Dans le contexte actuel de désintermédiation, les obligations corporates se multiplient, mais aussi les cessions de prêts bancaires à des investisseurs. Comment se fait le choix entre les bonds et les loans ?
La récente réforme du Code des assurances permet désormais aux compagnies d'investir plus facilement sur les loans, mais une validation de l'ACP est nécessaire.
Les petits assureurs ne feront probablement pas tous la démarche et continueront de préférer le format obligataire des
Dans certains pays du sud de l'Europe, l'obligataire est clairement préféré. Les investisseurs allemands préfèrent le format Schuldschein qui est juridiquement un loan. Aux États-Unis et au Canada, les investisseurs achètent des loans depuis très longtemps, mais de nombreuses opérations se font sous la forme de placements privés obligataires ayant des covenants spécifiques. Ces titres se négocient comme des obligations (entre « qualified investors » selon les règles US) qui offrent à l'investisseur une prime en cas de remboursement par anticipation.
La hausse des taux souverains risque-t-elle de réduire l'attractivité des obligations corporate ?
Dans une certaine mesure, oui ; d'ailleurs, dans certains pays périphériques où les taux souverains ont été très rémunérateurs pendant la crise, le mouvement de désintermédiation est plus irrégulier que dans les pays « core ». Mais des paramètres structurels vont continuer de pousser les assureurs vers les obligations d'entreprises. En effet, dans un environnement Solvabilité 2, la volatilité des prix des titres souverains est pénalisante. Les assureurs étant très investis sur ces actifs, le besoin de diversification se fait ressentir et ce d'autant plus que les titres émis par les banques sont eux aussi très présents dans les portefeuilles et sont très corrélés aux risques souverains. 70 % des actifs des assureurs sont obligataires, dont les deux tiers sont constitués d'émissions bancaires et souveraines. Le besoin de diversification est évident et pousse notamment vers l'obligataire corporate au sens large, c'est-à-dire aussi bien les titres émis par des entreprises non financières ordinaires (grands corporates, ETI, PME) que le financement d'actifs (project bonds, financement de bateaux, d'avions, d'immobilier, financements d'export…). Dans le domaine des financements d'actifs, le format loan est encore le plus fréquent, mais l'obligataire se développe.
Quel prix devront payer les entreprises en cas de hausse des taux ?
Les entreprises paieront plus cher afin d'offrir une rémunération intéressante par rapport aux souverains. Le phénomène de la désintermédiation pourrait éventuellement être ralenti si la hausse des taux était rapide et dépassait les 250 pb par rapport au taux actuel (environ 2,5 % sur une OAT 10 ans). Si les titres d'État atteignaient 5 %, la tentation serait grande pour les assureurs de se réorienter massivement sur les titres souverains, car ils sont très simples. Les institutionnels y succomberaient sans doute de façon ponctuelle. Mais dans un tel scenario de taux, on peut supposer que la croissance serait au rendez-vous ; les entreprises auraient donc besoin d'investir et, pour cela, de s'endetter. Or les banques seront moins capables d'ouvrir les robinets du crédit en grand comme dans le passé, notamment pour des raisons réglementaires, et elles ne seront pas les plus compétitives pour satisfaire tous les types de besoins de financement, notamment à long terme. Les corporates auront donc encore besoin des investisseurs institutionnels et proposeront des taux attractifs, supérieurs aux taux d'État. Ces taux pourront sembler élevés, mais il est important de souligner que depuis 2008, les entreprises se financent à des taux historiquement bas.
Propos recueillis par S. G. le 13 septembre 2013.