En application de l’article 61-1 de la
Avec le recul de près d’une année de mise en œuvre, une jurisprudence commence à se former, tout particulièrement dans le domaine fiscal, terre d’élection de la QPC. Tout
Le champ d’application
Les normes susceptibles d’être contestées
Le champ de la procédure est limité aux dispositions législatives, ce qui exclut la possibilité d’interroger le Conseil constitutionnel à titre préjudiciel sur l’interprétation d’une norme constitutionnelle, fût-ce en vue de son application dans un
Les conditions à remplir
L’applicabilité au litige de la disposition contestée
- Eu égard à la brièveté du délai imparti aux juges suprêmes (Conseil d’État ou Cour de Cassation) pour transmettre, le cas échéant, la QPC au Conseil constitutionnel et se prononcer ainsi sur l’applicabilité au litige de la disposition contestée, il n’est pas exclu qu’une instruction plus poussée révèle par la suite qu’une transmission initialement effectuée était, en réalité, sans fondement : dans un tel cas de figure, le Conseil d’État se réserve la possibilité de juger la disposition inapplicable au litige lors du règlement définitif de l’affaire.
- L’applicabilité au litige de la disposition contestée ne saurait préjuger de l’interprétation qui sera faite ensuite de cette disposition : ainsi en a jugé le Conseil d’État dans l’espèce
Union des familles en Europe .[7] - Le litige peut avoir pour objet de revendiquer l’application non prévue d’une disposition législative sur le fondement, par exemple, du principe de
l’égalité devant l’impôt .¶[8] - Il est admis que la condition d’applicabilité au litige est remplie lorsqu’une disposition législative présente un rapport d’indissociabilité avec celle, également contestée, dont l’application est
à l'origine du litige. Il apparaît ainsi que le Conseil d’État montre un certain libéralisme dans l’appréciation de la condition d’applicabilité au litige de la disposition contestée, l’objectif qu’il recherche visant essentiellement à éviter que la QPC se transforme en une action populaire contre la loi. La Haute Assemblée pourrait admettre de prendre en considération une certaine légitimité à poser la QPC, de la même manière qu’elle apprécie l’intérêt pour agir en matière de recours pour excès de pouvoir ouvert à l’encontre d’une disposition réglementaire, la question se posant de savoir, au demeurant, si elle admettra la QPC soulevée dans le cadre d’un tel recours dirigé contre une instruction de l’administration fiscale commentant une disposition législative contestée.[9]
L'absence de précédent
Cette condition est la conséquence de l’adage «
Le deuxième arrêt concernait l’ancien abattement de 20 % sur les bénéfices déclarés par les adhérents à un centre de gestion ou à une association agréée. Dans le cas d’une disposition modifiant, complétant ou affectant le domaine d’une loi antérieurement promulguée, le Conseil constitutionnel se reconnaît le pouvoir de faire porter son contrôle non seulement sur la disposition législative modificatrice, mais aussi sur celle ayant fait l’objet de la modification : il ne peut, toutefois, le faire d’office, ce qui, au cas particulier de l’espèce jugée, interdisait au Conseil d’État de regarder comme remplie la condition relative à l’absence de précédent.
L’exigence relative au caractère nouveau ou sérieux de la question posée
Le Conseil constitutionnel a précisé, s’agissant de la première condition alternative, qu’elle ne devait pas s’apprécier au regard de la disposition législative contestée, mais au regard du moyen d’inconstitutionnalité soulevé, ce qui aura le plus souvent pour conséquence d’écarter l’examen de ce moyen, sauf si les droits ou libertés estimés transgressés par une disposition législative ont fait l’objet d’une reconnaissance récente par la Constitution. C’est donc sur le fondement de la seconde condition alternative, à savoir le caractère sérieux de la question posée, que le filtrage du Conseil d’État ou de la Cour de Cassation s'exercera principalement.
L’appréciation de ces hautes juridictions s’effectuera au regard des seuls moyens d’inconstitutionnalité soulevés par l’auteur de la question en application du principe «
La nécessité d’une atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit
La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 fait partie de notre « corpus » constitutionnel : elle énonce un certain nombre de droits et de libertés, notamment le principe de l’égalité devant l’impôt et les charges publiques, le principe de non-discrimination, etc., qui peuvent être revendiqués à l’appui d’une QPC, comme en témoignent les déjà nombreuses affaires ayant fait l’objet d’une telle procédure.
La question s’est posée, en outre, au Conseil d’État de savoir si l’incompétence négative du législateur, concrétisée par une loi déléguant au pouvoir réglementaire le pouvoir de fixer des modalités d’application ressortissant du domaine de la loi tel que fixé à l’article 34 de la Constitution, pouvait faire l’objet d’une QPC : en effet, la répartition des compétences entre le domaine de la loi et celui du règlement participe, au moins en certaines matières, de la protection des lois et libertés garantis par la Constitution en imposant l’intervention d’un débat public au sein du Parlement, même si, par ailleurs, le pouvoir constituant de 2008 a entendu exclure, par la référence aux droits et libertés garantis par la Constitution, les dispositions constitutionnelles liées au fonctionnement des institutions. Le doute étant permis, la QPC a été jugée sérieuse et transmise au
La procédure
Il est mis en place un mécanisme de filtrage : le Conseil constitutionnel ne peut être saisi directement d’une QPC par une juridiction subordonnée au Conseil d’État ou à la Cour de Cassation, mais cette dernière doit renvoyer sans délai cette question à la Cour suprême dont elle relève, laquelle, qu’elle soit saisie sur renvoi ou directement à l’occasion d’une instance engagée devant elle, dispose d’un délai de trois mois pour se prononcer sur le caractère nouveau ou sérieux du moyen invoqué, et pour transmettre ou non, suivant le cas, au Conseil constitutionnel.
La QPC fera donc l’objet d’un examen parallèle et distinct de celui auquel donne lieu le litige au principal : cela explique pourquoi le moyen tiré de cette QPC devra être présenté dans un écrit distinct et motivé, mais, bien que ne pouvant être relevé d’office par le juge, il pourra, toutefois, être invoqué à tout moment de l’instance, y compris, pour la première fois en appel et aussi en cassation.
S’agissant, par ailleurs, des effets d’une décision d’inconstitutionnalité prise par le Conseil constitutionnel, il est seulement précisé que la disposition législative jugée non conforme est abrogée à compter de la publication de la décision ou d’une date ultérieure fixée par cette décision, mais, à aucun moment il n’est fait référence aux dispositions combinées des articles L. 190 et R. 196-1 du Livre des procédures fiscales (LPF) qui, en matière fiscale, ouvrent un nouveau délai de réclamation pour contester l’application d’une disposition jugée non conforme à une norme de droit supérieure par une décision du Conseil d’État, un arrêt de la Cour de Cassation ou du Tribunal des conflits.
On peut penser que le Conseil constitutionnel, suivant en cela une orientation logique, pourrait limiter les effets de ses décisions pour le passé aux litiges en cours, soit à la date de leur prononcé, soit à la date de renvoi des QPC par le Conseil d’État ou par la Cour de Cassation.