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Change et taux

Que nous disent des taux d'intérêt négatifs ?

Créé le

18.12.2019

Selon certains, les taux négatifs constitueraient une insulte à l'avenir. Or c’est exactement le contraire !

Depuis la crise de 2008-2009, les taux d’intérêt n’ont cessé de baisser. Face à l’atonie de la demande et à la persistance d’une inflation faible, certaines banques centrales ont porté leurs taux directeurs en territoire négatif… contribuant à accentuer la baisse des taux d’intérêt. Aujourd’hui, près de 15 000 milliards de dollars d’obligations ont des rendements négatifs. Certains s’en inquiètent et les critiques à l’encontre des banques centrales se sont multipliées. Si certaines craintes sont légitimes, les arguments avancés sont parfois étonnants : des taux d’intérêt nuls, et plus encore négatifs, indiqueraient que le futur vaut moins que le présent. Dit plus crûment, les taux négatifs seraient « une insulte à l'avenir ».

Or c’est exactement le contraire ! Lorsque les taux d’intérêt sont positifs, 5 % par exemple, la valeur actuelle de 1 000 euros disponibles dans dix ans est de 614 euros, nettement moins que la valeur de 1 000 euros dépensés aujourd’hui : des taux positifs reflètent donc une préférence pour le présent. Lorsqu’ils sont nuls, 1 000 euros dans dix ans valent 1 000 euros aujourd’hui : la préférence pour le présent s’efface. Enfin, lorsqu’ils deviennent négatifs, la valeur actualisée de 1 000 euros dans dix ans dépasse celle de 1 000 euros aujourd’hui. Loin d’être une insulte à l’avenir, les taux d’intérêt négatifs traduisent une préférence collective pour le futur. Comment sinon expliquer que des agents préfèrent renoncer à dépenser aujourd’hui une part de leur revenu pour la placer à des taux négatifs ?

Investir dans l’éducation et la formation

L’insulte à l’avenir serait de ne pas répondre à ce signal du marché obligataire en empruntant pour investir. Certains diront que faute de retour sur investissement attrayant, de l’argent gratuit c’est encore trop cher. C’est oublier que pour un type d’agent au moins, ces considérations ne tiennent pas. Parce que leur « durée de vie » dépasse plusieurs générations, les États devraient naturellement avoir une préférence élevée pour le futur. Pour la même raison, ils sont bien placés pour investir dans un temps long. Enfin, leur retour sur investissement ne se mesure pas comme celui d’une entreprise : éviter d’avoir demain à porter le fardeau du réchauffement climatique peut suffire à rentabiliser un investissement public. De même, investir dans l’éducation et la formation pourrait notamment permettre de réduire les futurs coûts sociaux et financiers résultant de la déscolarisation d’un nombre important de jeunes. Depuis vingt ans en France, environ un jeune âgé de 20 à 24 ans sur cinq n’est ni scolarisé, ni en formation, ni en emploi.

Alors que les limites de la politique monétaire sont de plus en plus évidentes et que la faiblesse actuelle des taux d’intérêt indique que la préférence pour le futur n’a jamais été aussi élevée, il revient plus que jamais aux États d’agir aujourd’hui.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº839