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Sur la route de l’épargne retraite

Créé le

22.05.2023

-

Mis à jour le

25.05.2023

C’est en constituant un complément durant leur activité que les Français parviendront à compenser la baisse
de pouvoir d’achat qui accompagne le passage
à la retraite. Et si l’opposition entre capitalisation
et répartition était un contresens ?

Près des deux tiers des Français estiment que leurs pensions sont ou seront insuffisantes pour vivre correctement à la retraite, selon l’enquête AG2R La Mondiale-Amphitéa-Cercle de l’Épargne. Cette proportion atteint 72 % chez les non-salariés, soulignant la forte inquiétude qui traverse les actifs en ce qui concerne leur niveau de vie quand ils auront arrêté de travailler. Ce sont les employés et les ouvriers qui expriment la plus forte crainte en la matière. Cette inquiétude, dont nous mesurons la force depuis près de vingt ans, explique que 59 % des actifs mettent de l’argent de côté en vue de la retraite. Cette proportion atteint 69 % chez les cadres supérieurs et 61 % chez les cadres. Elle s’élève à plus de 50 % chez les ouvriers et les employés. Plus de la moitié des Français au-dessus du salaire médian (1 850 euros) mettent de l’argent de côté pour leur retraite.

Immobilier, assurance vie et épargne retraite

Pour préparer financièrement leur retraite, les Français placent toujours en tête l’immobilier. La possession de la résidence est un chemin de vie privilégiée par 48 % des sondés. À ce titre, il convient de souligner que plus de trois retraités sur quatre sont propriétaires de leur résidence principale. L’immobilier locatif fait jeu égal avec l’assurance vie, en étant cité par 18 % des personnes interrogées. Plus de 42 % des ménages possèdent au moins un contrat d’assurance vie, quand seulement 8 % ont investi dans un bien immobilier en vue de le louer. Le plan d’épargne retraite (PER) créé par la loi PACTE arrive juste après, en recueillant 14 % des voix. Les cadres moyens et supérieurs sont les plus enclins à mettre en avant ce produit (29 %). Plus de 6,5 millions de Français disposent d’un PER (toutes catégories de PER confondues). Son encours après trois années d’existence dépasse 75 milliards d’euros. Au total, l’épargne retraite, en prenant tous les produits existants, représente en France plus de 330 milliards d’euros. Ce montant reste néanmoins modeste par rapport à l’assurance vie ou l’épargne réglementée, dont les encours respectifs s’élèvent à plus de 1 850 milliards d’euros et à plus de 800 milliards d’euros. Les cotisations d’épargne retraite représentent moins de 4 % de l’ensemble des cotisations retraites et les prestations 2,5 % de l’ensemble de celles versées par la totalité des régimes de retraite. En moyenne, au sein des pays de l’OCDE, ce dernier ratio atteint 15 %.

Pour un régime mixte de retraite

À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, la France a fait le choix de la répartition, de façon intégrale, ou presque. Ce choix s’imposait dans un contexte de reconstruction, de forte inflation et de forte progression de la natalité. Il a permis de garantir aux anciens actifs une couverture retraite d’un niveau satisfaisant. Le taux de pauvreté des retraités est de 8 % contre plus de 13 % pour l’ensemble de la population. Sur les 17 millions de retraités, 663 000, en 2021, bénéficiaient du minimum vieillesse. En 1982, les chiffres respectifs étaient de 5 millions et de 1,7 million. Le système par répartition a rempli ses missions grâce à une démographie et une croissance dynamique. Le contexte a fortement évolué ces trente dernières années, en lien avec la baisse de la fécondité et l’érosion des gains de productivité. Le papy-boom provoqué par le baby-boom des années 1947-1975 et les gains d’espérance de vie touchent de plein fouet les régimes par répartition. Le ratio cotisants/retraités, qui était de 4 pour 1 dans les années 1960, est désormais de 1,7 en 2022 et devrait continuer à diminuer dans les prochaines années. La capitalisation, en étant en lien direct avec le financement de l’économie, est moins dépendante de la démographie que la répartition. Son assiette dépasse les seules cotisations sociales qui, dans la répartition, financent directement les pensions. Elle intègre une dimension économique et financière qui, en outre, peut dépasser les frontières du pays. Les fonds de pension perçoivent les dividendes d’entreprises qui réalisent leurs résultats dans de nombreux pays. La capitalisation offre une diversification pour le financement des retraites. 56 % des Français, toujours selon l’enquête AG2R La Mondiale-Amphitéa-Cercle de l’Épargne, sont favorables à la mise en place d’un système mixte ou en capitalisation pure (41 % pour un système mixte, 15 % pour un système 100 % par capitalisation). Les jeunes de 18 à 24 ans se prononcent à 74 % pour la capitalisation mixte ou exclusive. 70 % des cadres supérieurs et 59 % des cadres moyens pensent de même.

