Alors que l’association Libra
Des défections dues au flou réglementaire
Devant le Fonds monétaire international (FMI), David Marcus, le directeur du porte-monnaie électronique Calibra sur lequel s’appuiera la monnaie et membre du comité directeur de Libra, s’est dit convaincu qu’une centaine de banques et institutions financières pourraient prendre part au lancement de la Libra prévu en juin 2020. « Il nous faudra du temps pour répondre à toutes les préoccupations en matière de réglementation qui ont été soulevées et il est de notre devoir et de notre responsabilité d’apporter des réponses à toutes ces questions. Je pense qu’une fois que nous l’aurons fait, nous verrons plus de banques et de sociétés de services financiers traditionnels se joindre à nos efforts », a-t-il déclaré tout en reconnaissant qu’il était délicat pour de grandes entreprises financières de prendre part au projet étant donné « le climat et la pression ». Parmi les 21 organisations signataires du projet, signalons tout de même les acteurs financiers PayU, Coinbase, Kiva Microfunds ou Women’s World Banking. Ils sont aux côtés d’acteurs technologiques comme Calibra (filiale de Facebook), Uber, Lift, Spotify ou Illiad (la holding de Xavier Niel à laquelle appartient Free) ou encore Vodafone. Le lancement de la monnaie est toujours prévu pour juin 2020.
Entre concurrence et contrefaçons
Pour autant les ennuis continuent à se profiler à l’horizon. D’une part, il y a désormais une alternative officielle à Libra, OpenLibra
Les États se rebiffent
Plus grave, les gouvernements voient toujours d’un mauvais œil cette initiative monétaire. Certes, le sénateur américain du Dakota du Sud Mike Rounds a apporté son soutien au projet en publiant une lettre officielle de soutien à l’association Libra et à son esprit d’entreprise, contrairement à la majorité de ses collègues. Mais en Europe, l’affaire n’est pas aussi bien engagée. Le 18 octobre dernier, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, a annoncé en conférence de presse que la France, l’Italie et l’Allemagne préparent ensemble une série de mesures pour empêcher la venue de Libra en Europe. « La Libra n’est pas la bienvenue sur le territoire européen », a-t-il lancé, estimant que « c’est notre souveraineté qui est en jeu. Veut-on que la politique monétaire soit aux mains d’une entreprise privée comme Facebook ? Ma réponse est clairement non. » Selon lui, c’est l’outil même garantissant la stabilité de Libra qui est en jeu à savoir le panier de devises et d’actifs sur lequel elle s’adosse : « il suffira que Facebook décide d’avoir plus d’euros ou plus de dollars pour avoir un impact sur le niveau de change de l’euro ou du dollar ». Cela affectera l’efficacité des États et affaiblira l’indépendance de la politique monétaire, a-t-il souligné. Dans une tribune publiée la veille sur le Financial Times et sur son blog personnel
Des concessions en paroles, sinon en actes
Même si la signature de la charte le 19 octobre dernier était une première étape, la route est encore longue jusqu’au lancement effectif de la Libra. Ainsi, le dimanche 20 octobre, intervenant au cours d’un séminaire de banquiers à Washington, David Marcus a annoncé envisager non pas une, mais plusieurs Libra : « Nous pourrions faire cela différemment. Au lieu d’avoir une unité synthétique, nous pourrions avoir une série de stablecoins : une basée sur le dollar, une sur l’euro, une sur la livre sterling, etc. » Rappelant que le but de Libra est de créer un système de paiement plus efficace, David Marcus explique : « Nous pourrions tout à fait l’envisager en ayant une multitude de stablecoins représentant les monnaies nationales sous forme de tokens. C’est l’une des options que nous pourrions considérer. » Même s’il a reconnu que ce n’était pas la solution préférée de l’association Libra. Après sa présentation au séminaire, David Marcus a précisé sa position à l’agence Reuters en disant : « ce qui compte pour nous, c’est notre mission, et il y a différentes manières d’y arriver. » La Libra « doit faire preuve de beaucoup de souplesse ». Dernier développement en date, devant le Congrès américain, Mark Zuckerberg s’est voulu rassurant en précisant que « la Libra s'appuiera essentiellement sur le dollar, et je pense qu'elle va perpétuer la prédominance du système financier américain ainsi que nos valeurs démocratiques dans le monde. Si l'Amérique n'innove pas, notre prévalence financière n'est pas garantie. » La BCE appréciera, même si dans la foulée, le fondateur de Facebook rappelait que « la politique monétaire est du ressort des banques centrales et non de la Libra. La Libra Association n'a pas l'intention de concurrencer des monnaies souveraines ou d'entrer dans l'arène de la politique monétaire. » Il va même plus loin en précisant que si les autorités réglementaires ne donnent pas leur accord, Facebook pourrait se retirer de la Libra Association. Sauf que… Calibra, la filiale de Facebook, sert de support technique à cette cryptomonnaie ; donc sans Facebook, il ne resterait plus grand-chose de Libra. Et si finalement, le grand épouvantail Libra n’était qu’un feu de paille ?