Square
 

La stabilité dans le temps
profite à toute la société

Créé le

19.06.2023

-

Mis à jour le

23.08.2023

La défaillance de la Silicon Valley Bank aux États-Unis apporte un éclairage particulièrement utile sur le modèle de banque universelle à la française. Être présent partout, pour tous, tout le temps et sur tous les besoins est un gage de protection des clients et de solidité des établissements.

Les interrogations médiatiques récentes autour de la solidité des banques ont permis d’expliquer que le terme de « banque » recouvre des modèles très différents. Plus particulièrement, le cas spécifique de la Silicon Valley Bank, parce qu’il contraste très fortement avec le modèle de banque universelle à la française et la singularité de nos établissements. En effet, là où un établissement comme la Silicon Valley Bank s’était concentré sur une seule activité – l’intermédiation bancaire – au profit d’un seul segment de clientèle – les start-up technologiques –, la plupart des établissements en France ont opté pour le modèle dit de banque universelle, proposant une large gamme de produits et services à destination de plusieurs segments de clientèle.

Les plus grandes entités, dont le Crédit Agricole, ont poussé très loin ce modèle – au point qu’on pourrait le qualifier de banque « multi-universelle » – en étant présent partout, pour tous, tout le temps et sur tous les besoins : épargne, crédit, assurance, prévoyance, retraite, santé, immobilier, télésurveillance, location d’équipements ou de voitures... Une liste par nature non limitée puisque les besoins des clients ne le seront jamais. Cette approche présente un double avantage : elle garantit la meilleure prise en compte des besoins et des intérêts des clients ; elle leur apporte un haut niveau de protection budgétaire.

La banque « multi-universelle »

La banque multi-universelle se traduit par une amplitude relationnelle qui permet la loyauté dans le conseil et l’accompagnement dans le temps. Parce que tous les domaines du patrimoine du client sont abordés, le conseil apporté répond à la globalité de ses besoins. Le conseiller, fort d’une gamme de produits et services très étendue, met le client en situation de choisir par lui-même parmi les différents produits et services répondant à son besoin, en expliquant les avantages et limites de chacun. Dans ce modèle, dont la rentabilité résulte de la détention d’une pluralité de produits dans la durée, incitant le conseiller à veiller à la satisfaction des clients pour en assurer la fidélité, les fondamentaux économiques permettent de proposer à chacun un accès à un niveau de conseil de qualité sans minimum de revenus ou d’avoirs.

C’est donc un modèle qui œuvre dans l’intérêt de la société, en étant particulièrement inclusif, et qui apporte également le grand avantage d’être extrêmement stable dans le temps. En effet, ce choix assumé de non-optimisation à tout instant des activités se traduit, sur le long terme, par des performances financières élevées et régulières. La pluralité des sources de revenus permet une régularité de la progression des résultats. Par ailleurs, la très grande diversité de nature, de montant et de maturité des dépôts et des crédits apporte une grande stabilité bilancielle à plus longue échéance. Cette solidité et cette visibilité sont un gage de réassurance pour l’ensemble des clients, particuliers, commerçants, agriculteurs, professionnels et entreprises.

Les coups de boutoir réglementaires

Malgré ses avantages très clairs, la banque multi-universelle n’est que rarement défendue, lorsqu’elle n’est pas attaquée : par la Commission européenne, lorsqu’elle tente de faire interdire la rémunération des banques par leurs propres usines – d’asset management aujourd’hui, probablement d’assurances demain – mais aussi par notre propre Parlement, lorsqu’il veut décourager le banquier de proposer à son client emprunteur de souscrire chez lui l’assurance des emprunteurs qui le protégera. La réalité, c’est qu’un consumérisme de pur principe conduit indirectement au déni de la banque universelle. Or quel est le type de banque qui ne vivrait que sur les revenus de son bilan, sans proposer ni assurance, ni immobilier, ni produits de retraite ou de santé ? Silicon Valley Bank, par exemple. Un modèle apprécié pour sa lisibilité, et en lequel le superviseur avait suffisamment confiance pour lui accorder des allégements prudentiels, dont nous connaissons aujourd’hui les conséquences désastreuses.

En plus de garantir la meilleure prise en compte des intérêts et besoins du client, la banque multi-universelle lui apporte un haut niveau de protection budgétaire. La récente remontée rapide des taux l’a démontré, en offrant notamment pour les crédits immobiliers la sécurité et la lisibilité budgétaire associée à des taux fixes, tout en accordant aux épargnants une rémunération attractive à travers l’épargne réglementée. Le tout dans un équilibre qui permet par ailleurs aux banques françaises de respecter leur impératif de rentabilité.

Une réelle expertise en gestion actif-passif

Ce constat ne fait pourtant pas l’objet d’un consensus, à en juger par ce qu’en disent les règles internationales d’abord : un modèle qui déresponsabiliserait l’emprunteur et qui serait dangereux pour les banques. La réglementation IRRBB (Interest Rate Risks for Banking Book) est un missile direct contre une gestion actif-passif adaptée à ce type de crédits. Qu’en pensent par ailleurs les investisseurs sur le marché financier ? Que les taux fixes désavantagent clairement les banques françaises dans les périodes de hausse de taux, en comparaison à leurs homologues européennes. En France, 96 % des crédits immobiliers sont à taux fixe, moins de 30 % seulement le sont en Italie. Or la question n’est pas de savoir qui doit prendre le risque : le client ou la banque ? La question est : qui peut être capable de gérer ce risque ? Les banques françaises ont su développer le crédit immobilier à taux fixe parce qu’elles lui ont associé une réelle expertise en gestion actif-passif pour couvrir et amortir ce risque. Si les banques françaises voient leurs revenus temporairement affectés par la hausse des taux, c’est avant toute chose au bénéfice direct de leurs clients, et elles modèrent cet impact par des couvertures préalablement souscrites. Ce coût de couverture étant par ailleurs allégé, in fine, par un coût du risque beaucoup mieux maîtrisé.

En conclusion, il paraît utile d’être conscient du grand intérêt pour les Français de conserver ce modèle de banque multi-universelle. Rappelons que cinq banques françaises figurent parmi les vingt plus grandes au monde. Nous avons souvent tendance à l’autodénigrement, en regardant ce qui fonctionne mieux ailleurs, mais la spécificité du modèle de banque multi-universelle est une chance et une force pour les clients, tous les clients, et pour la société dans son ensemble. La régulation n’est pas affaire que de prudence, c’est aussi une affaire de modèles. Nous avons besoin que le Politique se saisisse réellement de ces sujets, parce que l’harmonisation des règles internationales constitue évidemment un accès direct vers le modèle dominant. Et le modèle dominant, c’est depuis longtemps, c’est toujours aujourd’hui, et pour longtemps encore... le modèle anglo-saxon.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº882
RB