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Surveillance prudentielle d’une banque mutualiste ou coopérative

Créé le

17.07.2019

Par une première décision du 1er septembre 2014, la BCE a considéré que le groupe Crédit Mutuel était un groupe important soumis directement à sa surveillance prudentielle dans le cadre du Mécanisme de surveillance unique (MSU). Elle a estimé notamment que la Confédération Nationale du Crédit Mutuel (CNCM) était le niveau de consolidation prudentielle le plus élevé et que le CMA était une entité membre du groupe Crédit Mutuel. Par une deuxième décision du 17 juin 2015, la BCE a fixé les exigences prudentielles applicables au groupe Crédit Mutuel et confirmé être l’autorité compétente chargée de la surveillance du CMA. Ce dernier, qui contestait être soumis à la surveillance prudentielle de la BCE par l’intermédiaire de la CNCM et non directement, a saisi en vain la Commission administrative de réexamen. Par la suite, la BCE a adopté une troisième décision, le 5 octobre 2015, qui a abrogé et remplacé la décision du 17 juin 2015, tout en conservant un contenu identique [1] . Enfin la BCE a pris, le 4 décembre 2015, une quatrième décision imposant de nouvelles exigences prudentielles au groupe Crédit Mutuel ainsi qu’aux entités qui le composent.

Le CMA a demandé au Tribunal de l’Union européenne l’annulation de ces deux dernières décisions. Par deux arrêts du 13 décembre 2017 [2] , le Tribunal a rejeté les recours dans leur intégralité. Le CMA a alors saisi la Cour de justice de deux pourvois.

Le requérant soulève deux moyens à l’appui de ses pourvois. D’une part, il reproche au Tribunal d’avoir jugé, de manière erronée, que les dispositions du règlement-cadre MSU [3] et du règlement MSU permettent à la BCE d’organiser une surveillance prudentielle consolidée d’établissements affiliés à un organisme central même lorsque cet organisme central ne dispose pas de la qualité d’établissement de crédit, ce qui est le cas de la CNCM. D’autre part, il critique le Tribunal pour avoir considéré, de manière inexacte, que le groupe Crédit Mutuel est un « groupe soumis à la surveillance prudentielle » au sens de la réglementation de l’Union.

Dans ses conclusions, l’avocat général propose à la Cour de rejeter les deux pourvois introduits par le CMA. Il estime, en premier lieu, que l’article 127 § 6 TFUE qui prévoit que le Conseil peut, selon une procédure législative spéciale, confier à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de contrôle prudentiel des établissements de crédit et des autres établissements financiers, et qui sert de base juridique au règlement instituant le MSU, ne s’oppose pas à ce que la BCE puisse exercer une surveillance prudentielle sur base consolidée sur un groupe bancaire à partir d’un organisme central qui ne dispose pas de la qualité d’établissement de crédit. L’avocat général considère, en second lieu, que le groupe Crédit Mutuel remplit toutes les conditions requises pour relever de la notion de groupe au sens de la réglementation de l’Union en matière de surveillance prudentielle : une solidarité entre les établissements affiliés à la CNCM, une consolidation des comptes de ces établissements au niveau du groupe ainsi que l’attribution à la CNCM d’un pouvoir d’instruction et de direction sur ces derniers.

Cette affaire qui s’inscrit dans la longue série de contentieux opposant le groupe Crédit Mutuel au CMA, suscite l’intérêt car elle amènera, pour la première fois, la Cour à interpréter l’article 127 § 6 TFUE sur lequel repose le premier pilier de l’Union bancaire.

 

1 La Commission se borne à rendre un avis à charge pour la BCE, selon le sens de l’avis, de prendre une nouvelle décision dont le contenu est identique à la décision qu’elle abroge ou une décision modifiée qui remplace la décision initiale. 
2 Trib. UE, 13 déc. 2017, Crédit mutuel Arkéa c/ BCE, aff. T-712/15. – Trib. UE, 13 déc. 2017, Crédit mutuel Arkéa c/ BCE, aff. T-52/16. – Sur ces deux décisions, v. « Arkéa est soumise au contrôle prudentiel de la BCE
en tant que composante du groupe Crédit Mutuel », Revue Banque n° 817, févr. 2018, p. 94, obs. J.-Ph. Kovar et J. Lasserre Capdeville.
3 Règlement (UE) n° 468/2014 de la BCE du 16 avril 2014 établissant le cadre de la coopération au sein du MSU entre la BCE, les autorités compétentes nationales et les autorités désignées nationales : JOUE, n° L 141, 14 mai 2014, p. 1. – Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 confiant à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit : JOUE, n° L 287, 29 oct. 2013, p. 63.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº835
Notes :
1 La Commission se borne à rendre un avis à charge pour la BCE, selon le sens de l’avis, de prendre une nouvelle décision dont le contenu est identique à la décision qu’elle abroge ou une décision modifiée qui remplace la décision initiale. 
2 Trib. UE, 13 déc. 2017, Crédit mutuel Arkéa c/ BCE, aff. T-712/15. – Trib. UE, 13 déc. 2017, Crédit mutuel Arkéa c/ BCE, aff. T-52/16. – Sur ces deux décisions, v. « Arkéa est soumise au contrôle prudentiel de la BCE en tant que composante du groupe Crédit Mutuel », Revue Banque n° 817, févr. 2018, p. 94, obs. J.-Ph. Kovar et J. Lasserre Capdeville.
3 Règlement (UE) n° 468/2014 de la BCE du 16 avril 2014 établissant le cadre de la coopération au sein du MSU entre la BCE, les autorités compétentes nationales et les autorités désignées nationales : JOUE, n° L 141, 14 mai 2014, p. 1. – Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 confiant à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit : JOUE, n° L 287, 29 oct. 2013, p. 63.