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La finance au service des révolutions arabes

Créé le

07.11.2011

-

Mis à jour le

30.11.2011

> Rétrospective 2011 : accéder au dossier

 

Le soulèvement de la société civile contre les régimes autoritaires d’un certain nombre de pays de la région MENA (Middle East North Africa) tout au long de l’année 2011 n’a pas épargné le monde financier. C’est bien sûr le cas pour les banques des pays touchés par les troubles, avec la fermeture ponctuelle de leurs agences, le gel des avoirs du pouvoir déchu et la nationalisation des établissements qui en étaient trop proches (comme la banque islamique Zitouna en Tunisie), mais surtout avec l’incertitude qui plane sur leur activité à venir (contraction de la croissance et augmentation des créances douteuses). À moyen terme toutefois, les experts espèrent l’émergence d’un système bancaire et financier plus solide et qui soit plus au service de la population.

Par ailleurs, profitant de la crise rencontrée par les systèmes financiers occidentaux, les banques des pays arabes non directement touchés par les événements ont réaffirmé leurs ambitions internationales, à l’instar du Qatar qui vient de racheter deux banques luxembourgeoises, dont la filiale de Dexia, des banques marocaines qui poursuivent leur développement sur un continent africain délaissé par les Européens, ou encore des banques libanaises, présentes à travers le monde, qui vantent leur solidité et leur liquidité. Simultanément, cette même finance occidentale est sollicitée pour participer à la construction économique des nouvelles démocraties, à travers les banques de développement et le recours aux partenariats publics privés (lire Encadré). S.L.

Ils l'ont dit

Plus de démocratie et moins de corruption

« Depuis trois ans, Europe Arab Bank s’est fixé l’objectif d’être la première banque pour les entreprises européennes dans leurs affaires avec le Moyen-Orient. Notre développement connaît aujourd’hui un ralentissement du fait de cette crise régionale, qui se rajoute à la crise financière mondiale. Cette année, nous souffrons surtout d’un manque de visibilité. Combien de temps va durer la transition, une fois la phase de soulèvement passée ? Combien vont coûter ces troubles ? Chaque pays sera un cas particulier et devra être étudié comme tel. Nous aboutirons ensuite à une situation plus stable, avec plus de démocratie et moins de corruption. »

Antoine Sreih, P-DG, Europe Arab Bank, dans le supplément « Pays arabes/Europe » de Revue Banque, juin 2011, pp. 5-7.

Un rebond potentiel important à moyen terme

« Si les prévisions économiques liées à l’Égypte comme à la Tunisie intègrent un net ralentissement – les prévisions de croissance sont inférieures d’au moins 2 points à ce qui était initialement prévu pour 2011 –, elles annoncent aussi un rebond potentiel important à moyen terme. Concrètement, après la révolution, ces pays doivent faire face à plusieurs difficultés concomitantes d'ordre politique et économique : […]

  • redémarrer l'activité économique après des jours voire des semaines de fermeture des entreprises et des administrations, et des dégâts importants dans les entreprises. 10 % des agences bancaires auraient ainsi été dégradées en Tunisie. Des plans de relance ont d’ores et déjà été mis en place en Égypte et en Tunisie. L'objectif à terme est de résorber le sous-emploi qui ne manquera pas d’être aggravé en 2011 par le ralentissement de l’activité et par le retour des migrants de Libye (plus d’un million en Égypte et plus de 200 000 en Tunisie) ;
  • convaincre les investisseurs étrangers de reprendre leur activité mise en attente par les soulèvements ;
  • gérer les participations de l’ancien régime dans l’activité économique et opérer une transition vers un assainissement. Au-delà, il faudra relancer une dynamique d'entrepreneuriat qui a été jusqu'alors entravée par les pratiques du pouvoir. »
Estelle Brack et Emna Zouari, FBF, supplément « Pays arabes/Europe » de Revue Banque, juin 2011, pp. 30-34.

Biens mal acquis : temps plus durs pour les dictateurs

« Depuis quelques années déjà, certaines ONG considèrent que des États occidentaux ferment depuis trop longtemps leurs yeux sur les fortunes des dictateurs investies dans leur pays. Real politik ou aveuglement ? Toujours est-il que les temps vont être de plus en plus durs pour les dictateurs et autres tyrans déchus : les sommes et biens amassés par ceux-ci dans certains pays (généralement occidentaux) ne sont plus à l’abri de revendications juridiques devant les tribunaux des pays dans lesquels ces sommes ont été investies ou déposées, soit par les nouveaux régimes démocratiques remplaçant les systèmes tombés à la suite de révolution (comme en Tunisie ou en Égypte), soit par des associations de citoyens de ces pays, alors même que ces régimes sont toujours en place (Gabon). Certes, les mesures prises jusqu’à aujourd’hui sont encore limitées au regard des sommes spoliées. Ainsi, lors du Forum mondial sur le recouvrement des avoirs volés de Paris (8 et 9 juin 2010), il a été indiqué que le gel et la restitution ne concernaient que 2 % des biens mal acquis identifiés, même si les sommes en jeu sont colossales. »

Hubert de Vauplane, associé, Kramer Levin Naftalis & Frankel, dans Revue Banque n° 738, juillet-août 2011, pp. 79-83.

BERD : répondre à l’appel au changement

« C’est en gardant à l’esprit toute la richesse de l’expérience acquise [dans les économies en transition d’Europe de l’Est et d’Asie centrale, NDLR] que nous souhaitons répondre à l’appel au changement qui résonne aujourd’hui en Méditerranée du Sud et de l’Est. L’Égypte et le Maroc, actionnaires historiques de la banque, ont demandé à rejoindre le nombre des pays bénéficiant de financements. La Tunisie a entamé le processus permettant de devenir actionnaire et la Jordanie a également exprimé son intérêt. […] En Égypte comme dans d’autres pays de la région, nous travaillerons en priorité à stimuler la croissance des PME, car ce sont elles qui créent des emplois. […] Si nos actionnaires le décident, nous pourrions démarrer nos opérations en Égypte en octobre sous forme d’assistance technique et investir dès le printemps prochain jusqu'à 1 milliard d’euros par an – sous réserve que le pays continue à progresser sur la voie de la démocratie. Sur l’ensemble du sud de la Méditerranée, nous avons la capacité d’investir jusqu’à 2,5 milliards d’euros par an, sans lever de capitaux supplémentaires auprès de nos actionnaires et sans réduire nos investissements en Europe de l’Est et Asie centrale. »

Thomas Mirow, président, Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement, dans Banque & Stratégie n° 295, septembre 2011, pp. 21-23.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº742