À la suite de la crise financière, et en particulier des conséquences systémiques de la défaillance de Lehman Brothers, les Pouvoirs publics et régulateurs se sont attachés à minimiser la propagation des impacts financiers négatifs d'une telle défaillance. Cela s'est traduit par :
- l'obligation pour les établissements de crédit d'importance systémique d'établir un plan préventif
de rétablissement ;[1] - l'obligation pour les autorités de résolution d'établir un plan préventif de résolution pour chaque établissement (ou au niveau d'un groupe supervisé sur base
consolidée) .[2]
Les mesures de renflouement interne ont donc un impact potentiel direct sur les clients et contreparties des établissements de crédit. Cependant, par l'exclusion de certains engagements des mesures de renflouement interne, ou par des mesures de sauvegarde (venant neutraliser certains pouvoirs de l'autorité de résolution) des instruments sont protégés ; il est important pour les clients ou contreparties des établissements de crédit d'avoir parfaitement connaissance de ces protections.
Impact des mesures de renflouement interne
Le renflouement interne consiste à rétablir dans la mesure du possible la solvabilité financière d'un établissement au regard du respect des ratios financiers, à commencer par le ratio de solvabilité (qui mesure la proportion de fonds propres par rapport à la somme des engagements pondérés). Cela passe donc par l'augmentation des fonds propres ou la diminution des engagements. Le renflouement est utilisé dans le cadre d’une stratégie de remise à niveau de l’entité en résolution si l’autorité de résolution estime que sa viabilité financière à long terme peut être restaurée. À l’inverse, il peut être utilisé dans le cadre d’une stratégie de cession d'activité ou d'actifs afin de capitaliser l’établissement-relais et de faciliter l’utilisation de la cession d’activité ou de la structure de gestion des actifs (article 43 de la directive européenne n° 2014/59 établissant un cadre pour le redressement et la résolution d'établissements de crédit, BRRD).
Les mesures ainsi mises en œuvre passent donc par la dépréciation de certains engagements des tiers à l'égard de l'établissement en résolution, ou leur conversion en titre de capital contribuant aux fonds propres de base.
Il convient de noter que, par principe, la dépréciation ou la conversion couvre tout type d'engagement d'un tiers vis-à-vis de l'établissement (article 44.1 de BRRD), sauf ceux qui sont exclus (article 44.2. de BRRD, voir 2 ci-après). Ainsi, par principe, tout créancier d'un établissement peut potentiellement voir sa créance réduite totalement ou partiellement, ou convertie en titre de capital. La principale limite à ce pouvoir de l'autorité de résolution tient au principe applicable à tout instant selon lequel le créancier ainsi affecté ne doit pas se trouver dans une situation plus défavorable que celle qui serait résultée de la mise en œuvre des procédures de liquidation (no creditor worth off principle, NCWO).
Il est à noter cependant que la mise en œuvre du renflouement interne doit suivre l'ordre de subordination des instruments devant être dépréciés ou convertis (article 48 de BRRD), en commençant par les actions ordinaires constitutives des fonds propres de base de catégorie 1. De plus, ces mesures doivent être appliquées de manière proportionnelle entre l'ensemble des créanciers de même rang (sans bien sûr affecter les créanciers d'engagements exclus du renflouement interne).
Notons enfin que les mesures de renflouement interne ne sont pas les seuls qui soient susceptibles d'affecter la contrepartie d'un établissement en résolution. Parmi les pouvoirs les plus remarquables conférés aux autorités de résolution, relevons les suivants (article 63 à 71 de BRRD) :
- transférer les droits, actifs ou engagements à un tiers avec son accord (mais sans celui des contreparties de l'établissement en résolution) ;
- modifier l'échéance d'instruments de dette et d'autres engagements susceptibles de renflouement interne, le montant des intérêts ou suspendre leur paiement ;
- libérer de tout engagement ou sûreté tout actif (avec quelques exceptions) ;
- annuler ou modifier les clauses d'un contrat ou remplacer une entité réceptrice en tant que partie au contrat ;
- suspendre l'effet de clause de résiliation ou de réalisation de sûretés.
Neutralisation des mesures de renflouement interne
Certaines mesures de résolution comportent des sauvegardes, comprises comme l'impossibilité, ou l'aménagement, dans la mise en œuvre d'une mesure de résolution à raison de l'identité de la contrepartie de l'établissement que l'on veut protéger (salariés ou fournisseurs de prestations essentielles à l'activité quotidienne par exemple) ou de la nature des engagements pris vis-à-vis de l'établissement en résolution pour préserver toute propagation du risque systémique (obligations prises dans le cadre d'un système de paiement par exemple). On peut distinguer celles excluant certains engagements des mesures de renflouement interne, des autres atténuant ou neutralisant les effets de telle ou telle mesure de renflouement.
L'article 44.2 de BRRD exclut certains engagements du pouvoir de dépréciation ou de conversion de l'autorité de résolution, ce qui procure une protection certaine des contreparties ou clients créanciers de tels engagements.
On évoquera en premier lieu les dépôts couverts par le fonds de garantie des dépôts et de résolution. Jusqu'au montant ainsi garanti (100 000 euros), ces sommes ne peuvent faire l'objet d'une dépréciation ou d'une convention en titre de capital. Il en résulte pour une entreprise le souci légitime de diversifier ses dépôts auprès de différents établissements, afin de bénéficier d'une diversification qui pourrait lui permettre de rester en deçà du seuil de garantie. Pour les grandes entreprises, une telle mesure serait sans véritable effet, et il conviendrait alors de réduire le montant des sommes déposées, par leur investissement dans des instruments financiers peu risqués (obligations d'état par exemple). Dans cette dernière situation, la propriété de ces titres ne saurait être affectée par toute mesure de résolution, dès lors qu'il en irait de même en cas d'insolvabilité (article 44.2 c de BRRD), les propriétaires de titre étant en droit de les revendiquer (article L. 211-10 du Code monétaire et financier). Mais ces contrats ou actifs peuvent faire l'objet d'une autre mesure de résolution que le renflouement interne, en particulier dans le cadre d'une cession d'actifs. Ainsi, si les dépôts couverts ne peuvent être dépréciés, ils peuvent faire l'objet d'une cession à un établissement tiers.
Sont également protégés les engagements garantis (en ce y compris les obligations garanties) et les instruments financiers utilisés à des fins
Sans être énumérés à cet article 44.2, les accords