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Banque digitale : faire la course en tête

Créé le

18.12.2014

-

Mis à jour le

05.11.2015

Les banques traditionnelles doivent repenser leur rôle dans l’économie digitale. En alliant leur connaissance des clients, avec un écosystème de partenaires, et les possibilités ouvertes par la mobilité, les réseaux sociaux et l’analyse de données, les banques ont les moyens de défendre, voire d'accroître leur part de marché.

Depuis plus d’une décennie, les nouvelles technologies, l’usage de l’Internet, la téléphonie mobile constituent des composantes essentielles de notre vie quotidienne. Au point d’influencer et de modeler peu à peu, inconsciemment, nos habitudes comportementales. L’industrie bancaire n’a pas échappé à ce maelström. Aujourd’hui, lorsqu’un client sollicite sa banque, il s’est déjà documenté sur Internet, a visité des forums, s’est renseigné auprès de ses amis. Bref, il dispose d’informations. De facto, le processus d’achat traditionnel s’en trouve bouleversé. Autrefois, ce cheminement passait par un stimulus publicitaire, via les médias, suivi d’un premier moment de vérité, l’achat, puis d’un second, l’utilisation. Mais un géant de l’Internet a depuis identifié et introduit une nouvelle étape dans cet enchaînement : le ZMOT pour Zero Moment of Truth. S’intercalant entre le stimulus et le premier moment de vérité, elle vient bousculer le processus d’achat traditionnel. Cette révélation touche tous les secteurs, y compris l’industrie bancaire. Or la prise en compte de ce moment est décisive : les deux tiers des revenus du monde BtoC proviennent désormais d’achats passés sur plusieurs canaux. Autrement dit, dans près de 70 % des cas, le concept d’achat monocanal n’existe plus.

Les pure-players de l’Internet à la manœuvre

De plus, l’approche « disruptive » de quelques pure-players de l’Internet a pulvérisé le mode de fonctionnement d’acteurs existants, citons par exemple le cas d’Apple qui est devenu le premier distributeur de musique au monde en seulement 7 ans, alors que l’entreprise partait de zéro dans ce domaine ; ou encore la situation de l’industrie hôtelière confrontée aux incontournables sites de réservation en ligne qui ont poussé à une très forte désintermédiation. Dans la même veine, le secteur bancaire voit arriver de nouveaux concurrents, symboles d’une menace non dénuée de fondement. Une étude [1] a en effet montré que 30 % du produit net bancaire des banques pouvaient être à risque d’ici à 2020. Par exemple, dans le domaine des paiements, qui représentent entre 10 et 20 % des sources de PNB pour les banques, Google propose aux États-Unis une carte de débit associée à son portefeuille virtuel. PayPal est le numéro un mondial du paiement en ligne, et le leader français également, avec plus de 5 millions de comptes ouverts.

Le constat est sans appel. Les consommateurs se soucient de moins en moins de savoir quel prestataire leur fournit un service – y compris financier –, du moment que celui-ci répond à leurs attentes, au moment voulu et sous la forme voulue. Dans ce contexte, les banques vont devoir faire des choix : soit devenir de simples commodités, soit déplacer le centre de gravité, aller là où se trouvent les consommateurs : en magasin, dans les lieux de loisirs et de passage, dans les transports en commun, les gares et les aéroports, au stade ou aux concerts. La banque doit pour cela devenir un média mobile, ubiquitaire, connecté aux clients depuis leur phase de réflexion en amont des achats, en gérant le fameux ZMOT, jusqu’à l’après-vente. Bref, sa caractéristique moteur serait d'être centrée sur le service et la relation à ses clients et non plus sur son organisation, ses produits et ses processus internes.