La capitalisation au service de l’économie

L’épargne retraite, en ce qu’elle permet le versement de suppléments de retraite qui pourront compenser la baisse des pensions, est une alliée du pouvoir d’achat des futurs retraités. Si aujourd’hui, le niveau de vie des retraités est de deux points au-dessus de celui de l’ensemble de la population, d’ici une dizaine d’années, il sera inférieur de 5 à 10 points. Cette prévision mentionnée dans le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites a été réalisée avant l’adoption de la réforme de 2023. Au-delà de la question des revenus, l’épargne retraite permettrait également de donner un peu de souplesse en donnant la possibilité aux Français de choisir plus facilement leur âge de départ. Les suppléments de revenus issus de l’épargne retraite, en cas de départ précoce, pourraient atténuer le manque à gagner au niveau des pensions délivrées par les régimes par répartition. Or, 81 % des Français, selon l’enquête 2023, souhaitent partir à 62 ans ou avant à la retraite. Ils sont 55 % à vouloir le faire dès 60 ans voire avant. Dans le même temps, ils sont conscients que leurs souhaits sont peu réalistes. Ainsi, ils ne sont que 18 % à penser qu’ils pourront liquider leurs droits à 60 ans ou avant. Ils ne sont que 38 % à penser qu’ils pourront être à la retraite avant 64 ans. Seulement un quart des Français sont prêts à liquider leurs droits avant l’âge d’obtention de la retraite à taux plein. Pour rapprocher souhaits et réalité, l’essor de l’épargne retraite est une voie à étudier.

L’opposition entre capitalisation et répartition est stérile. C’est un contresens total. En drainant l’épargne vers des placements longs, la capitalisation favorise le développement des entreprises, l’emploi et donc la croissance. Les entreprises françaises manquent structurellement de fonds propres. Elles sont contraintes de se financer par emprunts, ce qui les expose à la hausse des taux. Aux États-Unis comme dans les pays d’Europe du Nord, deux tiers du financement des entreprises s’effectuent par le marché contre un tiers en France. Un rééquilibrage du financement serait un avantage pour l’économie française au moment où elle doit relever les défis du digital et de la transition énergétique.

L’épargne retraite donne de moins en moins lieu au débat idéologique. Le problème central à résoudre est sa diffusion. Elle est aujourd’hui avant tout l’apanage des cadres supérieurs et des salariés des grandes entreprises. Un élargissement de sa diffusion vers les PME et, plus largement, vers l’ensemble des actifs est indispensable pour éviter des retraités à deux vitesses. Le Plan d’épargne retraite, avec sa sortie en capital, avec ses compartiments permettant de couvrir l’épargne individuelle et collective, constitue un indéniable progrès. Des incitations doivent être instituées pour accroître le nombre de bénéficiaires. La mise en place d’accords de branche et la création d’un crédit d’impôt pour les salariés comme pour les entreprises sont des voies à étudier pour que la France rattrape son retard en matière d’épargne retraite et de financement des entreprises.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº881bis
Épargnez-vous en vue de la retraite ?
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