Depuis quelque temps, les verrous réglementaires qui existaient en France sur l'octroi du crédit par des seuls établissements bancaires (établissements de crédit et sociétés de financement) sautent les uns après les autres. À l'initiative, la plupart du temps, du gouvernement, ou avec son aval ; et ce n'est pas là l'un des moindres paradoxes. Alors que jusque dans un passé récent les possibilités d'octroyer un crédit en dehors du secteur bancaire étaient rares et limitées, en moins de deux années, ce ne sont pas moins de quatre initiatives fortes qui ont été prises successivement par ce gouvernement :
- tout d'abord, la réforme, en 2013 puis en 2014, du Code des assurances et autres codes de la mutualité ou de la sécurité sociale, autorisant les établissements assujettis à ces codes à prêter directement aux entreprises, sous certaines conditions, ou d'investir dans des fonds de prêts à l'économie ;
- ensuite l'ordonnance de 2014 sur le crowdfunding ;
- maintenant, le projet de loi Macron, avec la possibilité pour les entreprises de recourir au crédit interentreprises et aux plates-formes de financement participatif d'utiliser la technique – oubliée – du bon de caisse.
Des réformes cohérentes
Mais pourquoi ouvrir les vannes du crédit vers de nouveaux acteurs alors que, selon les informations fournies par la Banque de France, le crédit aux entreprises et aux PME est satisfaisant en
L'analyse du risque de crédit par les nouveaux acteurs
La question de l'apparition de nouveaux acteurs du financement de l'économie pose alors une autre question : ceux-ci sont-ils en mesure d'apprécier correctement le risque de crédit ? S'agissant des assureurs, mutualistes et autres fonds de prêts à l'économie, la réglementation leur impose de passer par les fourches caudines de l'ACPR ou de l'AMF, selon le cas, afin de vérifier s'ils disposent bien des moyens humains et techniques leur permettant d'assurer l'analyse et la gestion de ce risque. Qu'en est-il pour les entreprises qui octroient des prêts à d'autres entreprises ? Devront-elles elles aussi demander une habilitation à l'ACPR ? Certes, non, celle-ci n'étant pas compétente à leur égard. Seront-elles alors totalement libres dans leur analyse du risque ? Le décret d'application de la future loi n'est pas encore prêt, mais il est probable que celui-ci fixe des limites qualitatives, voire quantitatives, dans l'octroi de ces crédits. La situation est encore beaucoup plus souple pour les plates-formes de crowdfunding. Certes, ce ne sont pas celles-ci qui octroient les crédits, mais leurs membres prêteurs ; il n'en demeure pas moins que ces derniers, avant d'investir, s'attendent à pouvoir s'appuyer sur l'analyse du risque effectuée par la plate-forme. Qu'il s'agisse du crédit interentreprises ou du financement participatif, dans les deux cas, le crédit octroyé est réalisé sans création de masse monétaire, par utilisation de la trésorerie ou de l'épargne disponible. Et dans le second cas, les volumes restent encore faibles. Et ils resteront marginaux encore un certain temps, au regard des sommes en jeu (les crédits bancaires aux PME représentent environ 380 milliards d'euros, sur un total de crédit aux entreprises non financières de plus de 800 milliards d'euros).
Le risque crédit TPE-PME est-il titrisable ?
La question du financement des ETI, PME et TPE est au cœur de ces modalités nouvelles. Si les fonds de prêts à l'économie et les assureurs semblent rentrer avec enthousiasme dans le financement des ETI, la question des PME-TPE pose un problème plus fondamental. Ici, l'analyse du risque de crédit pose de vraies difficultés. Dans quelle mesure un acteur non bancaire peut-il correctement apprécier ce risque ? En effet, si le financement des quelques milliers d'ETI en France permet une analyse dossier par dossier, en fonction des fondamentaux de l'entreprise, par le recours à des techniques d'analyse crédit, la situation des PME et TPE est différente. Comment analyser les centaines de milliers de PME et les millions de TPE ? Doit-on se limiter à la seule analyse quantitative, statistique, du risque ? La différence fondamentale entre une banque et un financeur alternatif en matière de financement des PME tient à la relation étroite qui existe entre celle-ci et l'entreprise. C'est d'ailleurs là la force des réseaux bancaires : un maillage serré des agents économiques, permettant une connaissance fine des dirigeants et des entreprises. Tel n'est pas du tout l'optique des financeurs alternatifs. Ne pouvant recourir à cette connaissance individuelle, ils doivent se concentrer sur l'analyse quantitative.
On sait que les banques modélisent la distribution des pertes potentielles par recours à des méthodologies de mesure de la performance ajustée du risque (dont la plus connue porte le nom de
Ces nouveaux types de financement vont modifier le rapport du dirigeant avec ses créanciers : ceux-ci n’auront pas de rapports directs avec lui. D’autant plus que ce mode de financement utilisera de plus en plus la titrisation comme outil de gestion du risque de crédit. Cela sera d’autant plus facile que ces fonds de titrisation viendront se « brancher » sur les plates-formes de crowdfunding les plus actives. Cette évolution fait