Les nouveaux rôles de la banque traditionnelle

On pourrait imaginer que la banque traditionnelle, en associant sa puissance à de nouveaux écosystèmes numériques, puisse étendre son périmètre d’activité. Elle pourrait jouer le rôle d’un fournisseur de conseils. En rapprochant sa connaissance intime des clients et ses capacités d’analyses, elle offrirait des recommandations et conseils sur des produits ou services internes ou de tiers. Une banque pourrait ainsi remonter d’un cran dans la chaîne de valeur. Par exemple, citons le cas d’une banque américaine qui informe ses clients de la valeur réelle des voitures à la vente pour les aider à en obtenir le meilleur prix, et leur propose en même temps des services de crédit et d’assurance associés. Ou encore, en Australie, une application immobilière développée par la première banque du pays enregistre 20 000 requêtes par semaine. En filmant une propriété, les clients obtiennent en temps réel, sur leur mobile, les offres immobilières disponibles à proximité, les prix moyens d’achat constatés dans le secteur, des informations sur le quartier, et une simulation de crédit, le tout en quelques secondes.

Une banque pourrait également endosser le rôle d’agrégateur de valeur. En tirant profit du volume de clientèle et de sa relation avec ses clients professionnels et entreprises, la banque peut fournir des avantages économiques à ses clients (coupons, programme de fidélité cross-industries) et un accès à un catalogue d’offres sélectionnées et privilégiées. L’idée qu’une banque puisse « rendre » du pouvoir d’achat à ses clients nous semble porteuse d’un message innovant et d’actualité. La même étude précédemment citée [2] montre que le potentiel de remise peut se situer entre 2 et 4 % du budget annuel pour un foyer. Certaines banques américaines ont déjà mis la chose en pratique : en fonction des dépenses par cartes effectuées par ses clients, l’établissement bancaire peut leur faire des propositions de remises ciblées… via leur mobile. Un atout technologique qui lui permet en outre de contextualiser une offre, et de la proposer au moment le plus opportun pour son client. Citons également l’exemple de cette banque turque qui a lancé une application mobile très attirante et qui connaît aujourd’hui un fort succès : cette application informe ses clients des offres promotionnelles dans les enseignes où ils font régulièrement leurs achats, tout en leur indiquant le point de vente le plus proche grâce à la géolocalisation.

Le rôle de facilitateur d’accès semble tout aussi séduisant. En effet, une banque jouerait un rôle de « facilitateur de la vie quotidienne » de ses clients pour les besoins bancaires et non bancaires. Elle simplifierait l’accès aux services de base (comme le transport ou les loisirs) et offrirait des moyens de paiement polymorphes. Une banque australienne fournit depuis 2010 à ses clients des offres de paiement mobile s’appuyant au choix sur le sans contact, le numéro de téléphone, l’adresse mail, le compte Facebook, le « bump to connect »… et dont l’objectif est de simplifier la vie de ses clients.

De nouveaux gisements de revenus

De telles évolutions présupposent une réflexion et une adaptation organisationnelle, stratégique, technologique et culturelle. Le modèle opérationnel des banques historiques doit donc évoluer : il semble par exemple difficile de concilier un modèle basé sur des P&L articulés autour des produits avec l’idée d’un client au centre de la relation. De plus, la simplification est une des vertus essentielles et indispensables à l’existence d’une banque numérique rentable. Cette exigence apparaît de surcroît comme salutaire, puisqu’elle va obliger les grandes banques à opter pour des processus, organisation et systèmes d’information plus simples et plus agiles.

En conjuguant leur profonde connaissance client, avec la puissance de feu de la mobilité, des réseaux sociaux, de l’analyse de données et d’un écosystème de partenaires, les banques ont donc les moyens de faire la course en tête, de devenir le facilitateur des décisions économiques des consommateurs dans l’environnement dans lequel ils évoluent d’aujourd’hui.

En s’engageant dans cette voie, une banque peut transformer en réalité les aspirations de ses clients et, au-delà de la défense du produit net bancaire à risque, augmenter ses surfaces de contact avec ses clients (entre 5 et 10  fois [3] ), améliorer les taux de conversion de ses ventes (jusqu’à +300 %) et s’ouvrir à de nouveaux gisements de revenus liés à l’intermédiation de services non bancaires.

1 Étude Accenture « The Everyday Bank », 2014. 2 Ibid. 3 Ibid.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº779
Notes :
1 Étude Accenture « The Everyday Bank », 2014.
2 Ibid.
3 Ibid.
RB