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Economie

Gafa : quelle régulation ?

Créé le

18.04.2018

-

Mis à jour le

26.04.2018

Dire que les auditions de Mark Zuckerberg devant le Congrès américain marquent un tournant peut sembler évident : si, jusqu'à présent, ces acteurs avaient réussi à avancer dans un relatif vide juridique, cela va être de moins en moins le cas. Pourtant, il est difficile de croire en l'émergence prochaine d'une régulation significativement contraignante à horizon prévisible. Pourquoi ?

D'abord, parce qu'il y a de nombreux objectifs à la régulation concernant les Gafa [1] (et autres leaders du numérique) et que leur compatibilité s'avère complexe : il s’agit souvent d’abord de réduire leur pouvoir de marché afin, par exemple, de limiter la mainmise sur l'accès aux utilisateurs ou d'instaurer des barrières à l’entrée ou à la sortie. Mais il s'agit aussi d’éviter l'optimisation fiscale excessive, de protéger les données personnelles des utilisateurs, de lutter contre les « fake news », de protéger les droits d'auteur, les brevets, la sécurité publique, la diversité culturelle, parfois les travailleurs salariés (comme dans le cas d’Uber)…  Une régulation spécifique aux Gafa devrait donc s’appliquer à la multitude de leurs activités.

Ensuite parce que le droit traditionnel de la concurrence est inadapté au numérique. Les plates-formes possèdent une structure unique, sans équivalent historique, à l'origine de leur « domination » : ce sont des réseaux planétaires connectant produits, services, informations et utilisateurs où la création de valeur ne provient pas uniquement de ressources internes, mais également externes (utilisateurs). C’est également une industrie où les effets de réseau directs (effets d’échelle) et, surtout, indirects, sont très nombreux : plusieurs catégories d’utilisateurs interagissent sur des plates-formes mettant en relation des acheteurs multiples et des vendeurs multiples.

Ajoutons qu’il y a beaucoup d'asymétries d'information entre régulateur et acteurs, provenant en particulier de la capacité permanente et opaque de ces entreprises à tester, expérimenter et analyser les résultats de nouveaux outils.

La législation antitrust se focalise aussi trop exclusivement sur le « consumer welfare » évalué de façon quasi exclusive sous l’angle des prix. Or, dans le cas d’Amazon par exemple, il est très difficile de mesurer l’impact de la concentration sur ce critère car une baisse de prix dans un segment peut être subventionnée par une hausse dans un autre domaine (par exemple, dans le livre numérique, une baisse du prix sur les best-sellers numériques est compensée par une hausse sur certains livres physiques), voire dans un tout autre secteur (par exemple lorsque Amazon Web Services subventionne en partie l’activité d’Amazon à l’international).

D'une manière générale, Il y a nécessité d'une régulation transversale (n'affectant pas uniquement des acteurs numériques) et internationale afin de la rendre efficace, ce qui est extrêmement long et complexe.

Il y a enfin des enjeux stratégiques derrière les questions de régulation. Les autorités de régulation américaines ne vont pas « se tirer une balle dans le pied » face à la montée en puissance des leaders technologiques chinois tels que les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi).

1 Google, Apple, Facebook, Amazon.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº820
Notes :
1 Google, Apple, Facebook, Amazon.
RB