Square
 

Gestion de fortune

Créer de la valeur aux yeux des femmes

Créé le

28.11.2022

-

Mis à jour le

19.12.2022

La gestion de fortune a longtemps été perçue comme une affaire d’hommes : une relation essentiellement structurée autour d’un banquier et d’un client masculin. Ce temps est révolu. Le secteur doit mieux composer avec la croissance très forte de la clientèle féminine et de ses besoins spécifiques, pour mieux la servir.

Les femmes contrôlent déjà environ un tiers des actifs sous gestion en Europe occidentale, soit quelque 4 600 milliards d’euros. Le cabinet McKinsey anticipe une progression rapide de cette part au cours des prochaines années. Une part croissante des femmes mariées assument la responsabilité des décisions financières du ménage – 58 % des femmes déclarent aujourd’hui prendre tout ou partie des décisions d’investissement dans leur foyer et les femmes montent en puissance dans les fonctions dirigeantes des entreprises. Par ailleurs, 78 % des actifs sous gestion détenus par des femmes – soit 3 600 milliards – le sont par des femmes mariées ou vivant en couple et qui sont le principal décideur financier de leur foyer. Si 61 % des femmes déclarent avoir le même conseiller financier que leur conjoint, pas moins de 40 % d’entre elles n’hésiteraient pas, en cas de séparation, à changer de conseiller. Pour les banques privées, un important gisement de valeur se trouverait alors menacé dès lors qu’une rupture de la relation ou un deuil interviendraient pour leurs clientes. Les banques et conseillers doivent adapter leur conseil pour répondre aux besoins du couple, et à ceux des femmes autant que des hommes.

Un segment d’avenir

D’après nos projections, les actifs des femmes devraient croître d’environ 8,1 % par an jusqu’en 2030, contre environ 2,7 % pour ceux des hommes. À cet horizon, les femmes contrôleraient ainsi de l’ordre de 45 % des actifs sous gestion et un total de 10 000 milliards d’euros en Europe de l’Ouest. Conscientes de cette évolution, certaines grandes institutions mettent en place des unités dédiées aux femmes investisseurs. Des structures créées par des femmes pour les femmes, voient également le jour. Pour autant, tous les acteurs n’ont pas pris la mesure du phénomène. Pour mieux répondre aux besoins de ce segment de clientèle (et capturer ce gisement de valeur), il est impératif d’adapter l’offre d’investissement et d’accompagnement proposée.

Les femmes expriment aujourd’hui des attentes, comportements et profils d’investissement sensiblement différents de ceux des hommes. Notre étude « Wake up and see the women : Wealth management’s underserved segment » souligne par exemple un besoin plus élevé de la part des femmes d’être accompagnées et conseillées sur leurs investissements et une aversion au risque plus prononcée (42 %) que les hommes (34 %). Par ailleurs, contrairement à une idée reçue, les femmes ne souhaitent pas nécessairement une femme comme conseiller : plus de la moitié d’entre elles déclarent préférer consulter un conseiller de l’autre sexe, une tendance qui s’observe aussi chez les hommes.

Attitude des investisseurs d’Europe occidentale, par sexe

$!En tant qu’investisseurs, les femmes ont tendance à être plus réticentes au risque que les hommes, moins enclines à acheter des actions et plus susceptibles d’acheter des actifs à revenu fixe.

S’il n’est évidemment pas question d’accréditer des stéréotypes, il existe bien des différences mesurables, dans les attentes comme dans les comportements d’investisseurs, entre hommes et femmes. Les femmes souhaitent, par exemple, bénéficier d’un accompagnement plus personnalisé de la part des banques privées dans leurs décisions d’investissement, par le biais de canaux numériques. Aussi, elles ne sont que 36 % à souhaiter modifier leur portefeuille d’investissements plus d’une fois par mois (contre 45 % des hommes), même si 32 % seraient prêtes à le faire davantage si leur conseiller leur proposait proactivement de nouvelles opportunités.

De même, les catégories de produits qu’achètent les hommes et les femmes diffèrent sensiblement. Par exemple, si les hommes affichent une prédilection marquée pour les produits en equity (45 %), les femmes ne les privilégient qu’à hauteur de 32 %. À l’inverse, elles optent à 32 % pour des produits fixed-income, contre 24 % pour les hommes, et s’avèrent en moyenne plus demandeuses que les hommes de produits à impact.

Une approche en trois phases

Pour répondre à ces besoins spécifiques, les conseillers doivent tout d’abord transformer leur proposition de valeur et leur parcours d’investissement en personnalisant leur offre auprès de tous les segments de cette clientèle féminine.

Ensuite, il est essentiel de travailler sur la formation des conseillers autour des besoins de la clientèle féminine : il convient de leur donner les moyens de mieux cerner les attentes et les habitudes de cette clientèle, notamment grâce à la donnée et aux advanced analytics, et d’élaborer des propositions sur mesure de produits et services et un niveau de conseil plus adapté à chaque profil.

Enfin, il est crucial de mener une réflexion sur les moyens pour la société de gestion de créer de la valeur pour la cible féminine, par exemple en envisageant une diversification vers de nouvelles activités, la création de canaux numériques ciblés, ou encore la conception de types d’investissements innovants, au plus près des aspirations des femmes investisseurs.

Les acteurs du secteur trouveraient là l’opportunité de faire évoluer leurs méthodes d’accompagnement afin de proposer aux femmes, comme aux autres profils traditionnels de la gestion de fortune, un soutien individualisé et en cohérence avec les besoins. Cela implique également de définir des sous-catégories de profils, afin de ne pas commettre l’erreur de considérer la clientèle féminine comme un segment homogène et monolithique. Comme sur les autres segments, il faut impérativement éviter le « one size fits all » pour adapter son approche, considérer des produits d’investissement qui répondent à des attentes souvent plus prégnantes chez les femmes (comme la transmission et l’impact sociétal), tout en proposant un conseil personnalisé. Cette tendance profonde de l’industrie, qui appelle à davantage de personnalisation, doit répondre à l’évolution de la clientèle des Wealth Managers : plus féminine, plus jeune, plus entrepreneuriale et plus engagée.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº874
RB
RB