléger la voilure, réduire les coûts et rationnaliser leurs fonctions de production ; mais aujourd’hui, elles ne sont plus audibles.

La profession aurait dû, il y a 5 ans déjà, communiquer fortement, via des plans d’explication pédagogique, sur le rôle de la banque dans l’économie, montrer qu’elles en sont un rouage essentiel et non pas là pour sucer le sang des pauvres gens. C’est un vrai problème de communication. La banque est aujourd’hui intoxiquée par l’information, faute d’avoir mieux communiqué elle-même dans le passé.

Que faut-il faire à présent pour casser la spirale ?

Il faut continuer à expliquer et communiquer. Dans cette optique, l’État doit aussi jouer son rôle : le pouvoir exécutif doit prendre la parole. Mais cette affaire dépassant le cadre franco-français, avec la mondialisation, elle relève aussi du G20, de la Commission européenne, ou du FMI. Il faut calmer les esprits et regagner la confiance.