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Propos introductifs

Le Forum international des risques financiers analyse les taux bas et leurs incidences sur le l’économie et la finance mondiale

Créé le

20.05.2019

-

Mis à jour le

12.07.2019

La 12e édition du Financial Risks International Forum (Risks Forum), qui s’est déroulée les 18 et 19 mars à la Chambre de commerce et d’industrie de la région Paris-Île-de-France,  a regroupé des chercheurs académiques du monde entier, des professionnels et des régulateurs pour débattre et échanger sur la faiblesse des taux d’intérêt, qui suscite des inquiétudes au sein de l’industrie bancaire et financière.

Après les risques extra-financiers l’an dernier, la thématique du Risks Forum 2019 était consacrée à « la faiblesse des taux d’intérêt, la quête de rendement, la gestion des risques de taux et les transitions ». Il est vrai que ces problématiques sont à la fois inquiétantes et déstabilisantes pour les professionnels du secteur et les régulateurs. De fait, avec les politiques monétaires non conventionnelles adoptées, au lendemain de la crise financière de 2008, par les banques centrales des pays développés – la Réserve Fédérale Américaine (Fed), la Banque Centrale Européenne (BCE), la Bank of England… –, les taux d’intérêt à court terme ont atteint la borne de 0 % et les taux à long terme se sont logiquement affaiblis. « Dix ans après la crise financière, il est temps de discuter de la longue faiblesse des taux d’intérêt pour l’industrie financière, qui est confrontée à plusieurs problématiques : la baisse des rendements des actifs et la hausse de leurs engagements, en particulier du côté des assureurs ; un changement de stratégie pour générer davantage de rendements ; une réduction des garanties offertes avec un transfert des risques vers les ménages de la part des fonds de pensions », a déclaré Marie Brière, directrice scientifique du Risks Forum, en préambule à cet événement scientifique d’excellence, « dont la caractéristique unique est de réunir au même endroit des praticiens et des académiques », a-t-elle ajouté.

Les banques européennes souffrent des taux faibles

Alors que la Fed s’est déjà engagée vers une remontée lente et progressive de ses taux directeurs, la BCE a continué à maintenir une politique monétaire accommodante. Or cette différence des deux côtés de l’Atlantique crée des remous pour les acteurs du Vieux Continent : « Les banques européennes sont désavantagées par rapport à leurs concurrentes américaines. Cela se ressent sur leurs cours en Bourse », a indiqué Michel Crouhy, directeur de la recherche et du développement chez Natixis.

Pour John Fell, directeur général adjoint à la BCE, qui a fait un exposé remarqué sur les facteurs relatifs à la faiblesse des taux, comme la stagnation séculaire ou le manque de croissance potentielle, « les taux bas provoquent des pressions sur la rentabilité des banques, qui doivent rechercher davantage de rendement en transférant certains risques aux ménages. Cela peut accroître la rapidité de transmission des risques au système financier, qui peuvent provenir de trois sources : du business model des banques, des prises de risques excessives et des changements de structure du système financier avec le shadow banking et les interconnexions », tout en ajoutant que « les banques européennes sont moins rentables que les banques américaines et des pays nordiques. Elles ne délivrent pas les rendements attendus par les investisseurs. »

Les investisseurs institutionnels sont en quête de rendements

Après la présentation de John Fell, une table ronde a permis de donner le point de vue des praticiens : « Les taux bas engendrent de faibles rendements, peu de création de valeur pour le futur et une forte valorisation des actifs obligataires. Les prises de risques augmentent et la composition des portefeuilles évolue. Nous cherchons également des innovations en termes de stratégies, notamment avec le smart beta, des maturités plus longues ou la couverture des risques avec les options », a souligné Salwa Boussoukaya-Nasr, directrice des investissements du Fonds de Réserve des Retraites.

De son côté Philippe Uzan, directeur des investissements chez Edmond de Rothschild Asset Management a affirmé : « Il y a plus de défis que d’opportunités. Il n’y a plus de rendement sans risque. Les données historiques sur les primes de risque sont moins utiles, rendant plus difficile la construction de portefeuilles. »

Les actifs alternatifs ont le vent en poupe

Pour faire face aux taux bas, les investisseurs institutionnels se portent donc davantage sur les actifs alternatifs, qui regroupent notamment le capital-risque, l’immobilier, la dette privée, les hedges funds, les infrastructures ou les ressources naturelles. Il faut dire que ces actifs sont moins liquides et sont censés générer des rendements supérieurs aux actifs traditionnels (actions, obligations), dans un contexte de taux d’intérêt très bas. Ce phénomène se retrouve notamment dans les fonds de pension, comme l’a observé Victoria Ivashina, professeur de finance à Harvard Business School, qui a présenté une étude portant sur les stratégies de 2 000 fonds de pension à travers le monde entre 2008 et 2017. Selon la scientifique, « ce changement de stratégie est un phénomène mondial et ne se concentre pas uniquement sur les pays développés. »

À l’heure où la Fed et la BCE ne devraient pas augmenter leurs taux en 2019 et le contexte de faible taux est amené à perdurer, la recherche scientifique a des réponses et des recommandations à apporter pour orienter les décisions des professionnels et des régulateurs.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nºhof2019