Pourquoi avoir sous-titré votre ouvrage Un nain sur les épaules de géants ?
J’ai voulu rendre à César ce qui appartient à César et rappeler que mes travaux sur la monnaie prennent appui sur ce que nos prédécesseurs avaient déjà commencé à formuler depuis la fin du XVIIIe siècle. De Sismondi à la macro-économie moderne, en passant par l’équilibre général, la théorie monétaire de Cambridge ou encore l’énigme de la valeur positive de la monnaie, l’ouvrage retrace 300 ans de pensée économique. Il est constitué à 80 % d’articles écrits au fil de ma carrière, dont près de la moitié en anglais, auxquels s’ajoutent 20 % de textes inédits.
Pourquoi une nouvelle histoire de la pensée économique ?
Tout ce que l’on sait en matière économique et monétaire vient de l’expérience et de l’analyse que l’on en fait depuis 300 ans. Il est intéressant de voir que rien n’est vraiment inédit dans ce que nous vivons aujourd’hui. On s’excite beaucoup sur le niveau d’endettement qui, avec le Covid, a atteint 120 % du PIB. Mais, au début du XIXe, le financement des guerres napoléoniennes par la Banque d’Angleterre avait conduit à un endettement proche de 250 % du PIB outre-Manche ! La stabilité du système bancaire est loin d’être une préoccupation nouvelle.
Quels enseignements utiles retirez-vous de la relecture des théories ?
C’est assez paradoxal mais la monnaie, qui joue un rôle central dans nos systèmes, ne parvient pas à trouver sa place de manière satisfaisante dans les théories économiques. On n’est pas dans une discipline progressive où la théorie apporte des réponses nouvelles à des questions concrètes. En témoigne la crise de 2008 et le cafouillage gigantesque qui a suivi. C’est inquiétant pour l’avenir : je ne vois pas quels moyens nouveaux vont nous permettre d’enrayer l’inflation dans un contexte de hausse de la dette publique, dont le financement, même partiel, par la banque centrale demeure une grande tentation.